mercredi 24 octobre 2012

L'Orpheline à la Sœur supérieure




     Le bon Dieu m'a repris ma mère !
Oh ! ma douleur alors fut bien amère,
     Et rien ne pouvait la calmer;
     Car, dans mon berceau solitaire,
Je disais en pleurant : Je n'ai plus sur la terre,
Non, je n'ai plus plus personne à présent pour m'aimer !
Je suis toute petite, et faible, et si timide !
Et je n'ai plus d'appui, plus d'ami, plus de guide !
Seule dans la maison, seule sur le chemin,
A la triste orpheline, à l'enfant délaissée,
Qui donnera des soins, des caresses, du pain ?...
Oh ! ma mère, en partant pourquoi m'as-tu laissée !...
Mais tout à coup, du ciel, vers moi tendant la main,
     Je vis descendre un ange de lumière,
Mon bon ange peut-être, ou celui de ma mère :
Son sourire était plein d'amour et de douceur ;
Son front resplendissait de grâces immortelles ;
Il me prit dans ses bras, me pressa sur son cœur,
Comme un ramier céleste, il déploya ses ailes,
     Et puis, d'un vol rapide et doux,
     Vint me poser sur vos genoux...
Moi d'abord, j'eus grand' peur. La surprise et la crainte
Faisaient couler mes pleurs et redoublaient ma plainte.
Mais quand, sur votre sein, dans vos bras caressants
Je me dis : C'est ma mère ! Oh ! je l'ai reconnue !
Aux cris de son enfant, la voilà revenue !
Ce ne sont plus ses traits, son visage chéri,
Mais voilà bien ses yeux qui toujours m'ont souri;
Sa voix redit mon nom, son regard me caresse...
Mère ! oh ! j'ai retrouvé ton cœur et ta tendresse !
Souvent je pleure encore, et quand, pour m'apaiser,
Vers mon front votre bouche en souriant s'incline,
     Je sens bien sous votre baiser,
     Que je ne suis plus orpheline.


Auteur inconnu

lundi 22 octobre 2012

Sonnet de sainte Thérèse




Ce qui fait, ô mon Dieu ! que mon âme s'élance
Ardemment jusqu'à toi, sans cesse, chaque jour,
Non, j'ose l'affirmer, ce n'est point l'espérance
De l'immense bonheur promis à notre amour.

Ce qui fait que je crains d'oublier la défense
De laisser le péché pénétrer dans mon cœur,
De commettre envers toi la plus légère offense,
Ce n'est point la frayeur de l'éternel malheur.

Non, non, c'est de te voir, l'œil mourant, le front blême,
Attaché sur la croix, buvant le fiel amer,
Le corps ensanglanté, transpercé par le fer.

Oh ! mortelle agonie ! oh ! dévouement suprême !
Je te craindrais, mon Dieu, ne fût-il pas d'enfer,
Et point de paradis, je t'aimerais de même.

dimanche 14 octobre 2012

Universalité et sagesse du Christianisme





e Christianisme, n'étant pas d'institution humaine, vit en paix avec le peuple et avec César, s'accommode aux monarchies comme aux oligarchies et aux démocraties : les empires ont trouvé en lui leur appui le plus ferme, il n'a rien ôté à la vertu des républiques. Il fait des sujets ou des citoyens, nulle part des démagogues ou des esclaves. Il coupe dans sa racine l'orgueil de ceux qui commandent, il ennoblit l'obéissance, en rattachant l'obéissance à sa source la plus haute ; mais aussi il enseigne à tous le prix de l'homme, la dignité de son origine, la valeur de son âme rachetée, la promesse de l'avenir, et tout ce vaste et fécond enseignement se résume en un seul germe et comme en un seul mot : Jésus-Christ. D'un bout du monde à l'autre, partout où règne la religion du Christ, il faut admirer la résignation qui sait souffrir et mourir, le courage qui sait parler et protester, la soumission sans la servilité, la liberté sans licence et sans orgueil, le même amour de Jésus-Christ inspirant le même amour de l'humanité, élevant toutes les vertus à ce degré que les anciens nommaient la sagesse et qu'ils croyaient au-dessus de nos efforts, que les chrétiens nomment la sainteté, le plus beau et le plus grand des spectacles que puisse voir l'œil de l'homme, le plus beau fruit de l'Église et de ses enseignements.

Petites lectures, 1870-1875

dimanche 7 octobre 2012

Les origines des Croisades



ès les premiers siècles de l'Église, l'usage s'était introduit parmi les chrétiens de faire des pèlerinages à la terre-sainte. Les bénédictions du Ciel semblaient accordées à ceux qui visitaient le Calvaire, le tombeau de Notre-Seigneur Jésus-Christ, et renouvelaient leur baptême dans les eaux du Jourdain. Sous le règne de Constantin, l'ardeur des pèlerins s'accrut encore parmi les fidèles. Ils accoururent de toutes parts pour suivre les traces de leur Dieu dans cette ville de Jérusalem, qui venait de reprendre son nom et que la piété d'un empereur avait fait sortir de ses ruines. Le Saint Sépulcre s'offrit aux regards des pèlerins entouré d'une magnificence qui redoubla leur vénération ; une caverne obscure était devenue un temple de marbre pavé de pierres brillantes et décoré de pompeuses colonnades. Constantin célébra la trente et unième année de son règne par l'inauguration d'une église où des milliers de chrétiens vinrent entendre le panégyrique de Jésus-Christ par le saint évêque Eusèbe.

