mardi 3 janvier 2012

La femme, le Christianisme et le Moyen-Âge.

La Femme, le Christianisme et le Moyen-Âge.





'entrée de l'abominable théorie du « gender » dans l'enseignement scolaire français, considérant comme secondaire la distinction masculin-féminin parmi le genre humain, est l'une des conséquences empoisonnées du féminisme libertaire de la fin du siècle dernier. Dans un monde où la Vérité n'a plus sa place et où l'on cherche à détruire des consciences les différences naturelles qui font les hommes et les femmes, l'Église serait-elle rétrograde ? Il faut dire que sa distinction, fondée sur les textes révélés, entre les sexes, son primat donné à la masculinité dans certains domaines, la dimension paternelle de beaucoup de ses fonctions ne la placent pas « dans le vent » ( mais le proverbe alsacien ne dit-il pas que "Seuls les poissons morts nagent avec le courant"? ).


      Pourtant, quelle est la religion, l'institution la plus favorable à la femme et à la véritable féminité ? Entre l'aliénation islamique et la suicidaire « émancipation » féministe, l'Église occupe le juste milieu, sommet d'excellence entre pentes inverses. Combien de femmes n'a-t-Elle pas placées sur les autels ? Aucune civilisation n'a davantage reconnu et honoré la gent féminine que la Chrétienté. Elle a fait de la maternité une fonction sainte et sacrée. Elle a protégé et consacré la virginité, faisant de la chasteté une vertu très féconde. Elle a éduqué, instruit la jeunesse féminine sur le modèle de la « femme forte » du Livre des Proverbes, avec toute la grâce du Cantique des Cantiques et la candeur du livre de Ruth, et lui a montré comme modèle la plus excellente des créatures, la plus belle, la plus pure, la plus parfaite : une femme, la Très Sainte Vierge Marie.

      Sans prétendre faire le tour de la question, le présent article consacre son thème à la femme dans la Chrétienté médiévale et à l'influence que le Christianisme exerça en sa faveur dans l'Histoire, et plus particulièrement au cours du Moyen-Âge ; afin de non seulement dissiper quelques clichés contemporains véhiculés par l'air du temps, mais encore, à l'heure où l'on tend à vouloir transformer les femmes en hommes par la négation de leurs singularités, pour rendre un hommage à la femme, et particulièrement à la femme chrétienne, de tout temps le secours irremplaçable de l'homme et l'alliée indéfectible de l'Évangile et de la vraie foi. 

      Ces quelques lignes n'ambitionnent pas de traiter d'ontologie, de théologie ou de doctrine, mais simplement d'exposer quelques faits et personnages historiques significatifs. Pour cela, elles s'appuient principalement sur la très intéressante étude de Régine Pernoud : « La femme au temps des cathédrales », ainsi que sur quelques idées puisées dans l'ouvrage de référence de Jean Chélini : « Histoire religieuse de l'Occident médiéval ». Voir aussi le N° 279 de la revue Una Voce, consacrée elle aussi à la femme en Chrétienté.


Introduction — La femme dans le monde païen.


      Pour mieux apprécier la spectaculaire restauration de la dignité de la femme opérée dès le haut Moyen-Âge par l'intermédiaire du Christianisme, il est bon de savoir ce qu'était la condition féminine en Occident, c'est-à-dire dans le monde romain, au Ier siècle de notre ère : juristes et historiens du droit nous renseignent avec une parfaite clarté à ce sujet.
   
