jeudi 16 février 2012

Prière pour la France



Dieu tout puissant et éternel, qui avez établi l'empire des Francs pour être dans le monde l'instrument de votre divine volonté, le glaive et le boulevard de votre Sainte Église : nous vous en prions, prévenez toujours et en tout lieu de la céleste lumière les fils suppliants des Francs, afin qu'ils voient toujours efficacement ce qu'il faut faire pour votre règne en ce monde, et que, pour faire ainsi qu'ils auront vu, ils aient vaillance et charité, force et persévérance.
(Prière tirée d'un Missel du neuvième siècle)

jeudi 9 février 2012

Amour filial



a carrière de la vie active commence pour nous dans la famille ; la maison paternelle est le premier gymnase où la vertu s'exerce. Que dire de ceux qui prétendent aimer la patrie, qui font étalage de leur héroïsme, et qui manquent à ce haut devoir de la piété filiale ?

 Il n'y a pas d'amour de la patrie, il n'y a pas le moindre germe d'héroïsme et de vertu là où règne la noire ingratitude. L'intelligence de l'enfant s'ouvre à peine à l'idée du devoir, que déjà la nature lui crie : « Aime tes parents. »

     L'instinct de l'amour filial est si puissant que nul effort ne semblerait devoir être nécessaire pour l'entretenir toute la vie. Néanmoins, il n'est pas d'instinct honnête qui n'ait besoin de la sanction de notre volonté, et qui sans elle ne se détruise. La piété envers nos parents veut être cultivée avec une ferme résolution.

     Si l'on se pique d'aimer Dieu, d'aimer l'humanité, d'aimer la patrie, comment ne témoignerait-on pas un respect sans bornes à ceux par qui l'on est créature de Dieu, homme, citoyen ? Dans la Loi divine, immédiatement après les Commandements touchant directement à son culte, Dieu ordonne aux hommes d'honorer leurs parents, montrant par là le lien intrinsèque et incontournable qui existe entre l'amour de Dieu et la piété filiale.

     Notre père et notre mère sont naturellement nos premiers amis ; ce sont, de tous les hommes, ceux à qui nous devons le plus. Un saint devoir nous oblige envers eux à la reconnaissance, au respect, à l'amour, à l'indulgence, à l'aimable manifestation de ces divers sentiments.

     La grande intimité dans laquelle nous vivons avec les personnes qui nous tiennent de plus près ne nous accoutume que trop vite à les traiter avec une suprême insouciance, et à nous croire dispensés du soin d'être aimables et d'embellir leur existence.

     Gardons-nous bien d'un pareil tort. Quiconque ne veut pas être bon à demi doit porter dans toutes ses affections un certain désir d'exactitude et de bonne grâce qui leur donne la perfection dont elles sont susceptibles.

     Attendre, pour se montrer observateur délicat des égards sociaux, que l'on ait quitté sa maison, et manquer en attendant à la déférence et aux complaisantes attentions que l'on doit à ses parents, c'est une faute et une mauvaise manière de raisonner. Les belles manières ne s'apprennent que par une étude assidue qui doit commencer au sein même de la famille.

     « Quel mal y a-t-il, disent quelques-uns, à vivre en toute liberté avec ses parents ? Ils savent bien que leurs enfants les aiment, sans qu'il faille pour cela imposer à ceux-ci la recherche affectée des complaisances extérieures, et les obliger à dissimuler leurs ennuis et leurs petites colères. » Gardons-nous de raisonner ainsi ! Si vivre en toute liberté cela veut dire être grossier, ce n'est plus que de la grossièreté, et il n'est pas de parenté assez intime pour la justifier. D'autre part, mépriser les marques extérieures de dévotion, que ce soit envers Dieu ou envers nos parents, nous expose sûrement à l'affaiblissement de nos bons sentiments initiaux. Une charité qui ne se manifeste pas dans le sensible est condamnée à devenir tiède, voire à mourir tout à fait.

