vendredi 23 mars 2012

Fragment sur la Providence



  


e succès ici-bas n'appartient pas toujours aux justes, et il ne justifie jamais le coupable, voilà la vérité. Après l'avoir constaté, après avoir établi fermement qu'il faut estimer les choses humaines par la morale et non par le profit, il est consolant de pouvoir ajouter, qu'en thèse générale et malgré des exceptions éclatantes, c'est la cause juste qui réussit. La Providence permet parfois le triomphe du mal pour que nous ne puissions douter de la vie à venir (déjà qu'avec toutes ses misères, les hommes ne cessent pas de s'enchaîner au monde, alors sans...), et pour que nous apprenions à nous attacher uniquement à la justice et non pas à ses récompenses (tel est le propos global du Livre de Job), mais gardons-nous de prendre l'exception pour la règle et de fournir une excuse aux âmes faibles en proclamant le divorce éternel du succès et de la vertu. Ne disons pas que le succès a pour condition nécessaire l'injustice, afin de trouver dans cette prétendue nécessité le prétexte d'une nouvelle morale qui ne serait que la négation de la morale, car c'est là non seulement un crime contre la vertu, mais encore une bêtise.

       Le plus grand de tous les vaincus, n'est-ce pas Jésus-Christ crucifié ? Les fidèles, qui pleurent au pied de sa croix, croient-ils que tout soit fini avec sa mort ? ils pleurent, mais cette défaite est le plus grand de tous les triomphes de l'univers. La persécution des chrétiens commence à cette croix et dure quatre siècles dans ces prétoires où les apôtres sont traînés les mains liées, dans ces cachots où ils luttent contre la faim, dans ces arènes où on les expose aux bêtes, dans ces catacombes où ils cachent leurs mystères et leurs espérances ; croient-ils donc que le Christ vaincu parce qu'il mourut ? attendez encore et vous allez voir luire la première aurore de la victoire, qui sera saluée dans le monde par des cris de joie ; ce triomphe n'arrive qu'après plusieurs siècles, il coûte du sang, mais il est magnifique et il établit son règne sur toute la terre. Pareillement pour nous, à titre individuel ou collectif, les tribulations du siècle ne sont qu'un état temporaire, dont on ne saurait se plaindre, car cent ans de peines est un prix fort modeste pour une éternité de gloire. Celui qui sème dans la douleur récoltera dans l'allégresse !

jeudi 8 mars 2012

Tout est grâce !




Tout est grâce !


Quand l'été vient, le pauvre adore !
L'été, c'est la saison du feu
C'est l'air tiède et la fraîche aurore,
L'été, c'est le regard de Dieu.
L'été, la nature éveillée
Partout se répand en tous sens,
Sur l'arbre en épaisse feuillée,
Sur l'homme en bienfaits caressants.


Tout ombrage alors semble dire :
Voyageur, viens te reposer !
Elle met dans l'aube un sourire,
Elle met dans l'onde un baiser.
Elle donne vie et pensée
Aux pauvres de l'hiver sauvés,
Du soleil à pleine rosée,
Et le ciel pur qui dit : vivez.


Alors l'âme du pauvre est pleine :
Humble il bénit ce Dieu lointain,
Dont il sent la céleste haleine
Dans tous les souffles du matin.
L'air le réchauffe et le pénètre,
Il fête le printemps vainqueur,
Car l'oiseau chante à sa fenêtre,
La gaîté chante dans son cœur.


Alors si l'orphelin s'éveille
Sans toit, sans mère en priant Dieu,
Une voix lui dit à l'oreille :
« Eh bien, viens sous mon dôme bleu !
Viens j'ai des fruits d'or, j'ai des roses,
J'en remplirai tes petits bras ;
Je te dirai de douces choses
Et peut-être tu souriras.


Je voudrais te voir sourire,
Pauvre enfant si triste et si beau,
Et puis tout bas j'irai le dire
A ta mère dans son tombeau.
J'ai souvent pensé dans mes rêves
Que la nature du front sacré
Dédiait tout bas ses merveilles
A ceux qui l'hiver ont pleuré.


Pour tous et pour le méchant même
Elle est bonne, Dieu le permet,
Dieu le veut, mais surtout elle aime
Le pauvre que Jésus aimait !
A-t-il faim ? au fruit de la branche
Elle dit : — Tombe, fruit vermeil !
A-t-il soif ? — Que l'onde s'épanche !
A-t-il froid ? — Lève-ton, soleil !


Lorsqu'il est temps que l'été meure
Sous l'hiver sombre et solennel,
Même à travers le ciel qui pleure
On voit un sourire éternel,
Car sur les familles souffrantes
L'hiver, l'été, la nuit, le jour,
Avec des cornes différentes
Dieu verse à grands flots son amour.


Quand la nature paraît morte
De l'hiver sous la dure loi,
Du pauvre un ange ouvre la porte
Et lui dit en entrant : C'est moi !
Je suis la charité, l'amie
Qui se réveille avant le jour
Quand la nature est endormie,
Et que Dieu m'a dit : A ton tour !


Je viens visiter la chaumière
Veuve de l'été si charmant,
Je suis fille de la prière,
J'ai des mains qu'on ouvre aisément,
J'accours, car la saison est dure !
J'accours, car l'indigent a froit !
J'accours, car la tiède verdure
Ne fait plus d'ombre sur le toit.


Je prie, et jamais je n'ordonne.
Chère à tout homme, quel qu'il soit,
Je laisse la joie à qui donne
Et je l'apporte à qui reçoit.
O figure auguste et modeste
Où le Seigneur mêle pour nous
Ce que l'ange a de plus céleste,
Ce que la femme a de plus doux.

Poème anonyme.