      En ce qui concerne la femme, l'essentiel de ce droit romain a été lumineusement exposé par le juriste Robert Villiers : « A Rome, la femme, sans exagération ni paradoxe, n'était pas sujet de droit... Sa condition personnelle, les rapports de la femme avec ses parents ou avec son mari sont de la compétence de la domus dont le père, le beau-père ou le mari sont les chefs tout-puissants... La femme est uniquement un objet. » Même lorsque, sous l'Empire, sa condition s'améliore, le pouvoir absolu du  père se faisant un peu moins rigoureux, les historiens constatent : « L'idée qui prévaut chez les juristes de l'Empire – et ils ne font qu'exprimer sur ce point le sentiment commun des Romains –  est celle d'une infériorité naturelle de la femme. » Aussi bien la femme n'exerce-t-elle aucun rôle officielle dans la vie politique et ne peut-elle remplir aucune fonction administrative : ni dans l'assemblée des citoyens, ni dans la magistrature, ni dans les tribunaux. La femme romaine n'est cependant pas confinée dans le gynécée comme l'était la femme grecque, ni comme le sera plus tard la femme dans les civilisations islamiques, claquemurée dans un harem ; elle peut prendre part aux fêtes, aux spectacles, aux banquets, encore qu'elle n'ait pas d'autres droits que celui d'y être assise, alors que la coutume veut que l'on mange couché à l'époque. Dans les faits, le pouvoir du père quant au droit de vie et de mort sur ses enfants reste entier : sa volonté, par exemple pour le mariage de sa fille, demeure « très importante » ; en cas d'adultère, lui seul a le droit de tuer la fille infidèle, l'époux n'ayant que le droit d'occire son complice ; l'adultère du fils, en revanche, ne sera sanctionné que sous le Bas-Empire par la restitution de la dot de la femme.
 

      Somme toute, la femme, pas plus que l'esclave, n'existe à proprement parler au regard du droit romain. Les adoucissements à la condition féminine n'interviennent donc que tardivement, sous l'Empire et surtout le Bas-Empire, et ce n'est aussi que durant cette dernière période qu'on prévoit pour elle quelques sanctions en matière de rapt ou de viol.



I — L'influence de l'Évangile sur les femmes au cours des premiers siècles.
 


« Il est universellement admis – et cela même par ceux qui ont une attitude critique à l'égard du message chrétien – que le Christ s'est fait auprès de ses contemporains l'avocat de la vraie dignité de la femme et de la vocation que cette dignité implique. » (MD 12)


      C'est un événement décisif qui se produit dans le destin des femmes avec la prédication de l'Évangile. Les paroles du Christ, prêchées par les apôtres à Rome et dans les diverses parties de l'Empire, ne comportaient pour la femme aucune mesure de « protection », mais énonçaient de la façon la plus simple et la plus bouleversante l'égalité foncière entre l'homme et la femme : « Quiconque répudie sa femme et en épouse une autre commet un adultère à l'égard de la première ; et si une femme répudie son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère. » (Mc X, 11-12 ; Mt XIX, 9). A cette équation très catégorique qui avait provoqué dans l'entourage de Jésus une stupeur indignée – (« si telle est la condition de l'homme vis-à-vis de la femme, mieux vaut ne pas se marier ! ») – s'ajoutaient de multiples traits rapportés par les Évangiles : c'était à une femme que le Christ avait d'abord fait la révélation, importante entre toutes, de la vie nouvelle : adorer Dieu en esprit et en vérité ; il avait refusé de condamner la femme adultère, lui disant simplement « Va et ne pèche plus », et c'était à des femmes qu'il était d'abord apparu après sa résurrection.

      Dans les épîtres de Saint Paul, et plus particulièrement dans la première épître aux Corinthiens, au chapitre VII, on remarque systématiquement dans le texte des parallèles, des symétries (comme dans l'Évangile) entre l'homme et la femme, qui souligne l'égale dignité de la femme et de l'homme : « ...que chacun ait sa femme, / et que chaque femme ait son mari. » (verset 2) ; « Que le mari rende à sa femme ce qu'il lui doit, / et que la femme agisse de même envers son mari. » (3) ; « La femme n'a pas puissance sur son propre corps, mais le mari; / pareillement le mari n'a pas puissance sur son propre corps, mais la femme. » (4) ; « ...si elle en est séparée, qu'elle reste sans se remarier ou qu'elle se réconcilie avec son mari; / pareillement, que le mari ne répudie point sa femme. » (11) ; « Aux autres, je dis, moi, non le Seigneur: Si quelque frère a une femme qui n'a pas la foi, et qu'elle consente à habiter avec lui, qu'il ne la renvoie point; / et si une femme a un mari qui n'a pas la foi, et qu'il consente à habiter avec elle, qu'elle ne renvoie point son mari. » (12-13) ; « Car le mari infidèle est sanctifié par la femme, / et la femme infidèle est sanctifiée par le mari. » (14) ...etc.


