lundi 24 décembre 2012

La joie inaltérable de Noël




Gaudeamus in Domino !


     L'horizon blanchit à l'Est ; la pâle lueur de l'aube nous atteint ; nous arrivons au bout de la nuit. 

     Demain ce sera Noël, la fête de la naissance du Sauveur. Mais nombreux seront ceux, qui, en cette nuit sainte et ce jour béni, se trouveront seuls, affligés, malades, agonisants ou désespérés. Ces réjouissances annuelles ne doivent-elles pas leur être intolérables ? Ne sont-ils pas les grands oubliés de ces fêtes où tout le monde se trouve dans l'allégresse ? Hé bien non. En fait, Noël est fait pour eux.

     Car la joie de Noël, la vraie, n'a rien à voir avec le plaisir matériel que procure des iPads ou le dernier Nikon One ; elle n'est pas non plus le plaisir d'une « fête de la convivialité ». Il faut se purifier sur ce point des impostures contemporaines sur Noël et de ce que la société moderne en a fait ; Noël n'est pas assimilable à une course folle dans les Galeries Lafayette.

Noël, c'est la fête du Pauvre.

    Contemplons ce jeune couple, harassé par le voyage, errant dans Bethléem par une nuit froide à la recherche d'un abri car Marie, tout juste âgée de seize ans, est sur le point d'enfanter. Il n'y a plus de place pour eux à l'hôtellerie, personne ne veut les loger. Joseph, rongé d'angoisse, ne peut trouver mieux pour eux qu'une misérable étable enfoncée dans une cavité rocheuse glacée, sombre, humide...

    Contemplons ce Bébé désarmé, nu, couché dans une mangeoire pleine de paille, réchauffé seulement par les bras tendres de sa Mère et le souffle tiède d'un âne et d'un bœuf. Joseph, partagé entre la crainte et le soulagement, se penche sur l'Enfant et observe le miracle.

   Contemplons cette bande de pauvres bergers, qui, alertés par l'ange quelques instants après la naissance du petit Enfant, accourent à toute vitesse depuis les champs vers le lieu indiqué. Ils s'approchent prudemment du berceau improvisé et, saisis de ravissement, tombent à genoux. Ces modestes pâtres aux pieds poussiéreux, déguenillés, hirsutes, ont l'immense privilège d'être les premiers à voir le Nouveau Né.

     Car cet Enfant inoffensif, au milieu du foin, n'est rien d'autre que le Suzerain des Cieux venu sauver le monde. Dieu Lui-même, sous la forme d'un bébé, repose à cet instant dans les bras d'une pauvre fille de Nazareth. Ô mystère sublime de l'Incarnation ! Jésus est né, le Sauveur est enfin là ! Il aurait pu naître d'une famille royale, dans un palais, ou même descendre adulte directement du Ciel. Non, Il a choisi le dénuement le plus total. En cela, il rejoint toute l'humanité dans sa misère, « assise à l'ombre de la mort. »

     Nous portons tous des pierres au fond du cœur, et nous avons chacun mille raisons de ne pas nous réjouir en ce 25 décembre... Mais la joie inhérente à Noël n'est pas fonction du poids de nos croix personnelles, du nombre de cadeaux, de l'entourage ou de la qualité de la nourriture du festin.

     La joie de Noël tient essentiellement à l'espoir surnaturel que représente pour le genre humain ce Bébé enveloppé de langes. Il n'est pas la promesse de plus de richesses, de plus de santé, de plus de confort ou de plus de plaisir, mais Il est la Miséricorde incarnée, au pied de la lettre. Dieu est tombé du Ciel pour nous y ramener. Cette petite tête chauve est pour chacun de nous, personnellement, un message de réconciliation : avec cet Enfant, c'est l'œuvre de la Rédemption qui commence. Nous sommes tous criminels, pécheurs, malades, infirmes, corrompus... en un mot nous sommes perdus. Mais ce Poupon est venu pour nous sauver, et c'est tout ce qui compte. C'est comme si, tombés au fond d'une mine, écrasés par un éboulement, au bord de la mort, nous entendions les coups de pioche des sauveteurs. L'aventure commence ; nous sommes en route vers Pâques : la Croix s'avance déjà.

     La joie de Noël, donc, est inaltérable parce qu'elle est avant tout spirituelle. Seul ou en famille, pauvre ou riche, malade ou bien-portant, nous pouvons tous nous réjouir de la naissance du Messie tant attendu, car elle concerne tout le monde, et spécialement ceux qui ne vont pas bien. Comme chaque année, Noël est l'occasion de radicalement changer nos vies ; c'est l'occasion de faire passer l'invisible avant le visible, l'occasion de donner un sens surnaturel à nos existences en allant adorer l'Enfant à la crèche avec les bergers et les Rois Mages.

   « Colline de Sion, tressaille d'allégresse ; filles de Jérusalem, revêtez vos habits de fête, et chantez, chantez de nouveaux cantiques ».

     Noël contient tout une révolution morale, il est le commencement de ce nouvel ordre d'idées qui doit changer la face du monde ; richesses, orgueil, votre règne est fini, celui du détachement, de l'humilité et de la charité commence ; au nouveau Roi de la Crèche il faut des courtisans qui aiment le dénuement de sa naissance, le reconnaissent et l'adorent dans sa pauvreté ; et désormais ses faveurs et ses préférences sont pour ceux qui souffrent et qui, à son exemple, se sont fait petits.


Joyeux et saint Noël à tous ! 





vendredi 21 décembre 2012

La complainte du Templier




1* C'était au mois de mai que je fus adoubé
En la commanderie de Montigny l'Allier
En ce clair jour ma joie ne se put comparer
Qu'à celle des amants qui ont le cœur comblé

2* Quand je reçus de l'ordre la cape immaculée
Marquée de la croix rouge, à l'épaule brodée
Le grand maître, céans, a daigné me parler
« sois fidèle et ardent car tu es TEMPLIER »

3* Depuis sur terre et mer nous avons guerroyé
Partout dans le désert sous le ciel mordoré
Des sarrasins maudits je me suis fait connaître
Comme un vrai chevalier seul mérite de l'être

4* Combien de missions menées jusqu'à leur terme
Combien d'engagements qui l'ennemi consternent
Par le fer de la lance au baucéant sacré,
De Syrie en Provence, j'ai servi Chrétienté !

5* Or aujourd'hui enfin me voici allongé
Dans de la paille fraîche où j'entends psalmodier
Là- haut, dans la chapelle, c'est l'office des morts
Courage, Dieu t'appelle, tu arrives au port.

6* O lointaine Champagne pays de mes aïeux
Ton ciel ennuagé m'a bien manqué un peu
Sous le firmament bleu et le ciel étoilé
Qu'on voit toute l'année au Crac des Chevaliers

7* Sur mon honneur, Seigneur, j'ai Votre foi jurée,
Je Vous rends mon cœur pur et mon épée sans tâche
J'ai combattu pour Vous sans repos ni relâche,
Je Vous rends mon épée avec son baudrier

8* Sire Dieu protégez ce pays qui est Vôtre
Vous y marchiez jadis suivi de Vos apôtres
J'ai parcouru ses routes et suivi ses sentiers
J'ai chevauché sans doute où Vous posiez le pied .

9* La route qui s'achève mène au paradis
Saints et Saintes de Dieu, aidez moi en ce jour
Saint Georges et saint Maurice qu'il ne soit jamais dit
Que vous m'avez laissé privé du Dieu d'amour

10* Sire Dieu de Merci, Sire Dieu de bonté
Dans mon cœur pour un autre il n'y eut jamais place
Grâce ô agneau de Dieu qui toute faute efface
Grâce Dame Marie à qui l'Ordre est voué


lundi 17 décembre 2012

De l'Avent



'Église, dans sa sollicitude, a déterminé des jours et des temps particuliers spécialement destinés à purifier notre cœur par la prière, la pénitence et la méditation des vérités éternelles. Au premier rang de ces époques salutaires il faut placer le temps de l'Avent. En effet, l'Avent est un temps de prière et de pénitence que l'Église a établi pour préparer ses enfants à la naissance du Sauveur ; ce que les vigiles sont aux fêtes ordinaires, ce que le Carême est à Pâques, ce que les millénaires de l'ancien monde furent à la venue du Messie, l'Avent l'est à la fête de Noël. Quatre semaines de préparation ne paraîtront pas longues, quand on considère l'excellence du mystère qui les suit. Si le peuple d'Israël dut se préparer avec tant de soin pour recevoir la loi promulguée au sommet du Sinaï et pénétrer dans la terre promise, quelles doivent être les préparations des chrétiens pour recevoir le Dieu du ciel, la victime sans tache, le législateur suprême !

     L'institution de l'Avent paraît aussi ancienne que celle de la fête de Noël, quoique la discipline de l'Église à cet égard n'ait pas toujours été la même. Pendant plusieurs siècles l'Avent fut de quarante jours comme le Carême ; il commençait à la Saint-Martin. Autrefois on jeûnait pendant l'Avent ; le pape Boniface VIII, dans la bulle de canonisation de Saint Louis, déclare que ce grand roi passait les jours de l'Avent en jeûnes et en prières.

     L'Église ne néglige aucun moyen de réveiller dans nos cœurs l'antique ferveur de nos prières : le petit Enfant que nous attendons est-il moins digne de tout notre amour aujourd'hui qu'autrefois ? Sa venue dans nos âmes est-elle moins nécessaire ? Dans ses offices l'Église quitte ses ornements de joie ; elle prend le violet en signe de componction. Le Gloria in excelsis est omis à la messe, la voix du grand Paul, la voix d'Isaïe, la voix de Jean sur les bords du Jourdain, se mêlent aux hymnes et aux accents des prédicateurs.

