samedi 23 février 2013

Le Carême







e Carême est le temps qui s'écoule depuis le mercredi des Cendres jusqu'à Pâques, temps de pénitence pendant lequel les fidèles sont tenus à des prescriptions de jeûne et d'abstinence ; le jeûne consiste à ne manger qu'une fois par jour, et l'abstinence à ne pas manger de viande. Les chrétiens des premiers siècles ne mangeaient autre chose, les jours de jeûne, que des herbes, des racines et des légumes ou des fruits, avec du pain et de l'eau ; ils ne mangeaient qu'une fois le jour, vers le soir. S. Fructueux, évêque de Tarragone, allant au martyre, refusa un breuvage qu'on lui offrait pour le fortifier, en disant qu'il n'était pas encore l'heure de rompre le jeûne : c'était un vendredi à dix heures du matin.

     Au VIe siècle, puis au VIIe, des modifications furent apportées à cette règle ; plus tard l'Église, toujours bonne comme une mère, adoucit encore la discipline. L'obligation du jeûne le Mercredi des Cendres et le Vendredi-Saint s'étend à tous les fidèles qui ont vingt et un ans accomplis, à moins que des raisons graves de santé ou de travail ne les en dispensent ; une légère réfection nommée collation ajoutée au repas principal est aujourd'hui permise. En ce qui concerne les dispenses particulières pour le jeûne et l'abstinence, ceux qui croient en avoir besoin doivent s'adresser à leurs pasteurs ; nul ne doit être juge dans sa propre cause, et la soumission à l'autorité est la première règle de tout chrétien.

     Le monde dit quelquefois : Dieu ne nous a-t-il pas donné tous les biens ? pourquoi n'en userions-nous pas ? Oui, Dieu nous a donné tous les biens ; mais est-ce pour en user sans discrétion et sans reconnaissance ? Qui ne sait pas s'abstenir quelquefois des plaisirs les plus légitimes ne saura pas s'arrêter là où commencent les jouissances coupables ; la vertu ne vit que par les sacrifices, et c'est avec sagesse que l'Église par ses loi supplée à la légèreté de notre esprit et met une barrière à l'entraînement de notre cœur. N'est-ce pas, pour l'homme coupable (et nous le sommes tous) un devoir et une nécessité, d'expier ses péchés, de se punir lui-même, de réparer ses excès par des austérités, et de se former à des habitudes contraires à celles où l'entraînent ses passions ? Ô sainte ardeur de la pénitence ! Ô douce tristesse du repentir ! Ô tendre componction d'un cœur revenu à Dieu ! C'est vous qui faites du Carême un temps précieux, un temps profitable, un temps de joie malgré les mortifications ; car c'est vous qui menez sûrement et prestement à Dieu, nous accordant son pardon et son amitié, bien suprême et ultime félicité !

Sainte Marie-Madeleine : un modèle de pénitence


     Nul besoin de s'infliger des pénitences spectaculaires qui pourraient flatter notre orgueil pour faire un bon et saint Carême : supporter avec patience ses croix quotidiennes (au lieu de se plaindre et d'accuser la Providence), une bonne prière régulièrement, une visite à l'église, une aumône discrète... voilà les petits efforts qui plaisent à Dieu. On peut faire du carême un temps pendant lequel on veillera davantage sur ses mauvais penchants, où l'on remplira avec plus d'exactitude ses devoirs. Voilà une bonne pénitence agréable à Dieu, et nul ne peut dire, riche ou pauvre, faible ou fort, qu'il ne lui est pas possible de l'accomplir.





« Ce n'est qu'en nous faisant marcher dans les traces sanglantes du Christ que l'action de la grâce triomphera en nous. » Dom Jacques Maillot.

mardi 12 février 2013

Catéchisme sur le Mercredi des Cendres





Demande. Pourquoi le premier jour de carême est appelé jour des cendres ?
Réponse. A cause de l'imposition des cendres qui se fait en ce jour.
Explication. Ce jour est aussi appelé le chef du jeûne, parce qu'il est à la tête des jeûnes du carême. Avant l'addition des quatre jours de jeûnes réalisée sans doute par Saint Grégoire le Grand, le nom de chef du jeûne se donnait au premier lundi de carême pour la même raison. Les Pères du concile de Soissons, de 853, appelaient déjà le mercredi des cendres chef du jeûne, l'addition des quatre premiers jours était déjà bien établie en France en ce temps, au moins dans la majorité des Église.