      « Il n'y a plus ni Juif ni Grec; il n'y a plus ni esclave ni homme libre; il n'y a plus ni homme ni femme: car vous n'êtes tous qu'une personne dans le Christ Jésus. » Galates III, 28

      Cette attitude, cet enseignement sans précédent vont avoir une première conséquence qu'illustre la remarque faite par le P. Georges Naïdenoff.
      Ayant relevé dans le Petit Larousse les noms cités pour les IIe et IIIe siècles de notre ère, il trouve beaucoup plus de femmes que d'hommes dans sa liste. Parmi les noms d'hommes, avec celui de Plotin, de l'écrivain Aulu-Gelle et du grand Origène, le dictionnnaire ne mentionne guère que celui de saint Sébastien ; en revanche, il nomme vingt et une femmes, dont Zénobie, reine de Palmyre, et Faustine, femme de l'empereur Antonin ; les dix-neuf autres sont des saintes, des femmes que l'Église a mises sur les autels. Cette abondance de noms féminins, qui ont subsisté pour le grand public quand disparaissaient ceux des éphémères empereurs de ces deux siècles, souligne l'importance de ces saintes, presque toutes des jeunes femmes, des jeunes filles mortes pour affirmer leur foi. Agathe, Agnès, Cécile, Lucie, Catherine, Marguerite, Eulalie, et tant d'autres auront donc – et nous chercherions vainement leur équivalant dans le monde antique – survécu dans la mémoire des hommes.

      En bref, entre le temps des Apôtres et celui des Pères de l'Église, pendant ces trois cents ans d'enracinement, de vie souterraine que résume l'image des « catacombes », de qui est-il question dans l'Église ? Des femmes. Ce sont des femmes que l'on célèbre. Dans la page fameuse des martyrs de Lyon, Blandine est présente à côté de l'évêque smyrniote saint Pothin ; une telle attention portée à une fille qui n'était qu'une esclave et par conséquent aurait pu être mise à mort sur l'ordre de son maître devait être bien choquante pour les milieux païens. Plus choquante encore, la revendication de filles comme Agnès, issue d'une famille patricienne, ou Cécile ou Lucie ou tant d'autres, que leur légende a certes auréolées, mais dont nous savons en toute certitude qu'elles furent dans leur monde et dans leur milieu des « rebelles » pour Dieu et l'Évangile. Que prétendaient-elles en effet ? Refuser l'époux que leur père leur destinait et garder la virginité « en vue du royaume de Dieu. »

       Nous mesurons mal aujourd'hui ce que leurs revendications avaient en leur temps d'anormal, voire de monstrueux : à Rome la patria potestas, le pouvoir du père, était absolu, nous l'avons vu, sur la famille et notamment sur les enfants à leur naissance. Si le père était tenu de conserver à la naissance les enfants mâles en raison des besoins militaires (sauf s'ils étaient mal formés ou jugés trop chétifs), il ne gardait en général qu'une seule fille, l'aînée ; c'est tout à fait exceptionnellement qu'on voit mention de deux filles dans une famille romaine. Et il est significatif que chaque garçon reçoive un praenomen (prénom), marque de personnalité qui le distingue de ses frères, tandis que la fille, l'aînée généralement, ne porte qu'un nom, celui de la famille paternelle. Ces filles que leur père n'avait donc laissé vivre à leur naissance que dans un geste de bonté, ou dans le souci de perpétuer la famille, voilà qu'elles désobéissaient à ses ordres, qu'elles refusaient le mariage en vue duquel la vie leur avait été conservée, qu'elles affichaient avec arrogance une volonté propre que toute la société leur déniait.