     L'évangile du premier Dimanche nous rappelle le jugement dernier et le second avènement du Fils de Dieu, pour nous avertir que, si nous voulons voir arriver avec confiance le Dieu qui descendra comme juge suprême des vivants et des morts, nous devons nous préparer à le recevoir maintenant qu'il vient comme Sauveur.

     Au second Dimanche, les instructions de l'Église deviennent encore plus précises, car le grand événement approche ; c'est la lumière qui devient plus vive à mesure que le soleil approche de l'horizon : dans l'épître, le grand Apôtre fait entendre sa voix, il annonce que Jésus-Christ est envoyé pour accomplir toutes les figures et réunir les Juifs et les Gentils dans une seule bergerie.

     Dans l'évangile, le Précurseur envoie vers Jésus deux de ses disciples, avec ordre de lui présenter cette question : « Êtes-vous celui qui doit venir, ou devons-nous en attendre un autre ? » Jésus, ayant opéré en leur présence plusieurs miracles, leur répondit : « Allez dire à Jean ce que vous avez vu : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts ressuscitent ; l'Évangile est annoncé aux pauvres, et bienheureux celui qui ne se scandalisera pas à mon sujet. »

     Le troisième Dimanche (de Gaudete), saint Paul, dans l'épître, nous invite à la joie, en y joignant la prière, c'est-à-dire ardent qui attire Dieu en nous et qui appellera le Messie dans nos cœurs ; dans l'évangile, saint Jean-Baptiste, plus que prophète, n'annonce plus le Messie, il dit qu'il est déjà dans le monde ; mais il ajoute une parole qui se vérifie, hélas ! encore aujourd'hui : Il est au milieu de vous, et vous ne le connaissez pas ; il a été fait avant moi, et je ne suis pas digne de délier la courroie de ses souliers.

     Enfin, le quatrième Dimanche, lorsque le divin Enfant est au moment d'entrer dans le monde, l'Église termine toutes ses instructions par cette parole : Toute chair verra le Sauveur envoyé de Dieu, parole qui nous dit :  Soyez prêts, les temps sont accomplis, le soleil de justice et de vérité va briller à l'horizon, la lumière va se répandre sur tous les hommes sans exception de riches et de pauvres, de savants et d'ignorants ; encore une fois, soyez prêts.

     A partir du 14 décembre jusqu'au 23, l'Église chante à vêpres, avant et après le cantique de la sainte Vierge, les grandes antiennes ; on les appelle vulgairement les antiennes O, parce qu'elles commencent toutes par cette invocation ; elles se répètent trois fois chaque jour à l'office du soir ; par leur variété elles expriment les différentes qualités du Messie et les différents besoin du genre humain ; il est impossible d'avoir la foi et de les réciter sans entrer dans les sentiments qu'elles expriment.

     Les plus puissants motifs qui nous engagent à sanctifier l'Avent :

1° L'obéissance au précepte de l'Église : Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez les voies du Seigneur.
2° La reconnaissance envers le Sauveur :qu'était l'homme avant l'incarnation du Sauveur ? que sommes-nous sans Lui ?
3° Les bienfaits pour notre âme : La source des grâces ne tarit dans aucun temps, mais les grandes fêtes sont des jours plus propices, des jours où ces grâces sont répandues avec plus d'abondance. Les dispositions que Dieu trouve en nous sont la mesure de ses faveurs ; hé bien ! descendons dans notre cœur, interrogeons notre vie passée, notre état présent, notre avenir ; que de choses n'avons-nous pas à demande à la crèche !

jeudi 13 décembre 2012

Noël Chouan







     Voici l'histoire telle qu'on me l'a contée, un soir, au bord du Couësnon, dans cette partie du pays de Fougères qui, de 1783 à 1800, fut le théâtre de l'épopée des Chouans, et où vivent toujours les souvenirs des temps de grande épouvante : — c'est sous ce nom sinistre que, là-bas, on désigne la Révolution.

***

     Par une nuit de l'hiver de 1795, une escouade de soldats de la République suivait la traverse qui, longeant la lisière de la forêt de Fougères, communique de la route de Mortain à celle d'Avranches. L'air était vif, mais presque tiède, quoiqu'on fût à l'époque des nuits les plus longues de l'année ; çà et là, derrière les haies dénudées, de larges plaques de neige, restées dans les sillons, mettaient dans l'ombre de grands carrés de lumière.

     Les patriotes marchaient, les cadenettes pendantes sous le bicorne de travers, l'habit bleu croisé de baudriers larges, la lourde giberne battant les reins, le pantalon de grosse toile à raies rouges, rentré dans les guêtres. Ils allaient, le dos voûté, l'air ennuyé et las, courbés sous le poids de leur énorme bissac et du lourd fusil à pierre qu'ils portaient sur l'épaule, emmenant un paysan, qui, vers le soir, en embuscade dans les ajoncs, avait déchargé son fusil sur la petite troupe : sa balle avait traversé le chapeau du sergent et, par ricochet, cassé la pipe que fumait un des soldats. Aussitôt poursuivi, traqué, acculé contre un talus, l'homme avais été pris et désarmé : les bleus le conduisaient à Fougerolles où se trouvait la brigade.

     Le paysan été vêtu, en manière de manteau, d'une grande peau de chèvre qui, ouverte sur la poitrine, laissait voir une petite veste bretonne et un gilet à gros bouton. Il avait aux pieds des sabots et sa tête était couverte d'un grossier chapeau de feutre à larges bords et à longs rubans, posé sur une bonnet de laine. Les cheveux flottaient sur son cou. Il suivait, les mains liées, l'air impassible et dur ; ses petits yeux clairs fouillaient à la dérobée les haies qui bordaient le chemin et les sentiers tortueux qui s'en détachaient. Deux soldats tenaient, enroulées à leur bras, les extrémités de la corde qui lui serrait les poignets.

     Lorsque les bleus et leur prisonnier eurent dépassé Tondrais et franchi à gué le ruisseau du Nanson, ils s'engagèrent dans la forêt afin d'éviter les habitations ; au carrefour de Servilliers, le sergent commanda halte ; les hommes harassés formèrent les faisceaux, jetèrent leurs sacs sur l'herbe et, ramassant du bois mort, des ajoncs et des feuilles qu'ils entassèrent au milieu de la clairière, allumèrent du feu, tandis que deux d'entre eux liaient solidement le paysan à un arbre au moyen de la corde nouée à ses mains.

     Le chouan, de ses yeux vifs et singulièrement mobiles, observait les gestes de ses gardiens : il ne tremblait pas, ne disait mot ; mais une angoisse contractait ses traits : évidemment, il estimait sa mort imminente. Son anxiété n'échappait point à l'un des bleus qui le cerclaient de cordes. C'était un adolescent chétif, à l'air goguenard et vicieux : de ce ton particulier aux Parisiens des faubourgs et, tout en nouant les liens, il ricanait de l'émotion du prisonnier.

— T'effraie pas, bijou ; c'est pas pour tout de suite : t'as encore au moins six heures à vivre : le temps de gagner un quine à la ci-devant loterie, si tu as le bon billet. Allons, oust, tiens-toi droit !..
— Ficelle-le bien, Pierrot : il ne faut pas que ce gars-là brûle la politesse.
— Sois tranquille, sergent Torquatus, répondit Pierrot ; on l'amènera sans avarie au général. Tu sais, mauvais chien, continua-t-il en s'agressant au paysan qui avait repris son air impassible, il ne faut pas te faire des illusions ; tu ne dois pas t'attendre à être raccourci comme un ci-devant : la République n'est pas riche et nous manquons de guillotines ; mais tu auras ton compte en bonnes balles de plomb ; six dans la tête, six dans le corps. Médite ça, mon vieux, jusqu'au maton : ça te fera une distraction.

Sur ce, Pierrot vint s'asseoir parmi ses camarades, autour du feu, et tirant de son sac un morceau de pain bis, il se mit à manger placidement.

     Cette guerre atroce que, depuis trois ans, les troupes régulières menaient en Bretagne contre les bandes de paysans, cette lutte acharnée avec des ennemis invisibles, avait pris le caractère odieux d'une chasse à la bête fauve : il ne restait rien de cette générosité habituelle aux soldats, ni compassion pour les prisonniers, ni pitié pour les vaincus : un homme pris était un homme mort : bleus ou chouans avaient tant des leurs à venger !

     D'ailleurs, il semble qu'au cours de cette terrible époque les hommes aient perdu tous sentiments humains : l'habitude du sang versé, l'insécurité du lendemain, le bouleversement des mœurs, la rupture de l'endiguement social, le bouillonnement malsain de la Révolution, avaient fait d'eux de véritables bêtes, courageuses ou perfides, lions ou tigres, n'ayant d'autre mission et d'autre but que de tuer et de vivre.



     Quand il eut fini son pain, Pierrot se mit à astiquer son fusil ; il choisit dans sa giberne une balle de calibre, et la tenant délicatement entre ses doigts :

— Hé ! mon fiston, dit-il au paysan qui, du regard, suivait tous ses mouvements ; elle est pour toi, celle-là.

Il la glissa dans le canon de son fusil, qu'il bourra d'un chiffon de papier. Tous les hommes éclatèrent de rire et chacun dit son mot, joyeux de distiller au malheureux son agonie.