D. L'imposition des cendres est-elle bien ancienne ?
R. C'est un reste de l'ancienne discipline de l'Église qui imposait des cendre sur la tête des pénitents publics, qui les recevaient pour marquer leur douleur.
Explication. La coutume de se couvrir de cendres et de cilice, pour marquer la douleur, était en usage chez les nations les plus anciennes : les ministres se revêtirent de sacs et se prosternèrent sur de la cendre pour apaiser la colère de Dieu : telle était en particulier la pratique des Juifs, comme l'Écriture le rapporte en mille endroits ; les chrétiens l'ont fait de même dans tous les temps, surtout lorsque la pénitence publique était en vigueur. Rien ne marque mieux l'humiliation et la douleur que ces symboles énergiques de sacs, de cilices, de cendres ; ce sont les expressions même de la pénitence.

D. Pourquoi l'Église fait-elle aujourd'hui l'imposition des cendres ?
R. L'Église impose des cendres sur la tête des chrétiens pour les exciter à la pénitence, en leur rappelant la pensée de la mort.
Explication. Souviens-toi, ô homme ! que tu es poussière, et que tu retourneras en poussière : voilà ce que le prêtre dit à chacun de ceux à qui il impose des cendres ; anciennement à Milan on y répondait : je m'en souviendrai. Quelques rituels anciens veulent qu'on dise : fais pénitence dans la cendre et le cilice. On lit en d'autres : faites, Seigneur, que les cendres que je reçois deviennent pour moi un remède salutaire. Il y eut des endroits où l'on mit la cendre dans des vases de terre pour mieux marquer le néant de l'homme.

D. Avec quels sentiments doit-on recevoir les cendres ?
R. On doit recevoir les cendres en esprit de componction et de douleur, en faisant la résolution de faire pénitence pendant le carême.

D. Quel autre sentiment faut-il encore avoir en recevant les cendres ?
R. Il faut se soumettre à la mort, comme était pécheur, et en accepter l'arrêt en expiation de ses péchés.



Abbé Meusy, Catéchisme des Fêtes, Besançon, 1774.

jeudi 7 février 2013

Les Dimanches précédant le Carême



es trois dimanches qui précèdent le Carême portent le nom de Septuagésime, de Sexagésime, de Quinquagésime ; ils sont ainsi nommés parce que le premier de ces dimanches est le septième et quels deux autres sont le sixième et le cinquième avant le dimanche de la Passion. Le premier dimanche de carême porte le nom de Quadragésime, parce qu'il est le quatrième avant ce même jour. Ces dimanches sont une préparation au carême ; l'Église nous prévient par ses offices que nous allons bientôt entrer dans la sainte quarantaine.

      Tous les temps, nous dit-elle, sont à moi, tous les justes sont mes enfants. Elle nous retrace l'histoire de la chute et un malheur de l'homme causés par le péché de nos premiers parents. Elle veut que nous nous considérions comme des victimes dévouées à la mort, que nous nous souvenions que nos propres péchés, afin qu'étant convaincus de la nécessité de la pénitence, nous nous trouvions disposés à l'embrasser dans le temps qu'elle prescrit.

     Pendant que l'Église nous prépare à la sainte tristesse de la pénitence, le monde accomplit la terrible prophétie du Sauveur : « Le monde se réjouira, disait-il à ses enfants, et vous, vous serez dans la tristesse ; mais malheur à vous qui riez ! » On connaît les funestes habitudes de ces jours auxquels on a donné le nom très-profane de carnaval. Les désordres se multiplient alors ; on se livre souvent aux plus dégoûtantes orgies ; il semble qu'on veuille ressusciter les mœurs païennes, et s'élever publiquement par cette conduite contre les conseils et les préceptes de l'Église. Il y a certainement là une révolte contre la religion et une insulte à Dieu.

     C'est pour protester contre ces désordres que l'Église a établi les prières des Quarantes-Heures avec exposition du très-saint Sacrement, le dimanche de la Quinquagésime, le lundi et le mardi qui précèdent le mercredi des Cendres. Cette institution remonte au XVIe siècle. Ces prières ont pour objet d'apaiser la colère de Dieu irrité par les excès de ces jours mauvais, de détourner des plaisirs défendus ceux que l'exemple pourrait entraîner, d'exciter la piété des fidèles envers Notre-Seigneur en présentant à leur méditation les quarante heures qui s'écoulèrent depuis sa condamnation à mort jusqu'à sa résurrection : faisons un sincère retour sur nous-mêmes ; parmi les chrétiens qui se piquent d'accomplir leurs devoirs, n'y a-t-il pas une indifférence trop ordinaire ? Notre-Seigneur n'est-il pas injustement abandonné sur cet autel, où Il nous attend pour nous bénir, et les plaisirs permis ne nous font-ils pas oublier ce que nous devons au mystère d'amour d'un Dieu pour les hommes ? Cependant nous reconnaîtrons avec consolation que plus d'une fois nous avons été édifié de voir de bons chrétiens redoubler en ces jours de piété et de ferveur.