     Sainte Hélène, mère de l'empereur, se rendit à Jérusalem dans un âge avancé, et fit élever des églises et des chapelles sur le mont Thabor, dans la ville de Nazareth et dans la plupart des lieux sanctifiés par la présence et les miracles de Notre-Seigneur : nouvel attrait pour la piété chrétienne. Les pèlerins devinrent même si nombreux que plusieurs Pères de l'Église crurent devoir en signaler les dangers.

     Cette paix fut troublée pour la première fois sous le règne d'Héraclius, empereur d'Orient. Les Perses envahirent la cité sainte, mais l'empereur, après dix années de revers, triompha des ennemis du christianisme et de l'empire ; on vit alors ce monarque ramenant à Jérusalem les chrétiens dont il avait brisé les fers, marcher pieds nus, et porter sur ses épaules jusqu'au sommet du Calvaire le bois de la vraie croix, qu'il regardait comme le plus glorieux trophée de ses victoires. C'est cette imposante cérémonie que l'Église rappelle tous les ans le 14 septembre dans une fête connue sous le nom d'Exaltation de la sainte Croix.

     Cette joie ne fut pas de longue durée ; vers le commencement du VIIe siècle, une religion nouvelle prêchée par Mahomet s'était élevée ; ennemie de toutes les autres, elle enseignait la domination par la guerre, elle promettait le paradis à ceux qui se précipitaient sur l'ennemi.

     Les conquêtes des compagnons et des successeurs de Mahomet furent rapides ; maîtres de la Perse, de la Syrie, ils s'emparèrent de l'Égypte, plantèrent leur étendard sur les ruines de Carthage. Constantinople se vit en péril de tomber sous leurs coups ; Jérusalem fixa leurs regards, les soldats d'Omer vinrent l'assiéger, et, après une défense de quatre mois, après avoir souffert les maux les plus cruels, les habitants furent obligés de se rendre. L'église du Saint-Sépulcre fut profannée ; le calife fit élever une mosquée à la place où avait été bâti le temple de Salomon ; les fidèles furent chassés de leurs maisons, insultés dans leurs églises ; une ceinture de cuir qu'ils ne pouvaient plus quitter était la marque de leur servitude.

     Tant de persécutions n'arrêtèrent pas les pèlerins. La vue de la ville sainte soutenait leur courage en même temps qu'elle enflammait leur dévotion ; il n'était point de maux, point d'outrages qu'ils ne supportassent avec résignation, en se rappelant que Jésus-Christ avait été chargé de chaînes et qu'il était mort sur la croix dans les lieux qu'ils allaient visiter.

     Parmi les fidèles d'Occident qui arrivèrent en Asie au milieu des conquêtes des musulmans, l'histoire a retenu le nom de S. Antonin de Plaisance.

     Les papes firent des efforts et convoquèrent des conciles pour préparer la délivrance de Jérusalem, mais la gloire de réaliser ce grand projet était réservée à un simple ermite français.  Le bruit des pèlerinages fit sortir de sa retraire Pierre l'Ermite. Il visita les lieux saints, et son zèle s'enflamma. Après avoir reçu les encouragements du patriarche Siméon dont il partagea les larmes, il traversa l'Italie et la plus grande partie des États voisins, embrassant tous les cœurs de l'ardeur dont il était dévoré. Il voyageait monté sur une mule, un crucifix à la main, les pieds nus, la tête découverte, le corps ceint d'une grosse corde, couvert d'un long froc et d'un manteau d'ermite, de l'étoffe la plus grossière ; il rappelait la profanation des lieux saints, et le sang des chrétiens versé dans les rues de Jérusalem ; il invoquait tour à tour les saints, les anges ; il s'adressait à la montagne de Sion, à la roche du Calvaire, au mont des Oliviers, il avait la ferveur d'un apôtre et le courage d'un martyr. Partout il était accueilli comme un envoyé de Dieu ; et à sa voix, avec la seule puissance de son caractère et de sa foi, la croisade devint la grande passion de cet âge. L'appel du pape Urbain II retentit dans toute l'Europe, et des prédicateurs ambulants relayèrent son message aux carrefours de tous les chemins. L'artisan vendait son métier, le seigneur son château ; Dieu le veut, tel fut le cri général ; les femmes, les enfants, les vieillards, qui ne pouvaient se ranger parmi les croisés, les encourageaint en répétant : « Saint Sépulcre ! Jérusalem ! Jérusalem ! » Ce qu'on aura peine à croire, les voleurs, les brigands quittaient leurs repaires, venaient confesser leurs forfaits, et promettaient, en recevant la croix, d'aller les expier dans la Palestine.

     Notre siècle, froid et indifférent pour ce qui n'est pas intérêt matériel, infidèle d'ailleurs à toutes les croyances et à toutes les convictions, ne comprend par un pareil enthousiasme et cherche les causes de la croisade dans le contexte économique et démographique de l'époque. Le mouvement prodigieux des croisades peut, il est vrai, trouver une partie de son explication dans les circonstances politiques et dans les mœurs du Moyen-Âge ; ces guerres n'ont pas été à l'abri d'excès et de désordres, mais ce serait de la malhonnêteté de ne pas reconnaître avec respect les conséquences d'une foi profonde, d'un dévouement ardent, d'un esprit chevaleresque plein de grandeur et de noblesse, dans cet entraînement des enfants du Christ courant combattre les infidèles persécuteurs de leur religion.