jeudi 1 novembre 2012

La Toussaint



'Église a retracé dans la division de son année toute l'histoire du genre humain ; les quatre semaines de l'Avent qui aboutissent à la naissance du Sauveur, nous rappellent les quatre mille ans pendant lesquels ce divin Messie fut attendu. Le temps qui s'écoule depuis la Nativité jusqu'à la Pentecôte nous redit toute la vie cachée, publique et glorieuse du Rédempteur, et cette partie de l'année se termine par l'Ascension de Jésus-Christ dans le ciel et la fondation de l'Église ; l'intervalle qui s'étend depuis la Pentecôte jusqu'à la Toussaint nous représente le pèlerinage de l'Église sur la terre, et cette nouvelle partie de l'année se termine encore par la fête du ciel.

     Pendant ce long espace nous voyons l'Église célébrant tour à tour, pour se consoler de son exil et s'encourager dans ses combats, la fête de ses martyrs, de ses confesseurs, de ses vierges ; lorsque l'automne est venu et que le vigneron remplit ses celliers, que le laboureur serre dans ses greniers ses gerbes abondantes, que les hommes recueillent dans la joie leurs biens de toute espèce, fruits de leurs sueurs et de leurs travaux, l'Église crie à tous ses enfants de la terre : « En haut les yeux et les cœurs ; ces biens que vous amassez ne sont que l'image des biens et des joies qui vous attendent au delà du tombeau, semez des vertus et vous moissonnerez des mérites, ennoblissez vos vues, le ciel avec ses palmes et ses couronnes, avec son éternité de gloire et son bonheur sans nuage est seul digne de vos soins. »

     C'est pour exciter en nous ces sentiments que l'Église a institué la fête de la Toussaint. Elle nous montre le ciel peuplé d'hommes de toutes les tribus, de toutes les langues et de toutes les nations ; ils furent ce que nous sommes : faibles, tentés, pécheurs même, en un mot enfants d'Adam comme nous ; ainsi il ne tient qu'à nous d'être un jour ce qu'ils sont.

     Un général qui, de simple soldat, était parvenu aux premiers grades par sa valeur, aimait à s'entretenir avec les soldats qu'il commandait, à leur raconter ses campagnes, les dangers qu'il avait courus, les fatigues qu'il avait supportées, et ces discours enflammaient le cœur de ceux qui l'écoutaient ; la vie des Saints nous enseigne comment on parvient à la gloire céleste, et nous sommes certains, si nous le voulons, d'y parvenir avec le secours de la grâce qui ne nous manque jamais que par notre faute.

     Rappelons aujourd'hui combien cette fête est capable de nous encourager dans la pratique de la religion ; à son tribunal, la vertu persécutée, méconnue, calomniée, trouve enfin une éclatante justice, nulle acception de personnes, soyez riche ou pauvre, savant ou ignorant, maître ou esclave, il n'importe. Avez-vous été l'enfant docile du Père céleste ; cette condition remplie, votre nom peut devenir immortel, et vous pouvez pauvre berger, humble laboureur, recevoir des honneurs que les monarques avec toute leur puissance n'obtiendront jamais.

     Le matin de la Toussaint, la pompe de ses cérémonies, l'allégresse de ses hymnes offrent l'expression de la joie. Le soir à ses cantiques viennent se mêler des soupirs, des ornements de deuil remplacent les chapes d'or, et voilà que nous n'apercevons plus dans le temple saint qu'un monument funèbre ; c'est une nouvelle fête, la fête des morts ; l'Église veut que ce jour soit une fête de famille, elle se présente à nous dans ses trois états différents, triomphante dans le ciel, exilée sur la terre, et gémissante au milieu des flammes expiatrices ; ce sont trois sœurs se donnant la main, s'encourageant, se consolant, se soutenant jusqu'au jour où, s'embrassant dans les cieux, elles ne formeront plus qu'une Église éternellement triomphante.

     L'Église dès son origine a prié pour tous ses enfants quand ils mouraient ; Tertulien dit : « Nous célébrons l'anniversaire de la nativité des martyrs, et, suivant la tradition des ancêtres, nous offrons le sacrifice pour les défunts au jour anniversaire de leur mort. »

     « Il est fort avéré, dit S. Augustin, et universellement reçu dans toute l'Église, l'usage de prier pour ceux qui sont morts dans la communion du corps et du sang de Jésus-Christ. » Car les âmes des morts achèvent d'expier dans le Purgatoire la peine due aux péchés pour lesquels une entière satisfaction n'a pas été obtenue, et nos prières peuvent contribuer à leur soulagement ; il faut qu'en cette fête notre piété soit ranimée en faveur de nos frères défunts. La gloire de Dieu, la charité, la justice, sont autant de motifs qui doivent nous engager à prier pour les morts ; comme le paralytique de l'Évangile qui, perclus de tous ses membres et enchaîné depuis longtemps sur les bords de la piscine, demandait une main charitable qui l'y fît entrer, les âmes du Purgatoire implorent le secours qui brisera leurs chaînes ; les justes qui souffrent sont nos frères, tout nous rappelle leur souvenir, les lieux que nous parcourons, les maisons que nous habitons, les biens dont nous jouissons, et le nom même que nous portons. Demandez-leur pourquoi ils souffrent ; ils répondront : J'ai bien laissé sur la terre des parents, mais ils m'oublient, cependant ce que je demande est bien peu, quelques prières, quelques aumônes.

     Puisse cette voix toucher nos cœurs, et procurer la gloire à Dieu, la paix aux morts, et à nous la récompense de la miséricorde ; bienheureux les miséricordieux, car ils recevront miséricorde.

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