Petites lectures 1870-1875

samedi 2 février 2013

2 février : Purification de la Sainte Vierge



ous avons vu les Mages venir adorer notre Sauveur dans sa crèche ; avertis par un ange de ne pas revenir auprès du perfide Hérode, ils retournèrent dans leurs pays par un autre chemin. Bientôt Joseph et Marie songèrent à accomplir deux nouveaux articles des lois de Moïse : l'un ordonnait à toutes les femmes qui étaient devenues mères de venir se purifier au Temple après un certain nombre de jours ; l'autre prescrivait d'offrir au Seigneur tout fils premier-né. Marie, donnant en cela un grand exemple d'humilité et d'obéissance, voulut se conformer à la règle commune des autres femmes ; en même temps, Jésus-Christ, qui, comme Dieu, se trouvait bien au-dessus de la loi mosaïque, voulut être porté à Jérusalem quarante jours après sa naissance, afin d'offrir à son père une hostie digne de Lui : c'est pour conserver ce double souvenir qu'on célèbre le 2 février la fête de la Purification.

     Au moment de la naissance de Jésus, il y avait à Jérusalem un saint vieillard nommé Siméon. C'était un homme juste, qui attendait avec empressement le consolateur d'Israël, c'est-à-dire le Messie. Il lui avait été même révélé qu'il ne mourrait pas sans avoir vu le Christ du Seigneur. Conduit par une inspiration divine, il vint au Temple lorsque Marie apportait son divin Fils ; non seulement Siméon eut le bonheur de voir le Rédempteur du monde, mais Dieu lui permit encore de le tenir entre ses bras. C'est alors que, transporté d'une sainte joie et animé de l'esprit des prophètes, il rendit grâces à Dieu et prédit les futurs triomphes de ce divin Enfant. C'est maintenant, s'écria-t-il, que, suivant votre parole, vous laisserez mourir en paix votre serviteur, puisque mes yeux ont vu le salut qui vient de vous, que vous l'avez exposé à la vue de toutes les nations pour être la lumière qui se découvrira aux gentils et la gloire d'Israël votre peuple. Nous répétons ces belles paroles, lorsque nous récitons à complies le cantique : Nunc dimittis.

     Tandis que la sainte Vierge et saint Joseph étaient en admiration sur ce que disait le saint vieillard, et qu'il les entretenait de ce qui devait arriver au Fils de Dieu dans la suite des temps et de la douleur qui transpercerait le cœur de Marie, une veuve nommée Anne survint en ce même temps. Véritable fille de Jacob, elle attendait avec ardeur la venue du Messie. Veuve après sept ans de mariage, elle avait passé sa vie jusqu'à quatre-vingts ans dans les jeûnes et les prières : sa demeure ordinaire était le Temple ; à peine eut-elle connu le Sauveur qu'elle joignit sa voix à celle de Siméon, et fit éclater sa reconnaissance et son bonheur en cantiques de louanges.

     Qu'il est beau de voir ces deux vieillards rendre témoignage de la divinité du Sauveur, et mourir tranquilles parce qu'ils ont vu celui qui est la résurrection et la vie ! Quelque heureux qu'ait été leur sort, nous pouvons sentir qu'un non moindre bonheur nous est accordé, puisqu'il nous est donné de recevoir ce même Sauveur, nous seulement dans nos bras, mais encore dans notre cœur devenant le sanctuaire du désiré des nations.

     Hérode, voyant que les Mages ne revenaient pas, entra dans une grande colère, et résolut de se défaire d'un enfant dont la naissance lui causait tant d'ombrages, et de noyer son berceau dans un fleuve de sang ; mais que peuvent les conseils des hommes contre Dieu ! L'ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit : Levez-vous, prenez l'enfant et sa mère, fuyez en Égypte, et n'en parlez pas que je ne vous le dise, car Hérode ne tardera pas à faire chercher l'enfant pour lui donner la mort ; Joseph se leva, et la nuit même, prenant l'enfant et la mère, il partit pour l'Égypte, où ils arrivèrent heureusement et où ils restèrent tant qu'il plut à Dieu de laisser son Fils dans cette espèce d'exil.


     A chaque acte de la Sainte Famille, nous devons faire la même remarque, qui est pour nous un grand enseignement. Ainsi la conduite de Joseph dans cette circonstance est le modèle d'une obéissance parfaite ; car elle est simple et sans détournement, elle est prompte et sans retardement, elle est généreuse et pleine de confiance, il part sans préparatifs, sans provisions, il était pauvre, mais, avec la parole de Dieu, il était certain de ne manquer de rien.

     Une obéissance semblable envers nos supérieurs, envers nos parents, envers l'Église, est la première et la plus essentielle des vertus d'un vrai chrétien dans tous les âges et dans toutes les conditions.