     Une âme qui ne se sent pas le courage de prendre sur elle, en famille comme dans le monde, pour se rendre agréable aux autres, pour acquérir des vertus nouvelles, pour honorer l'homme en lui-même et Dieu dans l'homme, est une âme sans vigueur. Pour se reposer de la noble fatigue d'être bon, affable et délicat, l'homme n'a que l'heure du sommeil et la respiration de la prière.

     L'amour filial est non-seulement un devoir de reconnaissance, mais d'impérieuse convenance,. Dans le cas, rare d'ailleurs, où l'on aurait des parents peu aimables, peu en droit de prétendre à une haute estime, par cela seul qu'on leur doit la vie, ils revêtent aux yeux de leurs enfants un caractère si auguste, qu'on ne peut sans infamie, je ne dirai pas les mépriser, mais seulement paraître les traiter avec négligence. Dans ce cas, les égards qu'on leur témoignera auront plus de mérite, mais n'en seront pas moins une dette payée à la nature, à l'édification des semblables, à sa propre dignité.

     Malheur à qui se fait le censeur rigide de quelque défaut de ses parents ! Il encours comme Cham la malédiction. Et par qui commencerons-nous à pratiquer la charité, si nous n'en avons pas pour un père, pour une mère ?

     Exiger, pour les respecter, qu'ils n'aient aucun défaut, qu'ils soient des modèles accomplis de l'espèce humaine, des saints sans tâche, c'est à la fois de l'orgueil et de l'injustice. Nous qui désirons tant qu'on nous respecte et qu'on nous aime, sommes-nous toujours irréprochables ? Alors même qu'une mère ou un père seraient loin de cet idéal de sens et de vertu que nous nous sommes fait, devenons ingénieux à les excuser, à cacher leurs fautes aux yeux d'autrui, à jeter un voile pudique sur leurs défauts, à apprécier leurs bonnes qualités. En agissant ainsi, nous deviendrons meilleurs nous-mêmes, acquérant par là un caractère pieux, généreux et habile à reconnaître le mérite des autres.

     Ouvrons souvent notre âme à cette pensée triste, mais féconde en enseignements de patience et de compassion : — Ces têtes blanches qui sont là devant moi, qui sait si bientôt elles ne dormiront pas dans la tombe ? Ah ! tandis que vous avez le bonheur de les voir, honorez-les et cherchez-leur des consolations à ces maux de la vieillesses dont le nombre est si grand !

     Leur âge ne les porte que trop déjà à la mélancolie, ne contribuons jamais à les attrister. Que nos manières avec eux, que toute notre conduite à leur égard, soient toujours aimables, qu'il suffise de votre vue pour les ranimer et les réjouir. Chaque sourire que vous rappelleriez sur leurs lèvres vénérables, chaque contentement que vous produirez dans leur cœur sera pour eux le plus salutaire des plaisirs, et tournera à votre avantage. Les bénédictions qu'un père ou une mère appellent sur la tête d'un fils reconnaissant sont toujours sanctionnées par Dieu.

lundi 6 février 2012



« Si la tristesse était grande sur les bruyères de Combourg,
elle était encore plus grande au château : on éprouvait,
en pénétrant sous ses voûtes, le même sentiment qu'en entrant
à la chartreuse de Grenoble. Lorsque je visitai celle-ci
en 1805, je traversai un désert, lequel allait toujours croissant ;
je crus qu'il se terminerait au monastère ; mais on me montra,
dans les murs mêmes du couvents, les jardins des chartreux
encore plus abandonnés que les bois. Enfin, au centre
du monument, je trouvai, enveloppé dans les replis de toutes
ces solitudes, l'ancien cimetière des cénobites ; sanctuaire
d'où le silence éternel, divinité du lieu, étendait sa puissance
sur les montagnes et dans les forêts d'alentour.»
 