       Ce n'est que vers l'an 390, à la fin du IVe siècle, que la loi civile retire au père de famille le droit de vie et de mort sur ses enfants. Avec la diffusion de l'Évangile, disparaissait la première et la plus décisive des discriminations entre les sexes : l'élimination des filles à la naissance. Dès ce moment, la vision chrétienne de l'homme, le respect de la vie proclamé par la Bible, par l'Évangile, sont suffisamment entrés dans les mœurs pour que s'implante peu à peu le respect de la personne, qui pour les chrétiens s'étend à toute vie, même – et c'est presque paradoxal à l'époque – à celle de l'enfant né ou à naître. En effet comme l'écrit l'un des derniers historiens de la question : « la juridiction antique est implacablement logique avec elle-même. Le droit à l'infanticide est un des attributs de la patria potestas. Un père peut refuser l'enfant que la mère vient de mettre au monde, à plus forte raison peut-on lui reconnaître des droits sur un embryon., embryon qui n'a aucun qualité juridique, n'est même pas considéré comme humain. » Ce qui, en certains points, est étrangement commun avec notre époque,  « très évoluée ». On peut méditer sur cette question : serions-nous retourné, en matière de « bio-éthique », aux mœurs de l'Antiquité ?


       La société antique avait toujours honoré plus ou moins le couple et reconnu sa fonction sociale ; en vertu de cette fonction, l'épouse, la mère jouissaient d'un respect indéniable. Mais le Christ avait assorti sa déclaration sur l'égalité totale de l'homme et de la femme dans leurs relations réciproques d'une petite phrase énigmatique : « Il y a des eunuques qui sont nés dans le sein de leur mère, il y a des eunuques qui le dont devenus par l'action des hommes et il y a des eunuques qui se sont eux-mêmes rendus tels en vue du royaume des cieux » (Mt XIX, 12). Or, les femmes semblent avoir très tôt compris par cette phrase, et ce dès les premières prédications de l'Évangile, que la liberté de choix leur était octroyée. Ce dont elles n'avaient jamais joui, ce qu'aucune loi de l'imposant appareil législatif de la République et de l'Empire ne prévoyait, l'Évangile le leur donnait. Elles avaient le droit de faire un choix pour leur existence. Cette liberté-là, elles ont aussitôt saisi qu'elle valait d'être acquise, fût-ce au prix de leur vie. Prononcer librement le vœu de virginité revenait à proclamer la liberté de la personne et son autonomie de décision. Ces jeunes femmes, ces jeunes filles qui meurent parce qu'elles ont fait un choix libre et se sont vouées à un époux autre que celui qu'on leur destinait fondent l'autonomie de la personne. Les femmes furent les premières à en bénéficier.

       D'autre part, on est frappé du dynamisme, de la capacité d'invention de ces femmes que l'Évangile a libérées. Un exemple est frappant : celui de Fabiola, qui inventa les hôpitaux et les xenodochion, des centres d'hébergement pour pèlerins. Il convient aussi de signaler les deux Mélanie, l'ancienne et sa petite-fille, Mélanie la jeune ; celle-ci, héritière des immenses domaines de sa grand-mère dans la province d'Afrique, les  distribua avec son mari Pinien à leurs esclaves (plus d'un millier) ; Pinien devint évêque sur les pas de saint Augustin, et Mélanie se retira en Terre sainte où sa grand-mère avait fondé une communauté de pieuses femmes à Jérusalem. Au IVe siècle, on en retrouvera groupées autour de saint Jérôme où l'on y découvre les bases de la culture religieuse féminine. En effet, le monastère fondé à Bethléem où se sont retrouvées Paula, Eustochium et leurs compagnes est un véritable centre d'étude. Une tradition de savoir va s'établir, dont le point de départ est ce premier monastère de Bethléem. Les monastères d'hommes rassembleront plutôt des êtres désireux d'austérité, de recueillement, de pénitence, les monastères de femmes, à l'origine, ont été marqués par un intense besoin de vie intellectuelle en même temps que spirituelle.

       A considérer la vie de l'Église dans les perspectives de ce qu'elle fut à l'époque féodale, on constate que les femmes en ont été les auxiliaires sans doute les plus dévouées, les plus ardentes. Et il est curieux de trouver en germe par ces femmes qui agissent avec un tel esprit d'invention aux IVe et Ve siècle ce qui va caractériser la civilisation féodale : à travers Fabiola qui crée les premiers hôpitaux, Mélanie qui abolit l'esclavage dans ses domaines, Paula qui veille à sa propre instruction et à celle des filles groupées autour d'elle, on discerne les éléments de la vie domaniale, le début des monastères où s'épanouira une haute culture, ceux de la chevalerie où la double influence de l'Église et de la femme contribueront à faire l'éducation du « guerrier », à lui inculquer l'idéal du prince lettré et le souci de la défense du faible.



