mercredi 20 juillet 2011

Les Pensées de M. Pascal : Fr. 182 (extraits, édition Sellier)


De la vraie religion, des misères de l'homme, des remèdes à son état, de sa grandeur passée...

es grandeurs et les misères de l'homme sont tellement visibles qu'il faut nécessairement que la véritable religion nous enseigne et qu'il y a quelque grand principe de grandeur en l'homme et qu'il y a un grand principe de misère.
Il faut encore qu'elle nous rende raison de ces étonnantes contrariétés. 
Il faut que pour rendre l'homme heureux elle lui montre qu'il y a un Dieu, qu'on est obligé de l'aimer, que notre vraie félicité est d'être en lui et notre unique mal d'être séparé de lui, qu'elle reconnaisse que nous sommes pleins de ténèbres qui nous empêchent de le connaître et de l'aimer, et qu'ainsi nos devoirs nous obligeant d'aimer Dieu et nos concupiscence nous en détournant, nous sommes pleins d'injustice. Il faut qu'elle nous rende raison de ces oppositions que nous acons à Dieu et à notre propre bien. Il faut qu'elle nous enseigne les remèdes à ces impuissances et les moyens d'obtenir ces remèdes. Qu'on examine sur cela toutes les religions du monde, et qu'on voie s'il y a en a une autre que la chrétienne qui y satisfasse !

Sera-ce les philosophes, qui nous proposent pour tout bien les biens qui sont en nous ? Est-ce là le vrai bien ? Ont-ils trouvé le remède à nos maux ? Est-ce avoir guéri la présomption de l'homme que de l'avoir mis à l'égal de Dieu ? Ceux qui nous ont égalés aux bêtes et les mahometans, qui nous ont donné les plaisirs de la terre pour tout bien même dans l'éternité, ont-ils apporté le remède à nos concupiscences ?

Quelle religion nous enseignera donc à guérir l'orgueil et la concupiscence ? Quelle religion enfin nous enseignera notre bien, nos devoirs, les faiblesses qui nous en détournent, la cause de ces faiblesses, les remèdes qui les peuvent guérir, et le moyen d'obtenir ces remèdes ? Toutes les autre religions ne l'ont pu. Voyons ce que fera la sagesse de Dieu.

« N'attendez point, dit elle, ô hommes, ni vérité ni consolation des hommes. Je suis celle qui vous ai formés et qui peux seule vous apprendre qui vous êtes.
Mais vous n'êtes plus maintenant en l'état où Je vous ai formés. J'ai créé l'homme saint, innocent, parfait. Je l'ai rempli de lumière et d'intelligence. Je lui ai communique ma gloire et mes merveilles. L'œil de l'homme voyait alors la majesté de Dieu. Il n'était pas alors dans les ténèbres qui l'aveuglent, ni dans la mortalité et dans les misères qui l'affligent. Mais il n'a pu soutenir tant de gloire sans tomber dans la présomption, il a voulu se rendre centre de lui-même et indépendant de mon secours. Il s'est soustrait de ma domination et, s'égalant à moi par le désir de trouver sa félicité en lui-même, je l'ai abandonné à lui, et révoltant les créatures qui lui étaient soumises je les lui ai rendues ennemies, en sorte qu'aujourd'hui l'homme est devenir semblable aux bêtes et dans un tel éloignement de moi qu'à peine lui reste-t-il une lumière confuse de son auteur, tant toutes ses connaissances ont été éteintes ou troublées. Les sens indépendants de la raison et souvent maîtres de la raison l'ont emporté à la recherche des plaisirs. Toute les créatures ou l'affligent ou le tente, et dominent sur lui ou en le soumettant par leur force ou en le charmant par leur douceur, ce qui est une domination plus terrible et plus injurieuse.

Voilà l'état où les hommes sont aujourd'hui. Il leur reste quelque instinct impuissant du bonheur de leur première nature, et ils sont plongés dans les misères de leur aveuglement et de leur concupiscence qui est devenue leur seconde nature.

De ce principe que je vous ouvre vous pouvez reconnaître la cause de tant de contrariétés qui ont étonnée tous les hommes et qui les ont partagés en de si divers sentiments. Observez maintenant tous les mouvements de grandeur et de gloire que l'épreuve de tant de misères ne peut étouffer, et voyez s'il ne faut pas que la cause en soit en une autre nature.

mercredi 13 juillet 2011

Ma journée...