— J'en ai autant à te faire digérer, criait l'un.
— Ça te fera douze boutonnières à la peau, ricanait un autre.
— Sans compter le coup de grâce que je lui enverrai par les deux oreilles ajouta le sergent que la colère prit tout à coup.
— Ah ! canaille de chouan, fit-il en avançant le poing, si, d'un coup, j'en pouvais tuer cent mille de ton espèce !

     Le paysan, silencieux, demeurait calme sous cet assaut de rage. Il semblait guetter un bruit lointain que les cris et les rires des soldats l'empêchaient de percevoir. Et tout à coup il courba la tête et parut se recueillir : du fond de la forêt montait dans l'air tranquille de la nuit le son d'une cloche que le souffle des bois apportait, clair et distinct, doucement rythmé. Presque aussitôt une seconde cloche, plus grave, se fit entendre à l'autre bout de l'horizon et bientôt après une troisième, grêle et plaintive, très loin, tinta doucement.

     Les bleus, surpris, s'émurent.
— Qu'est-ce là ?... Pourquoi sonne-t-on ?... Un signal, peut-être... Ah ! les brigands !... C'est le tocsin !
Tous parlaient à la fois ; quelques-uns coururent à leurs armes. Le paysan releva la tête et, les regardant de ses yeux clairs.
— C'est Noël, dit-il.
— C'est... ? Quoi... ?
— Noël... on sonne la messe de minuit.

     Les soldats, en grommelant, reprirent leurs places autour du feu et le silence s'établit : Noël, la messe de minuit ; ces mots qu'ils n'avaient pas entendus depuis si longtemps les étonnaient : il leur venait à la pensée de vagues souvenirs d'heures heureuses, de tendresse, de paix : la tête basse, ils écoutaient ces cloches qui, à tous, parlaient une langue oubliée.

     Le sergent Torquatus posa sa pipe, croisa les bras et ferma les yeux de l'air d'un dilettante qui savoure une symphonie. Puis, comme s'il eût honte de cette faiblesse, il se tourna vers le prisonnier et, d'un ton très radouci :

— Tu es du pays ? demanda-t-il.
— Je suis du Coglès, pas loin...
— Il y a donc encore des curés par chez vous ?
— Les bleus ne sont pas partout : ils n'ont pas passé le Couësnon, et par là, on est libre. Tenez, c'est la cloche de Parigné qui sonne en ce moment ; l'autre, la petite, c'est celle du château de M. du Bois-Guy, et, là-bas, c'est la cloche de Montours. Si le vent donnait, on entendrait d'ici tinter la Rusarde, qui est la grosse cloche de Loudéan.
— C'est bon, c'est bon, on ne t'en demande pas tant, interrompit Torquatus, un peu inquiet du silence que gardaient ses hommes.

     A ce moment, de tous les points de l'horizon, s'élevaient, dans la nuit, les sonneries des villages lointains : c'était une mélodie douce, chantante, harmonieuse, que le vent enflait ou atténuait tour à tour. Et les soldats, le front baissé, écoutaient : ils pensaient à des choses auxquelles, depuis des années, ils n'avaient pas songé : ils revoyaient l'église de leur village, toute brillante de cierges, la crèche faite de gros rochers moussus où brûlaient des veilleuses rouges et bleues ; ils entendaient monter dans leur souvenir les gais cantiques de Noël, ces airs que tant de générations ont chantés, ces naïfs refrains, vieux comme la France où il est question de berges, de musettes, d'étoiles, de petits enfants, et qui parlent aussi de concorde, de pardon, d'espérance. Et ces rêveries attendrissaient ces soldats farouches : de même qu'il suffit d'une verre de vin pour griser une homme depuis longtemps à jeun, ils sentaient leurs cœurs se fondre à la bonne chaleur de ces pensées douces dont ils étaient déshabitués.

     Torquatus secouait la tête en homme qu'une méditation obsède.
— Comment t'appelles-tu ? demanda-t-il brusquement au chouan.
— Branche d'or.
— Oh ! là là ! quel nom ! s'exclama Pierrot, dont le rire moqueur resta sans écho.
— Silence, fit le sergent. On se nomme comme on peut.
— Branche d'or est une nom de guerre. J'ai bien pris celui de Torquatus, moi !
     Les cloches au loin sonnaient toujours : et la voix du sergent, peu à peu, se faisait douce comme s'il eût craint de rompre le charme que cette musique lointaine versait sur la nature endormie.
— Tu as une femme ? fit-il.
     Branche d'or serra les lèvres, ses sourcils s'abaissèrent sur ses yeux, son front se plissa : il répondit par une signe de tête affirmatif.
— Et ta mère ? interrogea Pierrot, elle vie encore, ta mère ?
Le chouan ne répondit pas.
— As-tu des enfants ? demanda un troisième.

     Un gémissement sortit de la poitrine du prisonnier : à la lueur du foyer on vit des larmes rouler sur ses joues. Les soldats se regardaient, gênés, l'air honteux.
— J'vas le détacher un instant, sergent, insinua Pierrot que l'émotion gagnait. 
Torquatus approuva d'un geste ; on délia Branche d'or qui s'assit sur l'herbe, au pied de l'arbre et cacha son visage dans ses mains hâlées.
— Dam ! remarqua le sergent, c'est un vilain Noël qu'ils auront là, sa femme et ses marmots, s'ils apprennent... Ah ! misère ! Quelle sale corvée que la guerre... Dans les temps jadis, voyez-vous, mes enfants, continua-t-ils s'adressant à ses hommes, tout le monde, à ces heures-ci, était joyeux et content. Noël c'était la grande liesse et la bonne humeur ; aujourd'hui...

     Et, regardant le feu mourant, il ajouta, rêvant tout haut :
— J'ai aussi une femme et des garçon, là-bas, en Lorraine : c'est le pays des arbres de Noël ; on coupe un sapin dans le bois, on le charge de lumière et de jouets... Comme ils riaient, les chers petits ! Comme ils battaient des mains... Ils ne doivent pas être gais, à présent.
— Chez nous, dit un autre, entraîné par ces confidences, on faisait à l'église un grand berceau, avec l'Enfant Jésus dedans et, toute la nuit, on distribuait aux garçons et aux filles des gâteaux et des pièces blanches.
— Dans le Nord, d'où je suis, racontait un troisième, le bonhomme Noël passait dans les rues, avec une longue barbe et un grand manteau, couvert de farine pour représenter la neige, et il frappait aux portes en criant d'une grosse voix : « Les enfants sont-ils couchés?... » Oh ! comme on avait peu et qu'on était heureux.

     Tous ces hommes se laissaient aller à leurs souvenirs : sur leurs cœurs bronzés, ces impressions d'enfance, longtemps oubliées, passaient comme une bienfaisante rosée sur l'herbe sèche ; tous maintenant se taisaient ; les uns restaient le front penché, l'esprit loin dans le passé paisible et doux, loin des révolutions et des guerres civiles ; d'autres regardaient le paysan d'un air de commisération, et quand soudain, les cloches de Noël, qui, par deux fois, s'étaient tues, reprirent dans l'éloignement leur chant mélancolique et clair, une sort d'angoisse passa sur la petite troupe. Le sergent se leva, fit fiévreusement quelques pas en grommelant, regarda ses hommes comme pour les consulter,et, frappant sur l'épaule de Branche d'or :

— Va-t'en dit-il.
     Le chouan leva la tête, ne comprenant pas.
— Va-t'en, sauve-toi.... tu es libre.
— Sauve-toi donc, criaient les bleus, sauve-toi... puisque le sergent te l'ordonne.
     Branche d'or s'était dressé, ébahi, croyant à quelque cruelle raillerie.
     Il dévisagea l'un après l'autre tous les soldats, puis comprenant enfin, il poussa un cri et s'élança dans la forêt.

     Quelques instants plus tard, l'escouade des bleus se remit en marche : et comme ils allaient sous le bois silencieusement, à la file, on entendit tout à coup un gémissement bruyant ; Torquatus se retourna : c'était Pierrot que l'attendrissement étouffait et qui pleurait à gros sanglots en pensant aux noëls d'autrefois, aux sabots garnis de jouets, et à sa vieille maman qui, sans doute, à cette même heure, priait le ci-devant petit Jésus de lui conserver son garçon.

Georges LENÔTRE, Légendes de Noël.



 

mardi 4 décembre 2012

Adventus




oublions pas de dire qu'on était en Avent, dans ces temps d'attente pour l'Église, macérée par la pénitence, et qui s'harmonisent si bien avec la tristesse de l'hiver. Il semble qu'ayant à son usage toutes les grandeurs de la poésie pour exprimer la grandeur de toutes les vérités, l'Église ait combiné, dans un esprit profond, l'effet de ses cérémonies avec l'effet de la nature et des saisons, inévitable aux imaginations humaines. A cette époque, elle éteint la pourpre dans le violet de ses ornements, emblème de la gravité de ses espérances. »

Jules Barbey d'Aurevilly

dimanche 25 novembre 2012

Vanitas !