II — Les femmes et la naissance de la France.

      C'est avec l'arrivée d'une femme que notre histoire devient l'histoire de France. Clovis, roi des Francs Saliens qui, originaires des environs de Tournai, ont conquis une bonne partie du nord de la Gaule, envoie cherche à Genève, pour en faire son épouse, Clotilde, nièce de Gondebaud, roi des Burgondes. « A l'occasion d'une des nombreuses ambassades envoyées par Clovis en Burgondie », écrit Grégoire de Tours, « ses envoyés rencontrèrent la jeune Clotilde. Ils informèrent Clovis de la grâce et de la sagesse qu'ils constatèrent en elle et des renseignements qu'ils avaient recueillies sur son origine royale. Sans tarder, il la fit demander en mariage à Gondebaud ; celui-ci […] la remit aux envoyés, qui se hâtèrent de l'amener à Clovis. A sa vue, le roi fut enchanté et l'épousa, bien qu'une concubine lui eût déjà donné un fils, Thierry. »

      Jusque là, l'histoire de l'Occident avait été très masculine. Avec Clotilde, la présence de la femme se fait évidente, et son influence certaine ; cette jeune fille, qui vient du territoire des Helvètes, est de famille royale ; ses parents règnent sur la Burgondie (notre future Bourgogne). Tous les historiens ont relevé le rôle capital qu'elle joue en obtenant de son époux païen qu'il se convertisse à la foi chrétienne. Le baptême de Clovis reste le premier jalon de notre histoire. Or c'est une femme qui l'a obtenu. Décision essentielle dans la mesure où l'ensemble du peuple sur lequel Clovis, par ses victoires successives, va peu à peu exercer une suprématie, est chrétien. En se faisant baptiser, Clovis s'est concilié les évêques et à travers eux l'ensemble d'un peuple dont l'évangélisation avait été acquise dès le siècle précédent.
      Cette conversion a donc à la fois un caractère religieux et politique. Clotilde ne l'aura pourtant pas arraché sans peine.

      Grégoire de Tours nous fait part successivement de ses supplications, de ses échecs, des méfiances du roi. Ce n'est que plus tard, et après une épreuve personnelle où sa propre force s'est trouvée en échec, que Clovis invoquera « le Dieu de Clotilde » et demandera le baptême. Inutile de s'étendre sur cette scène mainte fois racontée, dont le premier abbé du Barroux écrira de lumineuses pages dans « Demain la Chrétienté », sinon pour souligner la présence de Clotilde auprès de la cuve baptismale où son époux est plongé, recevant l'onction et l'eau sainte des mains de l'évêque saint Rémi. A sa suite, Clovis aurait entraîné trois mille de ses guerriers. Les Francs Saliens deviennent dans l'ensemble chrétiens, et catholiques ; ils rejoignent par là le peuple qu'ils sont en train de se soumettre.

      Il importe de préciser que Clotilde est catholique : les chefs barbares qui ont soumis les divers territoires de notre Occident sont eux aussi chrétiens, qu'il s'agisse des Wisigoth installés au sud de la Loire, ou les Burgondes, mais ils sont ariens, c'est-à-dire qu'ils nient la divinité du Christ, donc sont hérétiques. Clotilde est, elle, catholique, à la différence de son oncle par exemple, et c'est l'adhésion à la foi catholique qu'elle obtient de son époux. Et leur peuple, à son tour, peut être personnifié par une femme, car Clovis ne tarde pas à choisir comme lieu de résidence préféré l'antique Lutèce, la cité des Parisiens.

      Or, s'il y a à Paris une personnalité célèbre, c'est bien la vierge de Nanterre, Geneviève. Née vers 422, Geneviève a près de soixante-dix ans au moment où Clotilde épouse Clovis, mais elle ne mourra qu'un an après Clovis lui-même, le 3 janvier 512, à quatre-vingt-neuf ans.