        


on éternité ne sera faite que de la somme de mes journées banales, comme celle que je commence. Au jugement dernier, je serai effrayé des merveilles que j'aurai gaspillées en remplissant mes journées de rien ou ne donnant pas une destination surnaturelle à mes occupations ordinaires.

       Le moyen de devenir un saint est à la fois tout à fait à ma portée et difficile : c'est de bien remplir mon devoir quotidien. Pie XI déclarait un jour : « Ce n'est pas dans les choses extraordinaire que réside la sainteté, mais dans les choses communes accomplies d'une façon non commune. »

       Il faut, en effet, beaucoup de vertu, beaucoup de maîtrise de soi, beaucoup d'entraînement au devoir, pour se défendre contre les assauts multiples et variés du mal, pour surmonter les tentations toujours renouvelées, pour lutter contre des faiblesses décourageantes, pour remplir cette série de devoirs monotones, avec exactitude, sans relâchement, sans négligence, sans routine ; Que de mérites dans l'accomplissement parfait de ce que le pape Pie XI appelle si justement : « le tragique quotidien » !

       Je rêve de faire autre chose alors qu'il suffirait de faire autrement les choses qui s'offrent à moi. « La façon de donner (à Dieu comme au prochain) vaut mieux que ce qu'on donne ». Ai-je la bonne manière ? On a dit de saint François de Sales qu'il avait l'art de faire extraordinairement les actions ordinaires. Est-ce que je les fais, au moins, de mon mieux ?

       Les choses extraordinaires, en un sens, sont plus faciles : elles éveillent et fouettent les énergies, la générosité, tandis que la monotonie des devoirs quotidiens lasse et endort. C'est pourquoi l'Église maternelle m'invite à admirer et à imiter chez les saints les exemples des vertus quotidiennes communes. Et c'est pourquoi, aussi, le Christ me fait demander les biens en insistant deux fois sur leur caractère quotidien : « Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien », le pain de notre corps sans doute, mais surtout le pain de l'âme, c'est-à-dire la grâce d'apprécier et de bien utiliser la besogne monotone de chaque jour.

       Un penseur définissait le vie chrétienne comme « une mosaïque de petites choses avec lesquelles Dieu fait de grandes choses ».

       ... chaque seconde modèle mon Éternité.

mardi 12 juillet 2011

Hommage à Louis XVI et à sa famille.

HOMMAGE A LOUIS XVI ET A SA FAMILLE




e 14 juillet 1789 : la Bastille, symbole de l'autorité royale à Paris, tombe aux mains d'une foule hurlante et déchaînée, manipulée depuis des semaines par d'habiles machinistes qui ne reculent devant aucun artifice pour parvenir à leurs fins. Le gouverneur de la citadelle avait cru sottement pouvoir négocier avec les assaillants : il est dépecé par la populace qui lui tranche la tête à l'aide d'un couteau de boucherie dans l'intention d'emporter un trophée. Quant à la garnison qui s'est rendue, elle subit le même sort que son chef : elle est massacrée. « La pitié n'est pas révolutionnaire » après tout...
       A quelques jours de ce sinistre anniversaire qu'en France on se croit obliger de fêter avec la pompe nationale, rappelons le souvenir de la victime expiatoire la plus emblématique de la Révolution française : Louis XVI.

       Bien avant le jour de son exécution, le 21 janvier 1793, ce roi, hanté par le salut du peuple dont il avait la charge, pensait au sacrifice. Nourrit depuis son enfance par les écrits de Fénélon pour qui un roi se doit de s'immoler au bonheur de ses sujets, il conservera les principes acquis toute sa vie, jusqu'à l'échafaud.