Vanitas



u'on s'imagine un nombre d'hommes dans les chaînes, et tous condamnés à la mort, dont les uns étant chaque jour égorgés à la vue des autres, ceux qui restent voient leur propre condition dans celle de leurs semblables,et, se regardant l'un l'autre avec douleur et sans espérance, attendent à leur tour ! »

     « Il ne faut pas avoir l'âme fort élevée pour comprendre qu'il n'y a point ici de satisfaction véritable et solide, que tous nos plaisirs ne sont que vanité, que nos maux sont infinis, et qu'enfin la mort, qui nous menace à chaque instant, doit infailliblement nous mettre dans peu d'années dans l'horrible nécessité d'être éternellement ou anéantis, ou malheureux.
       Il n'y a rien de plus réel que cela, ni de plus terrible. Faisons tant que nous voudrons les braves : voilà la fin qui attend la plus belle vie du monde. Qu'on fasse réflexion là-dessus, et qu'on dise ensuite s'il n'est pas indubitable qu'il n'y a de biens en cette vie qu'en l'espérance d'une autre vie, qu'on n'est heureux qu'à mesure qu'on s'en approche, et que, comme il n'y aura plus de malheurs pour ceux qui avaient une entière assurance de l'éternité, il n'y a point aussi de bonheur pour ceux qui n'en ont aucune lumière ! »

     « Et tout ce qu'il nous importe de connaître est que nous sommes misérables, corrompus, séparés de Dieu, mais rachetés par Jésus-Christ. Et c'est de quoi nous avons des preuves admirables sur la terre. »

     « Malgré la vue de toutes nos misères, qui nous touchent, qui nous tiennent à la gorge, nous avons un instinct que nous ne pouvons réprimer qui nous élève. »

     « Libidino sentiendi, libidino sciendi, libidino dominandi. Malheureuse la terre de malédiction que ces trois fleuves de feu embrasent plutôt qu'ils n'arrosent ! Heureux ceux qui, étant sur ces fleuves, non pas plongés, non pas entraînés, mais immobilement affermis sur ces fleuves, non pas debout, mais assis, dans une assiette basse et sûre, dont ils ne se relèvent pas avant la lumière, mais après s'y être reposés en paix, tendant la main à celui qui les doit élever pour les faire tenir debout et fermes dans les porches de la sainte Jérusalem où l'orgueil ne pourra plus les combattre et les abattre ! Et qui cependant pleurent, non pas de voir écouler toutes les choses périssables que ces torrents entraînent, mais dans le souvenir de leur chère patrie, de la Jérusalem céleste, dont ils se souviennent sans cesse dans la longueur de leur exil. »

Pascal, Les Pensées



Ô bon Jésus, c'est pour moi que vous êtes venu !
C'est pour moi que votre Sang vous avez répandu !
Et que votre Passion pour moi ne soit pas vaine !
Que du haut des Cieux vous vous souveniez de moi !
Divin Sauveur, ayez pitié de moi ! 
Accueillez-moi dans votre Royaume !





dimanche 11 novembre 2012

Mors Janua Vitæ




« Le cœur de l'homme le plus fort n'y résiste pas, lorsque, rangés en cercle, leurs cierges éteints, au bord de la tombe entr'ouverte, les prêtres versent l'eau bénite, dans un requiescat suprême, sur la bière dépouillée de sa draperie noire et sur laquelle la terre, poussée par les bêches, croule avec un bruit lamentable et sourd. »


***

« Être vu de ceux qu'on a aimés dans le silence et à qui on n'a pas pu dire dans la vie comme on les aimait, ah! c'est là un de ces apaisements célestes qui vengent de toutes les impossibilités de l'existence, et que la Religion donne en prix à ceux qui ont la Foi ! » 
Jules Barbey d'Aurevilly




Ô chrétien, écoute le langage de la foi: tout est vanité sur cette terre, et aucun des objets créés où s'arrêtent en passant nos rêves de bonheur, ne peut combler l'immense abîme de nos désirs. La gloire, la richesse, la beauté, l'amour, la science, la vertu même nous disent: je ne suis pas la félicité dont Dieu a mis dans ton âme l'appétit en quelque sorte infini; cherche là-haut. Espère... 

Ne pleurez pas comme ceux qui n'ont pas d'espérance, car de l'autre côté des tombeaux, les yeux qu'on ferme voient encore... 

 

mardi 6 novembre 2012

jeudi 1 novembre 2012

La Toussaint



'Église a retracé dans la division de son année toute l'histoire du genre humain ; les quatre semaines de l'Avent qui aboutissent à la naissance du Sauveur, nous rappellent les quatre mille ans pendant lesquels ce divin Messie fut attendu. Le temps qui s'écoule depuis la Nativité jusqu'à la Pentecôte nous redit toute la vie cachée, publique et glorieuse du Rédempteur, et cette partie de l'année se termine par l'Ascension de Jésus-Christ dans le ciel et la fondation de l'Église ; l'intervalle qui s'étend depuis la Pentecôte jusqu'à la Toussaint nous représente le pèlerinage de l'Église sur la terre, et cette nouvelle partie de l'année se termine encore par la fête du ciel.

     Pendant ce long espace nous voyons l'Église célébrant tour à tour, pour se consoler de son exil et s'encourager dans ses combats, la fête de ses martyrs, de ses confesseurs, de ses vierges ; lorsque l'automne est venu et que le vigneron remplit ses celliers, que le laboureur serre dans ses greniers ses gerbes abondantes, que les hommes recueillent dans la joie leurs biens de toute espèce, fruits de leurs sueurs et de leurs travaux, l'Église crie à tous ses enfants de la terre : « En haut les yeux et les cœurs ; ces biens que vous amassez ne sont que l'image des biens et des joies qui vous attendent au delà du tombeau, semez des vertus et vous moissonnerez des mérites, ennoblissez vos vues, le ciel avec ses palmes et ses couronnes, avec son éternité de gloire et son bonheur sans nuage est seul digne de vos soins. »

     C'est pour exciter en nous ces sentiments que l'Église a institué la fête de la Toussaint. Elle nous montre le ciel peuplé d'hommes de toutes les tribus, de toutes les langues et de toutes les nations ; ils furent ce que nous sommes : faibles, tentés, pécheurs même, en un mot enfants d'Adam comme nous ; ainsi il ne tient qu'à nous d'être un jour ce qu'ils sont.

     Un général qui, de simple soldat, était parvenu aux premiers grades par sa valeur, aimait à s'entretenir avec les soldats qu'il commandait, à leur raconter ses campagnes, les dangers qu'il avait courus, les fatigues qu'il avait supportées, et ces discours enflammaient le cœur de ceux qui l'écoutaient ; la vie des Saints nous enseigne comment on parvient à la gloire céleste, et nous sommes certains, si nous le voulons, d'y parvenir avec le secours de la grâce qui ne nous manque jamais que par notre faute.

     Rappelons aujourd'hui combien cette fête est capable de nous encourager dans la pratique de la religion ; à son tribunal, la vertu persécutée, méconnue, calomniée, trouve enfin une éclatante justice, nulle acception de personnes, soyez riche ou pauvre, savant ou ignorant, maître ou esclave, il n'importe. Avez-vous été l'enfant docile du Père céleste ; cette condition remplie, votre nom peut devenir immortel, et vous pouvez pauvre berger, humble laboureur, recevoir des honneurs que les monarques avec toute leur puissance n'obtiendront jamais.

     Le matin de la Toussaint, la pompe de ses cérémonies, l'allégresse de ses hymnes offrent l'expression de la joie. Le soir à ses cantiques viennent se mêler des soupirs, des ornements de deuil remplacent les chapes d'or, et voilà que nous n'apercevons plus dans le temple saint qu'un monument funèbre ; c'est une nouvelle fête, la fête des morts ; l'Église veut que ce jour soit une fête de famille, elle se présente à nous dans ses trois états différents, triomphante dans le ciel, exilée sur la terre, et gémissante au milieu des flammes expiatrices ; ce sont trois sœurs se donnant la main, s'encourageant, se consolant, se soutenant jusqu'au jour où, s'embrassant dans les cieux, elles ne formeront plus qu'une Église éternellement triomphante.

     L'Église dès son origine a prié pour tous ses enfants quand ils mouraient ; Tertulien dit : « Nous célébrons l'anniversaire de la nativité des martyrs, et, suivant la tradition des ancêtres, nous offrons le sacrifice pour les défunts au jour anniversaire de leur mort. »

     « Il est fort avéré, dit S. Augustin, et universellement reçu dans toute l'Église, l'usage de prier pour ceux qui sont morts dans la communion du corps et du sang de Jésus-Christ. » Car les âmes des morts achèvent d'expier dans le Purgatoire la peine due aux péchés pour lesquels une entière satisfaction n'a pas été obtenue, et nos prières peuvent contribuer à leur soulagement ; il faut qu'en cette fête notre piété soit ranimée en faveur de nos frères défunts. La gloire de Dieu, la charité, la justice, sont autant de motifs qui doivent nous engager à prier pour les morts ; comme le paralytique de l'Évangile qui, perclus de tous ses membres et enchaîné depuis longtemps sur les bords de la piscine, demandait une main charitable qui l'y fît entrer, les âmes du Purgatoire implorent le secours qui brisera leurs chaînes ; les justes qui souffrent sont nos frères, tout nous rappelle leur souvenir, les lieux que nous parcourons, les maisons que nous habitons, les biens dont nous jouissons, et le nom même que nous portons. Demandez-leur pourquoi ils souffrent ; ils répondront : J'ai bien laissé sur la terre des parents, mais ils m'oublient, cependant ce que je demande est bien peu, quelques prières, quelques aumônes.