      Clotilde et Clovis rencontre Geneviève alors qu'elle mène, dans une petite maison proche de l'ancien baptistère de Saint-Jean-le-Rond, la vie des recluses – celle que nous appellerions des religieuses cloîtrées. Trois fois par jour, elle quitte sa demeure pour se rendre à l'église proche y chanter l'office. Vie tout de silence et de prière, de retraite et d'effacement : les recluses font un long carême de l'Épiphanie à Pâques, et l'on n'entend alors d'elles que le chant des psaumes, lorsqu'elles se réunissent à l'église. Pourtant Geneviève, en une circonstance, a élevé la voix ; c'était en 451 – elle avait vingt-huit ans – au moment où la population de Paris, affolée à l'approche des Huns, s'apprêtait à quitter la ville dans un de ces exodes lamentables que notre XXe siècle peut mieux qu'un autre imaginer. Les Huns sont des envahisseurs terrifiants, plus terrifiants encore que ceux que nous avons connus en notre temps ; ils font partie de ces Mongols contre lesquels les Chinois ont édifié la Grande Muraille ; devant eux avaient fui la plupart de ces « peuples barbares » qui au Ve siècle se répartissaient sur tout notre territoire, et c'est à la poussée des Mongols qu'on attribue leur vaste mouvement de migrations.

      A la suite d'Attila donc, les Huns se dirigeaient vers Paris, après avoir brûlé, le 10 avril précédent, veille de Pâques, la cité de Metz. Or, Geneviève, devant la porte de son baptistère, exhorte la population à ne pas fuir, promettant à tous que les Huns n'entreraient pas dans leur ville. La prophétie, sur le moment, parut si insensée que quelques-uns s'en prirent à Geneviève ; on menace de la jeter dans la Seine ; Geneviève tient tête, empêche la population de courir à ce qui eût été son propre désastre – et les événements lui donnent raison. Les Huns, repoussés devant Orléans et devant Troyes grâce à la résolution des évêques Aignan et Loup qui ont soutenu le courage des assiégés, sont définitivement vaincus dans cette bataille fameuse du Campus Mauriaci (sans doute Méry-sur-Seine). Dès lors, dans tous le monde connu, on parle de Geneviève... Jusqu'en Syrie : on sait de façon certaine que Siméon le Stylite, l'ermite à la colonne, a chargé des marchands syriens de saluer pour lui la vierge Geneviève, quand il parviendront à Paris.


III — Les femmes et la diffusion de la Vraie Foi.

     Il est extraordinaire de constater le rôle actif que les femmes jouent dans le domaine de l'évangélisation, en ce temps où l'Occident hésite entre paganisme, arianisme et foi chrétienne. Sous cette influence, Clovis s'était singularisé parmi les barbares en se faisant baptiser dans la communion avec Rome, alors qu'autour de lui Ostrogoths, Wisigoths, Vandales, Burgondes avaient embrassé l'hérésie d'Arius, laquelle, née deux siècles plus tôt, s'était propagée non seulement en Orient, à Byzance, où plusieurs empereurs l'avaient adoptée, mais encore en Occident parmi de vaste populations « barbares ».

      En ce VIe siècle, Clotilde n'est pas une isolée : en Italie, Théodelinde, une Bavaroise, qui épouse le roi lombard Agilulf, arien lui aussi, parvient à faire donner le baptême catholique à leur fils Adaloald ; la conversion de l'Italie du Nord à la foi chrétienne sera plus ou moins le prolongement de cette action d'une femme. En Espagne, le duc de Tolède, Léovigilde, restaure l'autorité royale et épouse en 573 la catholique Théodosia, qui le convertit au catholicisme. Précisions qu'elle a de qui tenir, puisqu'elle est la sœur de trois évêques. Quelque vingt ans plus tard, en 597, Berthe de Kent obtiendra en Angleterre du roi Ethelbert qu'il se fasse baptiser. Évoquant cette action des femmes à peu près simultanée dans notre Occident, Jean Duché remarquait avec un sourire : « Le mystère de la Trinité exercerait-il sur les femmes une fascination ?... En Espagne comme en Italie, comme en Gaule, comme en Angleterre, il fallait qu'une reine fût le fourrier du catholicisme. »