François René de CHATEAUBRIAND
Mémoires d'outre-tombe, 1848-1850,
Livre troisième, chapitre III.

samedi 4 février 2012

Du sacrement du baptême.





e baptême, premier anneau de cette longue chaîne de bienfaits que le nouvel Adam a préparés pour soutenir l'homme sur le chemin de la vie, est un sacrement qui remet le péché originel et nous fait enfants de Dieu et de l'Église. Que le baptême soit un vrai sacrement de la loi nouvelle, c'est une vérité sur laquelle aucun doute ne peut exister : il réunit toutes les conditions qui en font un véritable sacrement.

Matière. La matière du baptême , c'est toute espèce d'eau naturelle : l'eau de mer, de rivière, de marais, de puits, de fontaine. Le sacrement du baptême étant absolument nécessaire pour le salut, Notre-Seigneur a choisi pour en devenir la matière l'eau qui se trouve partout. D'ailleurs l'eau représente très-bien l'effet du baptême : elle lave les souillures du corps et par là elle exprime sensiblement l'action du baptême sur l'âme qu'elle purifie de ses péchés.

     Forme. La forme du baptême, ce sont les paroles que le ministre prononce en versant l'eau sur le corps du baptisé : Je te baptise au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ces paroles doivent être prononcées, non avant ou après l'ablution, mais pendant que l'ablution se fait, par celui-là même qui la fait, autrement le baptême serait invalide. C'est sur la tête préférablement à toute autre partie du corps que l'eau doit être versée, parce que la tête est comme le siècle où aboutissent tous les sens intérieurs et extérieurs. L'Église admet trois façons d'administrer le baptême : par immersion, par infusion, par aspersion.

     Le baptême par immersion était le plus usité dans les premiers siècles de l'Église et jusqu'au XIVe siècle : le prêtre et le parrain si le baptisé était un homme, le prêtre et la marraine si c'était une femme, le tenant par la main, descendaient avec lui les marches des fonts sacrés ; de dessus la dernière, ils le plongeaient trois fois dans l'eau salutaire en l'honneur des trois personnes de la sainte Trinité.

     Le baptême par infusion est seul en usage parmi nous ; il était déjà connu dans les premiers siècles, et on l'administrait de la sorte quand il y avait impossibilité de plonger le baptisé dans l'eau.

     Enfin, le baptême par aspersion a lieu dans le cas de nécessité. Peu importe au reste qu'on fase une ou trois ablutions, le baptême avec une ou plusieurs ablutions a toujours été regardé comme valide, mais il faut observer le rite prescrit par l'Église.

     On distingue trois sortes de baptêmes : le baptême d'eau, c'est le sacrement ; le baptême de feu, c'est le désir de recevoir le sacrement ; le baptême de sang, c'est le martyre. Le second et le troisième ne sont pas des sacrements; on les appelle baptêmes, parce qu'ils purifient l'âme de ses péchés, et suppléent le défaut du sacrement lorsqu'on ne peut le recevoir.

     Ministre. Les ministres sont les évêques et les prêtres. Dans les premiers siècles de l'Église c'était ordinairement l'évêque qui administrait solennellement le baptême, surtout à Pâques et à la Pentecôte ; il se paraît de ses habits les plus magnifiques ; toute l'Église jeûnait pour attirer les regards favorables du Seigneur sur les catéchumènes. Ces usages disparurent lorsque, le nombre de personnes à baptiser augmentant, on dut administrer le sacrement tous les jours et à toutes les heures.

     En cas de nécessité, le baptême peut être administré, mais sans cérémonie, par toute personne, homme ou femme, de quelque religion qu'elle soit, pourvu qu'en baptisant elle ait l'intention de faire ce que fait l'Église catholique quand elle administre ce sacrement.

     L'usage de donner des parrains et des marraines à ceux qui se présentent pour recevoir le baptême remonte au commencement de l'Église : les parrains et marraines présentaient les catéchumènes, les surveillaient pendant leur catéchuménat, les recevaient au sortir des fonts sacrés, en répondaient à l'Église et se rendaient garants de leur foi; c'est pour cela qu'on les nommait répondants et cautions. Plus tard on leur a donné le nom de parrains et marraines, c'est-à-dire autres pères et mères, parce qu'ils concourent à la naissance spirituelle du baptisé.