     Puisse cette voix toucher nos cœurs, et procurer la gloire à Dieu, la paix aux morts, et à nous la récompense de la miséricorde ; bienheureux les miséricordieux, car ils recevront miséricorde.

mercredi 24 octobre 2012

L'Orpheline à la Sœur supérieure




     Le bon Dieu m'a repris ma mère !
Oh ! ma douleur alors fut bien amère,
     Et rien ne pouvait la calmer;
     Car, dans mon berceau solitaire,
Je disais en pleurant : Je n'ai plus sur la terre,
Non, je n'ai plus plus personne à présent pour m'aimer !
Je suis toute petite, et faible, et si timide !
Et je n'ai plus d'appui, plus d'ami, plus de guide !
Seule dans la maison, seule sur le chemin,
A la triste orpheline, à l'enfant délaissée,
Qui donnera des soins, des caresses, du pain ?...
Oh ! ma mère, en partant pourquoi m'as-tu laissée !...
Mais tout à coup, du ciel, vers moi tendant la main,
     Je vis descendre un ange de lumière,
Mon bon ange peut-être, ou celui de ma mère :
Son sourire était plein d'amour et de douceur ;
Son front resplendissait de grâces immortelles ;
Il me prit dans ses bras, me pressa sur son cœur,
Comme un ramier céleste, il déploya ses ailes,
     Et puis, d'un vol rapide et doux,
     Vint me poser sur vos genoux...
Moi d'abord, j'eus grand' peur. La surprise et la crainte
Faisaient couler mes pleurs et redoublaient ma plainte.
Mais quand, sur votre sein, dans vos bras caressants
Je me dis : C'est ma mère ! Oh ! je l'ai reconnue !
Aux cris de son enfant, la voilà revenue !
Ce ne sont plus ses traits, son visage chéri,
Mais voilà bien ses yeux qui toujours m'ont souri;
Sa voix redit mon nom, son regard me caresse...
Mère ! oh ! j'ai retrouvé ton cœur et ta tendresse !
Souvent je pleure encore, et quand, pour m'apaiser,
Vers mon front votre bouche en souriant s'incline,
     Je sens bien sous votre baiser,
     Que je ne suis plus orpheline.


Auteur inconnu

lundi 22 octobre 2012

Sonnet de sainte Thérèse




Ce qui fait, ô mon Dieu ! que mon âme s'élance
Ardemment jusqu'à toi, sans cesse, chaque jour,
Non, j'ose l'affirmer, ce n'est point l'espérance
De l'immense bonheur promis à notre amour.

Ce qui fait que je crains d'oublier la défense
De laisser le péché pénétrer dans mon cœur,
De commettre envers toi la plus légère offense,
Ce n'est point la frayeur de l'éternel malheur.

Non, non, c'est de te voir, l'œil mourant, le front blême,
Attaché sur la croix, buvant le fiel amer,
Le corps ensanglanté, transpercé par le fer.

Oh ! mortelle agonie ! oh ! dévouement suprême !
Je te craindrais, mon Dieu, ne fût-il pas d'enfer,
Et point de paradis, je t'aimerais de même.

dimanche 14 octobre 2012

Universalité et sagesse du Christianisme





e Christianisme, n'étant pas d'institution humaine, vit en paix avec le peuple et avec César, s'accommode aux monarchies comme aux oligarchies et aux démocraties : les empires ont trouvé en lui leur appui le plus ferme, il n'a rien ôté à la vertu des républiques. Il fait des sujets ou des citoyens, nulle part des démagogues ou des esclaves. Il coupe dans sa racine l'orgueil de ceux qui commandent, il ennoblit l'obéissance, en rattachant l'obéissance à sa source la plus haute ; mais aussi il enseigne à tous le prix de l'homme, la dignité de son origine, la valeur de son âme rachetée, la promesse de l'avenir, et tout ce vaste et fécond enseignement se résume en un seul germe et comme en un seul mot : Jésus-Christ. D'un bout du monde à l'autre, partout où règne la religion du Christ, il faut admirer la résignation qui sait souffrir et mourir, le courage qui sait parler et protester, la soumission sans la servilité, la liberté sans licence et sans orgueil, le même amour de Jésus-Christ inspirant le même amour de l'humanité, élevant toutes les vertus à ce degré que les anciens nommaient la sagesse et qu'ils croyaient au-dessus de nos efforts, que les chrétiens nomment la sainteté, le plus beau et le plus grand des spectacles que puisse voir l'œil de l'homme, le plus beau fruit de l'Église et de ses enseignements.

Petites lectures, 1870-1875

dimanche 7 octobre 2012

Les origines des Croisades



ès les premiers siècles de l'Église, l'usage s'était introduit parmi les chrétiens de faire des pèlerinages à la terre-sainte. Les bénédictions du Ciel semblaient accordées à ceux qui visitaient le Calvaire, le tombeau de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et renouvelaient leur baptême dans les eaux du Jourdain. Sous le règne de Constantin, l'ardeur des pèlerins s'accrut encore parmi les fidèles. Ils accoururent de toutes parts pour suivre les traces de leur Dieu dans cette ville de Jérusalem, qui venait de reprendre son nom et que la piété d'un empereur avait fait sortir de ses ruines. Le Saint Sépulcre s'offrit aux regards des pèlerins entouré d'une magnificence qui redoubla leur vénération ; une caverne obscure était devenue un temple de marbre pavé de pierres brillantes et décoré de pompeuses colonnades. Constantin célébra la trente et unième année de son règne par l'inauguration d'une église où des milliers de chrétiens vinrent entendre le panégyrique de Jésus-Christ par le saint évêque Eusèbe.

     Sainte Hélène, mère de l'empereur, se rendit à Jérusalem dans un âge avancé, et fit élever des églises et des chapelles sur le mont Thabor, dans la ville de Nazareth et dans la plupart des lieux sanctifiés par la présence et les miracles de Notre-Seigneur : nouvel attrait pour la piété chrétienne. Les pèlerins devinrent même si nombreux que plusieurs Pères de l'Église crurent devoir en signaler les dangers.

     Cette paix fut troublée pour la première fois sous le règne d'Héraclius, empereur d'Orient. Les Perses envahirent la cité sainte, mais l'empereur, après dix années de revers, triompha des ennemis du christianisme et de l'empire ; on vit alors ce monarque ramenant à Jérusalem les chrétiens dont il avait brisé les fers, marcher pieds nus, et porter sur ses épaules jusqu'au sommet du Calvaire le bois de la vraie croix, qu'il regardait comme le plus glorieux trophée de ses victoires. C'est cette imposante cérémonie que l'Église rappelle tous les ans le 14 septembre dans une fête connue sous le nom d'Exaltation de la sainte Croix.

     Cette joie ne fut pas de longue durée ; vers le commencement du VIIe siècle, une religion nouvelle prêchée par Mahomet s'était élevée ; ennemie de toutes les autres, elle enseignait la domination par la guerre, elle promettait le paradis à ceux qui se précipitaient sur l'ennemi.

     Les conquêtes des compagnons et des successeurs de Mahomet furent rapides ; maîtres de la Perse, de la Syrie, ils s'emparèrent de l'Égypte, plantèrent leur étendard sur les ruines de Carthage. Constantinople se vit en péril de tomber sous leurs coups ; Jérusalem fixa leurs regards, les soldats d'Omer vinrent l'assiéger, et, après une défense de quatre mois, après avoir souffert les maux les plus cruels, les habitants furent obligés de se rendre. L'église du Saint-Sépulcre fut profannée ; le calife fit élever une mosquée à la place où avait été bâti le temple de Salomon ; les fidèles furent chassés de leurs maisons, insultés dans leurs églises ; une ceinture de cuir qu'ils ne pouvaient plus quitter était la marque de leur servitude.

     Tant de persécutions n'arrêtèrent pas les pèlerins. La vue de la ville sainte soutenait leur courage en même temps qu'elle enflammait leur dévotion ; il n'était point de maux, point d'outrages qu'ils ne supportassent avec résignation, en se rappelant que Jésus-Christ avait été chargé de chaînes et qu'il était mort sur la croix dans les lieux qu'ils allaient visiter.

     Parmi les fidèles d'Occident qui arrivèrent en Asie au milieu des conquêtes des musulmans, l'histoire a retenu le nom de S. Antonin de Plaisance.

     Les papes firent des efforts et convoquèrent des conciles pour préparer la délivrance de Jérusalem, mais la gloire de réaliser ce grand projet était réservée à un simple ermite français.  Le bruit des pèlerinages fit sortir de sa retraire Pierre l'Ermite. Il visita les lieux saints, et son zèle s'enflamma. Après avoir reçu les encouragements du patriarche Siméon dont il partagea les larmes, il traversa l'Italie et la plus grande partie des États voisins, embrassant tous les cœurs de l'ardeur dont il était dévoré. Il voyageait monté sur une mule, un crucifix à la main, les pieds nus, la tête découverte, le corps ceint d'une grosse corde, couvert d'un long froc et d'un manteau d'ermite, de l'étoffe la plus grossière ; il rappelait la profanation des lieux saints, et le sang des chrétiens versé dans les rues de Jérusalem ; il invoquait tour à tour les saints, les anges ; il s'adressait à la montagne de Sion, à la roche du Calvaire, au mont des Oliviers, il avait la ferveur d'un apôtre et le courage d'un martyr. Partout il était accueilli comme un envoyé de Dieu ; et à sa voix, avec la seule puissance de son caractère et de sa foi, la croisade devint la grande passion de cet âge. L'appel du pape Urbain II retentit dans toute l'Europe, et des prédicateurs ambulants relayèrent son message aux carrefours de tous les chemins. L'artisan vendait son métier, le seigneur son château ; Dieu le veut, tel fut le cri général ; les femmes, les enfants, les vieillards, qui ne pouvaient se ranger parmi les croisés, les encourageaint en répétant : « Saint Sépulcre ! Jérusalem ! Jérusalem ! » Ce qu'on aura peine à croire, les voleurs, les brigands quittaient leurs repaires, venaient confesser leurs forfaits, et promettaient, en recevant la croix, d'aller les expier dans la Palestine.