       Si on peut reprocher à Louis XVI ses maladresses, ses erreurs, qui ont précipité la fin de l'Ancien Régime, il n'est pas permis de douter de sa bonne volonté. Oui, Louis XVI a commis de terribles erreurs, il serait faux de le nier. Le métier de roi lui pesait et lui était difficile. La politique était étrangère à son esprit. Ne connaissant pas les hommes, il ne savait ni récompenser, ni punir, ni commander, ni prévoir. Il a pris certaines décisions irréfléchies dont il ne savait pas mesurer les conséquences. Mais Louis XVI était un roi bon, généreux, plein de zèle et soucieux du bonheur de ses sujets. Père tendre, mari fidèle et roi bienfaisant, Louis XVI a toujours garder une claire conscience du devoir et du fardeau immense de la royauté. Dès le début de son règne on le voit tenter d'entreprendre de grandes réformes, en matière fiscale notamment. Incompris de son peuple, il souffrira cruellement la haine qu'on a pu lui porter. Ne cherchait-il pas à faire le bonheur des Français ? 
       Autre aspect unique de sa destinée : c'est lui qui a dû affronter un des plus terrifiant évènement de l'Histoire : la Révolution. Louis XVI n'a pas livré n'importe quel combat. Il affronta des puissances extrêmement subversives de l'ordre établi, et dont il n'y avait eu jusqu'alors aucun exemple connu. Ce sont les puissances des idéologies, celle des la philosophie des Lumières, de la doctrine nationale, du patriotisme révolutionnaire. Extrêmement subversives parce que de nature utopique. Et l'on sait que l'utopie détruit ce qui est pour affirmer ce qui n'est pas, lui donnant l'apparence de l'être. Il n'est donc rien de plus subversif. Et l'humanité jusqu'à ce jour n'avait jamais connu semblable entreprise. Elle avait connu des utopies, celles de Thomas More et de Denis Veiras par exemple, mais ces utopies-là étaient restées enfermées dans des boîtes, et leurs germes n'avaient pas été éparpillés dans le monde.

       Louis XVI a été continuellement et pendant une grande partie de son règne abreuvé d'épreuves et d'humiliations. L'histoire connaît peu de destinées aussi cruelles. Mais l'homme qui portait celle-ci à réussi à l'assumer malgré ses souffrances et à lui donner un sens.
       Pas tout de suite. Il lui a fallu d'abord s'habituer à l'adversité, vivre avec elle. Cela ne s'est pas fait en peu de temps. Au début le roi est accablé, écrasé. En 1785, l'année de l'Affaire du Collier, il commence une dépression qui va durer plusieurs années. C'est seulement au cours de l'année 1790 qu'il parvient à réagir et à dominer son infortune.
       Il la domine grâce à sa lucidité. Ses propos des dernières années montrent qu'il avait compris la nature des idéologies subversives. Déjà d'ailleurs en 1789, il n'était pas dupe des manipulations révolutionnaires. Enfin il semble avoir eu le pressentiment des guerres totales et des hécatombes engendrées par le patriotisme révolutionnaire. Une telle clairvoyance le sépare du commun des hommes de son temps.
       Il domine aussi son malheur par le sacrifice. L'idéal du roi se sacrifiant pour ses peuples lui avait été inculqué dès l'enfance. Il se présente à nouveau à son esprit pendant l'été 1791. Il le fait sien, d'autant mieux qu'il vient de se convertir à une vie chrétienne plus profonde. Désormais le mot sacrifice va revenir couvent dans ses écrits et ses propos.
       Ce sacrifice, il l'accomplit dans cette montée au Calvaire que sont pour lui les journées du 20 juin et du 10 août, le séjour du Temple et les sombres derniers instants de sa vie. Mme de Staël parle de son « étonnante résolution de souffrir et de mourir », mais si l'on connaît son esprit de sacrifice, on ne s'en étonne pas.
       En offrant sa vie en sacrifice à l'exemple de son Rédempteur, il réalise parfaitement la vocation royale exprimée par son sacre, et surtout le rituel de l'intronisation. En effet selon ce rite, après avoir été oint de l'huile de la sainte ampoule, il avait été conduit sur un trône élevé d'où il pouvait être vu de tous. On signifiait ainsi que le roi ne s'appartenait plus. Cependant le sens de cette cérémonie majestueuse demeurait en partie caché. Certes, le dévouement de la dynastie capétienne au service du royaume en avait éclairé d'une certaine manière la signification véritable. On savait que le rite du roi exposé signifiait l'abnégation. Mais on ignorait qu'il signifiait aussi le sacrifice total et jusqu'au sacrifice de la vie. C'est le mérite de Louis XVI de l'avoir révélé et d'avoir ainsi réalisé pleinement le destin de la troisième race des rois de France.