     Rien de plus juste et de mieux justifié que de confier à la sagesse et aux soins de quelqu'un qui les forme à la pratique des vertus, ceux qui viennent de naître à Jésus-Christ ; il y a pour les parrains et marraines un véritable devoir, une sérieuse responsabilité, quoique la plupart n'y songent guère : les rapports entre eux leurs filleuls sont intimes et sacrés ; aussi c'est avec sagesse que l'Église a établi une affinité spirituelle entre celui qui baptise et celui qui est baptisé, entre le parrain ou la marraine et son filleul, de telle sorte que le mariage ne peut se contracter entre ces personnes.

     Notre-Seigneur institua le baptême lorsqu'il fut lui-même baptisé par S. Jean. Les Pères de l'Église nous l'enseignent lorsqu'ils disent que dans ce moment l'eau reçut la vertu de régénérer en donnant la vie spirituelle. Aussi ce fut au moment du baptême de Notre-Seigneur que la sainte Trinité tout entière, au nom de laquelle on confère le baptême, manifesta sa présence. La voix du Père fut entendue, la personne du Fils était présente, et le Saint-Esprit descendit en forme de colombe : Notre-Seigneur manifesta ensuite à Nicodème l'institution de ce sacrement lorsqu'il lui dit : Si quelqu'un ne renaît de l'eau et du Saint-Esprit, il ne peut entrer dans le royaume des cieux. L'obligation de recevoir le baptême pour être sauvé commença le jour où le Sauveur dit à ses apôtres : « Allez, enseignez toutes les nations, et baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit. »

     Les effets que produit le baptême sont admirables : il efface le péché originel et tous les péchés actuels qu'on a commis avant de le recevoir ; il remet toutes les peines dues aux péchés, de sorte que celui qui meurt immédiatement après son baptême entre sans délais dans le ciel ; il nous fait enfants de Dieu, héritiers de son royaume, cohéritiers de Jésus-Christ, et enfants de l'Église, c'est-à-dire qu'il nous met au nombre des fidèles, qu'il nous donne droit aux sacrements, et nous fait participer à tous les autres biens de l'Église.

     L'Église ne demande des enfants qui n'ont pas l'âge de raison aucune disposition pour leur administrer le baptême ; elle leur prête son cœur et sa bouche parce qu'ils ne peuvent pas encore croire de leur propre cœur pour être justifiés, ni confesser de leur propre bouche pour être sauvés ; aux adultes elle demande leur consentement, la foi, la connaissance des choses nécessaires à croire, la douleur sincère de leurs péchés.

     Quant aux obligations que nous contractons au baptême, elles sont fondées sur les promesses que nous y faisons à Dieu, et sur les dons qu'il nous fait, et consistent à demeurer perpétuellement attachés à Jésus-Christ, à rester toujours unis à l'Église, à renoncer à tout ce qui est contraire à la vie que doivent mener les enfants de Dieu. Il est fort utile de renouveler les promesses du baptême pour s'exciter à les accomplir et pour réparer les fautes qu'on a faites contre ses vœux solennels.

     C'est un article de foi que nul ne peut être sauvé, c'est-à-dire voir Dieu face à face dans le ciel, s'il n'est pas baptisé. Les paroles du Sauveur sont formelles. Telle fut aussi dans tous les siècles la doctrine invariable de l'Église, proclamée dans le concile de Trente. « Si quelqu'un prétend, dit l'auguste assemblée, que le péché d'Adam, unique dans son principe, mais commun à tous et propre à chacun par transmission, et non point par une simple imitation, est effacé par des effets humains ou par tout autre moyen que par les mérites seuls du médiateur unique Notre-Seigneur Jésus-Christ qui nous a réconciliés avec Dieu dans son sang, en devenant notre justice, notre sanctification et notre rédemption ; ou s'il nie que les mérites mêmes de Jésus-Christ sont appliqués aux enfants et aux adultes par le sacrement du Baptême, conféré suivant les formes usitées dans l'Église, qu'il soit anathème ! »