     Notre siècle, froid et indifférent pour ce qui n'est pas intérêt matériel, infidèle d'ailleurs à toutes les croyances et à toutes les convictions, ne comprend par un pareil enthousiasme et cherche les causes de la croisade dans le contexte économique et démographique de l'époque. Le mouvement prodigieux des croisades peut, il est vrai, trouver une partie de son explication dans les circonstances politiques et dans les mœurs du Moyen-Âge ; ces guerres n'ont pas été à l'abri d'excès et de désordres, mais ce serait de la malhonnêteté de ne pas reconnaître avec respect les conséquences d'une foi profonde, d'un dévouement ardent, d'un esprit chevaleresque plein de grandeur et de noblesse, dans cet entraînement des enfants du Christ courant combattre les infidèles persécuteurs de leur religion.

samedi 22 septembre 2012

La citation du jour : Barbey d'Aurevilly





i, comme le disait Mirabeau l'Ancien, père de Mirabeau le Superbe, c'est une loi qu'il y ait des excréments dans toute Race, on peut se demander par quoi le dix-neuvième siècle finira. Seulement qu'importent les détails d'un drame de plus ! La seule question des temps modernes sera résolue par les faits, et il est aisé de prévoir comment elle le sera. Puisqu'en fin de compte, et quoi qu'on fasse, il n'y a jamais, sous ce ciel étoilé, et dans ce fourmillement inépuisable de sociétés, qu'un tête-à-tête éternel de l'homme et de Dieu, l'homme relèvera sa moralité, en replaçant Dieu dans sa pensée, ou il mourra de son Moi dilaté, qui crèvera comme une vessie immonde ; mais Dieu sait seul à quels pieds sanguinolents de porcher il ordonnera de l'écraser, pour l'écraser mieux ! »

Jules Barbey d'Aurevilly, Introduction aux Prophètes du passé.

lundi 17 septembre 2012

Fénélon : la fausse liberté




'amour de la liberté est une des plus dangereuses passions du cœur humain ; et il arrive de cette passion comme de toutes les autres, elle trompe ceux qui la suivent, et au lieu de la liberté véritable, elle leur fait trouver le plus dur et le plus honteux esclavage. On croit être libre, quand on ne dépend plus que de soi-même. Folle erreur ! Y a-t-il un état où l'on ne dépende pas d'autant de maîtres qu'il y a de personnes à qui l'on a relation ? Y en a-t-il un où l'on ne dépende pas encore davantage des fantaisies d'autrui que les siennes propres ? Tout le commerce de la vie n'est que gêne, par la captivité des bienséances et par la nécessité de plaire aux autres. D'ailleurs nos passions sont pires que les plus cruels tyrans. Ô mon Dieu, préservez-moi de ce funeste esclavage, que l'insolence humaine n'a pas honte de nommer une liberté. C'est en Vous seul qu'on est libre. »
François de Salignac de Lamothe-Fénélon
 

lundi 3 septembre 2012

Code abrégé de la vie chrétienne




Code abrégé de la vie chrétienne.

par  S. E. le cardinal Mercier, Archevêque de Malines.
Revu et adapté d'un missel.

.
a chose la plus importante de toutes pour chacun de nous, c'est que nous sauvions notre âme. Nous voudrions bien ne jamais mourir, mais nous mourrons. Nous mourrons, et nul ne peut nous dire si ce sera dans dix ans ou dans vingt ans, ou si ce sera demain ou même aujourd'hui. La seule chose certaine et dont personne de nous ne doute, c'est qu'un jour viendra où chacun de nous passera du temps à l'éternité.

Qu'adviendra-t-il alors de nous ? Serons-nous éternellement heureux ou serons-nous éternellement malheureux?

     Devant cette question, toutes les autres préoccupations pâlissent ou s'effacent. La réponse dépend de nous. Notre avenir éternel est entre nos mains.

     Jésus-Christ nous en a prévenus : « L'heure sonnera où la voix du Fils de Dieu réveillera tous ceux qui dorment dans nos champs de sépulture. Et les morts se lèveront. Ceux qui auront bien vécu, ressusciteront pour une vie glorieuse, mais ceux qui auront mal vécu, ressusciteront pour leur éternel châtiment. » Jn. V, 28-29.

     C'est donc bien le moins que nous nous demandions les vérités à connaître sur notre destin éternel ; ce que nous avons à faire pour sauver notre âme et quels sont nos moyens de salut.

I. Que devons-nous croire pour nous sauver ?



     Nous devons croire toutes les vérités qu'il a plu à Dieu de nous révéler, c'est-à-dire qu'Il a fait connaître au monde par le double moyen de l'Écriture Sainte et de la Tradition, et qu'Il a chargé l'Église catholique romaine de proposer à notre foi.

     L'Écriture Sainte exprime la parole de Dieu, telle qu'elle a été inspirée par le Saint-Esprit aux auteurs des Livres Saints. Ces livres, selon qu'ils datent d'avant ou d'après Jésus-Christ, s'appellent les Écritures de l'Ancien ou du Nouveau Testament.

     Outre les divines Écritures, la Révélation comprend la Tradition. Ce mot signifie transmission, parole transmise. La Tradition est la partie de la parole de Dieu qui, enseignée d'abord de vive voix par Notre Seigneur Jésus-Christ et par ses Apôtres, est transmise ensuite, dans le sein de l'Église catholique, aux générations chrétiennes qui se succéderont jusqu'à la fin des siècles.

     Il n'appartient pas aux simples fidèles de décider individuellement ou collectivement quelles sont les vérités révélées par Dieu et quel est le sens de la parole divine : comme nous le voyons dans le protestantisme, une telle situation engendre l'anarchie la plus complète en matière de religion.

     Jésus-Christ a voulu, par une providence particulière, veiller à la conservation et à l'interprétation du dépôt de la foi tel que renferment l'Écriture Sainte et la Tradition, et à cet effet, Il a institué une société publique, l'Église, investie de la mission de garder et d'enseigner sans erreur la parole révélée. Les évêques, successeurs des Apôtres, ayant à leur tête le Pape, successeur de Pierre, le Prince des Apôtres, forment le corps enseignant de cette société ; et les fidèles, incorporés à l'Église par le baptême, doivent reconnaître l'autorité de cette hiérarchie comme ils reconnaissent l'autorité du Christ Lui-même ( « qui vous accueille m'accueille, et qui m'accueille, accueille celui qui m'a envoyé... » )

     Grâce à cette Providence particulière que Dieu promit à son Église, la doctrine révélée est une, la même partout, depuis les temps apostoliques, elle est le fondement de la sainteté dans la société chrétienne.

     Parcourez le monde, et à l'unité de l'Église romaine, à sa catholicité, à son apostolicité, à sa sainteté, nous reconnaîtrons, aujourd'hui comme toujours, que c'est elle qui est la véritable Église fondée par Notre Seigneur Jésus-Christ, et nous ne pourrons de bonne foi la confondre avec les innombrables sectes que l'hérésie et le schisme ont séparées du tronc primitif de la société chrétienne.

     Seule l'existence vingt fois séculaire de l'Église, malgré les persécutions sanglantes ou astucieuses qu'elle a subies, malgré les hérésies et les schismes qui l'ont déchirée, malgré les souillures de ses enfants et parfois les défaillances de ses chefs, suffirait à prouver la dignité de son origine. Les générations passent ; les institutions vieillissent et se transforment ; les partis se désagrègent ; les sectes s'émiettent ; les cités, les royaumes, les empires s'effondrent ; les dynasties s'éteignent ; les peuples et les races se fusionnent ou disparaissent : seule l'Église Catholique Romaine, la Barque de Pierre, traverse triomphalement la tempête des siècles, toujours identique à elle-même.

     Nous nous demandions, au début de cette introduction, ce que nous devons croire. Le Symbole des Apôtres résume les points principaux de notre foi :

Symbole des Apôtres.

1. Je crois en Dieu : Le Père tout-puissant, Créateur du ciel et de la terre;
2. Et en Jésus-Christ son Fils unique, notre Seigneur ;
3. Qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie ;
4. A souffert sous Ponce-Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli ;
5. Est descendu aux enfers, le troisième jour est ressuscité des morts ;
6. Est monté aux cieux, est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant ;
7. D'où il viendra juger les vivants et les morts,
8. Je crois au Saint-Esprit ;
9. La sainte Église catholique, la communion des Saints ;
10. La rémission des péchés ;
11. La résurrection de la chair ;
12. La vie éternelle. Ainsi soit-il.


     Lorsqu'une vérité contenue dans le dépôt de la Révélation est définie par l'Église au cours des siècles, elle prend le nom de dogme.

     Ainsi, au cours des deux derniers siècles, l'Église a dogmatiquement défini l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge, le 8 décembre 1854, l'infaillibilité pontificale en 1870, au premier concile du Vatican, et l'assomption de la Vierge Marie, en 1950, par Pie XII.

- Je crois que, par une grâce qui n'a été accordée à aucune autre créature humaine, Dieu a préservé la Sainte Vierge Marie, Mère de Dieu, de la souillure originelle, dès l'instant où elle fut conçue dans le sein de sainte Anne sa mère ; sa Conception fut donc immaculée.

- Je crois que, lorsque le Pape s'adresse à la sainte Église, et, usant de la plénitude de son autorité doctrinale, lui enseigne qu'une vérité est divinement révélée, il ne peut se tromper, en un mot, il est infaillible.

- Je crois que l'Immaculée Mère de Dieu, la Vierge Marie, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire céleste.




II. Que devons-nous faire pour nous sauver ?


     Il ne peut suffire à l'homme de connaître la vérité, il doit y conformer sa vie.

     La loi fondamentale de la vie chrétienne est la charité, c'est-à-dire l'amour de Dieu par dessus toutes choses et l'amour de notre prochain, ainsi que nous-mêmes, par amour pour Dieu. L'amour est le grand commandement, dit Notre-Seigneur. Il résume toute la loi, dit S. Paul. Or, l'amour réel n'est fait ni de paroles, ni de sentiments stériles, il se traduit en actes et en œuvres ; aimer Dieu, c'est soumettre sa volonté à la sienne et Le servir.

     La volonté divine trouve son expression naturelle dans la conscience qui apprend à tout homme à discerner entre le bien et le mal, entre le devoir et le péché : aussi l'homme est-il tenu d'obéir à sa conscience.

     La Révélation divine et l'Église ont confirmé et précisé les lois d'honnêteté  de la conscience et y ont ajouté les prescriptions positives : les unes et les autres sont contenues, en substance, dans les dix commandements de Dieu et les cinq commandements de l'Église, dont voici l'énoncé :

Les Dix Commandements de Dieu.

Un seul Dieu tu adoreras,
  Et aimeras parfaitement,
Dieu en vain tu ne jureras,
  Ni autre chose pareillement.
Les Dimanches tu garderas,
  En servant Dieu dévotement.
Tes père et mère honoreras,
  Afin de vivre longuement.
Homicide point ne feras,
  De fait ni volontairement.
Luxurieux point ne seras,
  De corps ni de consentement.
Le bien d'autrui tu ne prnedras,
  Ni retiendras à ton escient.
Faux témoignage ne diras,
  Ni mentiras aucunement.
L'œuvre de chair ne désireras,
  Qu'en mariage seulement.
Biens d'autrui ne convoiteras,
  Pour les avoir injustement.


Les Commandements de l'Église.

Les Fêtes tu sanctifieras
  Qui te sont de commandement.
Les dimanches Messe ouïras,
  Et les Fêtes pareillement.
Tous tes péchés confesseras
  A tout le moins une fois l'an.
Ton Créateur du recevras
  Au moins à Pâques humblement.
Quatre-Temps, Vigiles jeûneras,
  Et le Carême mêmement.
Vendredi chair ne mangeras,
  Ni jour défendu pareillement.


     Impossible d'aimer Dieu, le Bien souverain et infini, par dessus toutes choses, sans faire remonter vers Lui l'amour que nous portons à l'humanité considérée soit en nos frères, soit en nous-mêmes. D'où trois direction dans la pratique de la charité, selon qu'elle s'applique à Dieu en Lui-même ; à notre prochain ; à nous-mêmes.

     1° L'union directe de l'âme avec Dieu se fait par les vertus que l'on appelle « théologales » ; on les appelles ainsi, parce qu'elles ont Dieu Lui-même directement pour objet. Ces vertus sont la Foi, par laquelle nous croyons fermement  tout ce que Dieu nous a révélé et que sa Sainte Église nous propose à croire ; l'Espérance, par laquelle nous avons pleinement confiance dans les promesses divines ; la Charité, qui nous attache à Dieu par toutes les puissances de notre âme.

     Lorsqu'après avoir eu le malheur d'offenser Dieu, l'âme repentante revient à Lui, elle exprime son amour sous la forme d'un regret d'avoir péché et d'une résolution de ne plus pécher à l'avenir. Cette expression d'amour est formulée dans l'acte de Contrition.

     2° La pratique de la fraternité chrétienne se trouve condensée en ces deux adages qui nous sont familiers : Ne point faire à autrui ce que nous ne voudrions que l'on nous fît à nous-mêmes. Faire au prochain ce que nous voudrions qu'il nous fît.

     3° S'aimer pour soi c'est de l'égoïsme. L'amour raisonnable et chrétien de soi-même commande la lutte contre nos passions mauvaises, qui sont principalement, selon l'Apôtre saint Jean (2. Jn., II, 16), la sensualité, l'avarice et l'orgueil. Il nous faut combattre sans relâche ces inclinations perverses, si nous voulons assurer en nous le règne de la charité. Soyons tempérants, c'est-à-dire sobres et chastes ; aimons à travailler, qui des bras, qui de la tête ; soyons généreux dans nos biens. Ayons en horreur l'alcoolisme, la luxure, le jeu corrupteur et la dissipation stérile ; la fainéantise, l'exploitation rapace du labeur d'autrui. Soyons humbles, soumettant volontiers notre âme à Dieu, et ne jalousant pas les succès de nos frères. — L'amour bien entendu de soi-même rejoint ainsi l'amour de Dieu et du prochain.

     Outre la loi de la charité imposée à tous et dont les commandements généraux de Dieu et de l'Église sont l'expression, il y a pour tout homme des devoirs spéciaux résultant de la situation particulière dans laquelle il est engagé : on les appelle devoirs d'état.

      L'institution sociale primordiale est la famille. Seul le mariage confère le droit et l'honneur de perpétuer la vie. Il n'a pas la satisfaction de la passion pour but, mais il est l'union physique et morale, indissoluble et exclusive, de deux époux qui s'engagent à se soutenir mutuellement pour leur perfectionnement moral et pour être en état de fonder une famille chrétienne. Il leur est interdit, sous peine de péché mortel, de contrecarrer la loi qui, de par la volonté providentielle, préside à la propagation de la vie.

     Les époux se doivent fidélité, affection, aide réciproque. L'épouse est soumise à l'autorité de son mari. Les mœurs païennes avaient fait d'elle l'esclave de l'homme ; le christianisme l'a établie son associée, sa compagne. Les parents doivent aimer leurs enfants et les élever chrétiennement. Les enfants doivent respecter leurs parents, leur obéir, leur rendre tous les services que réclament la piété filiale.

     Entre patrons et salariés doivent régner, d'une part, la justice, l'équité, la bonté ; d'autre part, le respect, la fidélité, l'application.

     Entre l'autorité civile et les citoyens doivent régner, d'une part, la justice et l'amour, ainsi que le respect de la loi de Dieu ; d'autre part, la soumission, l'attachement, en un mot la piété patriotique.

     Le clergé doit instruire les fidèles et se dévouer avec zèle à leur salut ; les fidèles, de leur côté, doivent à leurs prêtres le respect, l'obéissance et l'affection.

     Le bon chrétien est un bon paroissien, c'est-à-dire qu'il s'intéresse activement aux offices, aux œuvres, aux âmes de la paroisse, tout comme le bon citoyen s'intéresse à l'ordre et à la prospérité de sa commune.

     Le bon chrétien sait, en effet, que par sa Paroisse et par son Pasteur, il se rattache au diocèse et à son Évêque, et, par l'Évêque, au Pontife suprême et à la communion des Saints de l'Église universelle.

     En conclusion de cette seconde partie, les formules des actes de Foi, d'Espérance, de Charité et de Contrition qu'un chrétien devrait réciter chaque jour :

Acte de Foi.

Mon Dieu, je crois fermement, tout ce que vous nous avez révélé et que la sainte Église nous propose à croire ; parce que vous êtes la suprême et infaillible vérité. Dans cette Foi, je veux vivre et mourir.


Acte d'Espérance.

Mon Dieu, j'espère avec une ferme confiance que vous me donnerez, par les mérites de Jésus-Christ mon Sauveur, la vie éternelle et tout ce qui peut m'aider à l'obtenir ; parce que vous êtes infiniment bon envers nous, tout-puissant et fidèle dans vos promesses. Dans cette Espérance je veux vivre et mourir.


Acte de Charité.

Mon Dieu, je vous aime par dessus toutes choses, de tout mon cœur, de toute mon âme et de toutes mes forces ; parce que vous êtes infiniment bon et infiniment aimable, et j'aime mon prochain comme moi-même pour l'amour de vous. Dans cette Charité je veux vivre et mourir.


Acte de Contrition.

Mon Dieu, je me repens de tout mon cœur d'avoir offensé votre souveraine Majesté et votre Bonté infinie. Je déteste tous mes péchés pour l'amour de vous ; je me propose fermement de les confesser et de m'en corriger ; et j'aimerais mieux mourir que de vous offenser encore.




III. Les moyens de salut.


     L'homme doit croire à la vérité de la Révélation divine ; il doit pratiquer la charité et obéir aux commandements de Dieu et de l'Église. Il le doit ; mais le peut-il ? en a-t-il les moyens ? De lui-même, non, il ne le peut pas. Mais il a plus à la divine Providence d'accorder à l'homme un moyen de salut que par sa nature il ne pouvait ni acquérir ni se promettre, et que, pour ce motif, on appelle surnaturel, à savoir, la grâce sanctifiante.

     En quoi consiste cette grâce sanctifiante ou, pour parler un langage plus simple, cette divine faveur qui pose l'âme dans un état de sainteté ?

     La grâce sanctifiante purifie l'âme du péché originel et de ses péchés actuels, sans doute, mais elle fait davantage. Elle opère dans l'homme une rénovation intérieure profonde, en communiquant à l'âme une disposition divine qui la pénètre, s'attache à elle et l'élève à un état surnaturel ; elle la rend digne de l'amitié de Dieu et l'héritière de la gloire éternelle.

     Sans la grâce sanctifiante l'amour est capable de faire, dans une certaine mesure, le bien, mais il est absolument incapable d'accomplir un acte qui mérite la récompense éternelle.

     Dieu communique à l'âme la grâce sanctifiante par les moyens sensibles, d'institution divine, que l'on appelle les Sacrements.

     Il y a, en tout, sept Sacrements ou instruments par lesquels la grâce sanctifiante naît, s'accroît ou se récupère, à savoir : le Baptême, la Confirmation, l'Eucharistie, la Pénitence, l'Extrême-Onction, l'Ordre et le Mariage.

     Le Baptême confère à l'âme la grâce sanctifiante qui efface tous les péchés et remet les peines dues pour les péchés ; il fait de nous les enfants de Dieu et de l'Église ; il inaugure pour l'âme une vie nouvelle qui se développe ici-bas par la pratique de la foi, de l'espérance, de la charité et des autres vertus chrétiennes, et se consomme dans la possession immédiate et éternelle de Dieu au Paradis.

     La Confirmation perfectionne la vie chrétienne et l'affermit.

     La Sainte Eucharistie l'alimente et la fortifie.

     La Pénitence la fait renaître en nous quand, par le péché mortel, nous avons eu le malheur de la perdre.

     L'Extrême-Onction la soutient dans les difficultés de l'agonie.

     L'Ordre institue les ministres des Sacrements que nous venons d'énumérer, et leur donne ainsi le pouvoir de propager la vie chrétienne.

     Le Mariage, enfin, est un Sacrement par lequel les époux obtiennent et se confèrent mutuellement la grâce de s'entr'aider dans la vie et d'élever des enfants chrétiens.


Le sacrement de la Confirmation

     Si grande est la miséricorde divine à notre égard, que les Sacrements opèrent par eux-mêmes dans l'âme leur effet bienfaisants, quelles que soient les dispositions mauvaises ou les fautes de celui qui les administre.

     Jamais, nous ne pourrons assez bénir la libéralité du bon Dieu qui a daigné nous accorder, sans aucun mérite de notre part et malgré nos démérites, la grâce sanctifiante ; jamais nous ne serons assez soucieux d'éviter le péché mortel, qui nous ravirait cet incomparable trésor.

     Il y a deux autres moyens de salut, dont l'efficacité dépend ordinairement des qualités personnelles de celui qui les emploie, c'est la prière et la pratique du bien.

     La prière est le moyen le plus général, toujours à la portée de tous, d'obtenir les bienfaits, soit naturels, soit surnaturels, de la Providence divine et, en particulier, la grâce de recevoir les Sacrements ou d'en recueillir abondamment les fruits. « Demandez et vous recevrez, a dit Notre-Seigneur ; cherchez et vous trouverez ; frappez et l'on vous ouvrira. Quiconque prie, obtient ; qui cherche, trouve ; qui frappe à la porte, la voit s'ouvrir. » Lc., XI, 9-10.

     Les bonnes actions, que la prière nous aide à accomplir, deviennent elles-mêmes un moyen d'obtenir du bon Dieu des grâces nouvelles et d'avancer ainsi dans son amour. Il n'est pas une action, si vulgaire soit-elle, qui ne puisse être convertie en un acte d'amour.

     On doit prier pour glorifier Dieu, pour le remercier de ses bienfaits, pour lui demander pardon de l'avoir offensé. On doit prier, afin d'obtenir pour soi et pour autrui le secours de Dieu.

     Il y a une prière excellente entre toutes, dont Notre Seigneur Jésus-Christ lui-même est l'auteur ; on l'appelle l'Oraison dominicale ou le Pater. Et il existe aussi une autre qui lui est intimement liée : la Salutation angélique, qui offre nos hommages et nos supplications à Dieu par l'intercession de la Très Sainte Vierge Marie :

Oraison Dominicale

Notre Père qui êtes aux cieux :
Que votre Nom soit sanctifié ;
Que votre règne vienne ;
Que votre Volonté soit faites sur la terre comme au ciel ;
Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien ;
Pardonnez-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ;
Et ne nous laissez pas succomber à la tentation ;
Mais délivrez-nous du mal.
Ainsi soit-il.

Salutation Angélique.

Je vous salue, Marie, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes, et Jésus, le Fruit de vos entrailles, est béni. Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Ainsi soit-il.

***

     Nous avons exposé jusqu'à présent les vérités à croire, les obligations à accomplir, les moyens à employer pour opérer l'œuvre dont l'importance capitale domine la vie, l'œuvre de notre sanctification et de notre salut. Nous croyons utile de compléter notre exposé par quelques Instructions spéciales sur les Sacrements.

     Nous devons savoir comment on administre le Baptême, parce que chacun de nous peut être appelé, en cas de nécessité, à conférer ce Sacrement. Il faut prendre de l'eau naturelle, et, pendant que vous versez l'eau sur la tête de l'enfant (ou de l'adulte), il faut prononcer distinctement ces paroles : Je te baptise au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

     Le Sacrement de Pénitence remet au chrétien les péchés commis après le Baptême, pourvu que le pénitent les confesse, en toute sincérité, tels que sa conscience les lui fait voir, et avec contrition, c'est-à-dire avec le repentir d'avoir offensé Dieu par ses péchés et un ferme propos de la volonté de ne plus les commettre.

     L'Extrême-Onction est, dans le dessein de Notre-Seigneur, un moyen surnaturel de guérison pour l'âme, et même, si cette faveur est salutaire au malade, pour le corps. Il ne faut donc pas attendre, pour la demander et pour la recevoir, un danger de mort immédiat ; les parents, le médecin, les proches et, au besoin, les voisins charitables doivent veilleur à ce que le saint Viatique et l'Extrême-Onction soient portés au malade pendant qu'il est en pleine possession de lui-même, et encore capable de coopérer, par sa foi et par sa piété, à une réception plus fructueuse des Sacrements.

     Le Mariage a été élevé par Notre-Seigneur Jésus-Christ à la dignité de Sacrement. Pour être valide, il doit être contracté en présence de deux témoins, devant le curé de la paroisse où il a lieu, ou, à défaut du curé, devant son délégué.

     Le mariage ne se dissous que par la mort de l'un des conjoints. Aucun des époux ne peut, tant que vit son conjoint, contracter validement un nouveau mariage, — l'Église réprouve les mariage mixtes, c'est-à-dire dont l'un des époux appartient à une religion autre que la religion catholique. A plus forte raison faut-il déplorer l'union d'un fidèle avec un incroyant ( si les époux ne sont pas d'accord sur les questions essentielles de la vie, sur quoi d'autre le seront-ils ? )


Conclusion.


     Les enseignements qui précèdent nous viennent de Notre-Seigneur Jésus-Christ et doivent nous reconduire à Lui. Les vérités que nous devons croire pour nous sauver nous ont été révélées par Lui et nous sont proposées par son Église. Les commandements que nous avons à observer viennent de Lui, et la loi de la charité qui les résume a été promulguée par Lui. La grâce qui nous rend possible l'amour de Dieu et du prochain est le fruit de sa Rédemption. Les Sacrements sont encore son œuvre.

     La prière n'est puissante auprès du bon Dieu que par son intercession, et c'est pour ce motif que toutes les prières de l'Église se terminent par ces mots adressés au Père éternel : Par Notre Seigneur Jésus-Christ, votre Fils qui, étant Dieu, vit et règne avec vous, dans l'unité du Saint-Esprit. Ainsi soit-il.

     Oui, Jésus-Christ vit et règne dans les cieux ; Il y prie sans cesse pour nous.

     Il vit et règne dans nos âmes, aussi longtemps que nous avons le bonheur de les préserver du péché mortel ; Il y vit par la grâce sanctifiante et y fait régner la charité.

     Il vit et règne dans la Sainte Eucharistie. A la Consécration de la Messe, en vertu des paroles consécratoires que le prêtre prononce, Il y devient présent réellement, avec son âme et son corps, homme et Dieu, sous les espèces sensibles du pain et du vin. Il y renouvelle alors, d'une manière non sanglante, le Sacrifice qu'Il a consommé une fois, avec effusion de sang, sur la Croix, pour le salut de l'humanité. Il se donne ensuite à nous, par la sainte Communion, pour développer la vie divine en nous. Il reste présent dans nos Tabernacles et se donne en Viatique aux mourants.

     N'oublions pas que pour tout chrétien c'est une obligation, sous peine de péché mortel, d'entendre la Messe tous les dimanches et aux quatre grandes fêtes de l'année : la Noël, l'Ascension, l'Assomption et la Toussaint. N'y manquons jamais. Assistons, si possible, à la grand'Messe, que notre curé chante alors pour nous, pour le bien de notre âme et pour la prospérité de nos familles. Et quand nos occupations nous le permettent, assistons même en semaine à la Messe et, tout au moins, envoyons-y nos enfants.

     Nous devons aussi, sous peine de péché mortel, communier au moins une fois l'an, au temps pascal. Tous les fidèles, dès qu'ils ont l'âge de raison, sont liés par ce précepte.

     Mais ce serait trop peu, de nous contenter de ce minimum strictement obligatoire pour mériter le nom de chrétien. Notre Divin Sauveur et l'Église, son interprète fidèle, nous invitent à communier souvent, même tous les jours. Il suffit, pour cela, que nous soyons en état de grâce et que nous ayons une intention droite.

     Oh ! si nous connaissions le don de Dieu ! Si nous savions quel est Celui qui nous invite à son autel, à sa table, à son tabernacle, avec quel empressement nous irions à Lui, et avec quelle joie, Il verserait la paix dans nos consciences.

     En terminant, acclamons notre Dieu et Divin Sauveur Jésus-Christ, et redisons avec l'Apôtre saint Jude : « A Celui qui a la puissance de nous préserver du péché et de nous faire comparaître purs et dans l'allégresse devant son glorieux tribunal, à notre seul vrai Dieu, qui par notre Seigneur Jésus-Christ a sauvé nos âmes : gloire, magnificence, souveraineté et puissance de l'éternité. Ainsi soit-il. »