      C'est résumer un double fait de civilisation : à la fois l'entrée des femmes dans l'histoire lorsque se développe la foi chrétienne et le zèle qu'elles manifestent pour implanter celle-ci. Aux pays énumérés, il faudrait en effet ajouter la Germanie, où des religieuses ont été les ardentes auxiliaires de saint Boniface, et jusqu'à la Russie, où la première baptisée fut Olga, princesse de Kiev, tandis que plus tard les pays Baltes devront leur conversion à Hedwige de Pologne. Partout, on constate le lien entre la femme et l'Évangile si l'on suit, étape par étape, événements et peuples dans leur vie concrète. A se demander s'il n'y aurait pas là, en effet, plus qu'une coïncidence.


IV — Amour courtois et image de la femme au XIIe siècle.

     «Je tiens pour certain que tous les biens de cette vie sont donnés par Dieu pour faire votre volonté et celle des autres dames. Il est évident et pour ma raison absolument clair que les hommes ne sont rien, qu'ils sont incapables de boire à la source du bien s'ils ne sont pas mus par les femmes. Toutefois, les femmes étant l'origine et la cause de tout bien, et Dieu leur ayant donné une si grande prérogative, il faut qu'elles se montrent telles que la vertu de ceux qui font le bien incite les autres à en faire autant ; si leur lumière n'éclaire personne, elle sera comme la bougie dans les ténèbres (éteinte), qui ne chasse ni n'attire personne. Ainsi, il est manifeste que chacun doit s'efforcer de servir les dames afin qu'il puisse être illuminé de leur grâce ; et elles doivent faire de leur mieux pour conserver les cœurs des bons dans les bonnes actions et honorer les bons pour leurs mérites. Parce que tout le bien que font les êtres vivants est fait par l'amour des femmes, pour être loués par elles, et pouvoir se vanter des dons qu'elles font, sans lesquels rien n'est fait dans cette vie qui soit digne d'éloge. »


       Cette pétition de principe est lancée dans un ouvrage bien connu, reflétant parfaitement la mentalité du XIIe siècle, le Traité de l'amour d'André le Chapelain : ouvrage savant, rédigé en latin par un clerc ; ouvrage, ajoutons-le, assez déroutant pour nous. Nous abordons là une doctrine à travers laquelle peuvent être perçu, sentis, les mœurs et les coutumes d'une société, celle qui précisément a érigé en valeur absolue la courtoisie. Mais qu'est-ce donc que la courtoisie ? Que doit-on faire pour être « courtois » ?




      Une première fois – et c'est tout à fait significatif – une noble dame explique à un homme du peuple, donc de condition inférieure à elle, ce qu'il doit faire, quelle conduite tenir s'il veut mériter son amour. Ici se révèle pleinement la dame éducatrice de l'Occident, et sous un jour inattendu puisque dans la société féodale, qu'on sait par ailleurs très hiérarchisée, le premier énoncé des règles de la courtoisie se trouve précisément combler la distance entre la « haute dame » et l' « homme du commun ».



      La première des « œuvres de courtoisie », c'est ce que la dame appelle la largesse (la générosité). Entendons, bien sûr, générosité morale autant que matérielle : celui qui veut être un amant véritable selon les règles de courtoisie doit révérer son seigneur, ne jamais blasphémer Dieu ni les saints, être humble envers tous et servir tout le monde, ne dire du mal de personne (les médisants sont exclus des châteaux de courtoisie), ne pas mentir, ne se moquer de personne, surtout pas des malheureux, éviter les querelles, et faire son possible pour réconcilier ceux qui se disputent. On lui concède, en fait de distractions, le jeu de dés, mais avec modération : qu'il lise plutôt, qu'il étudie ou se fasse raconter les hauts faits des anciens. Il lui faut aussi être courageux, hardi, ingénieux. Il ne doit pas être l'amant de plusieurs femmes, mais le serviteur dévoué d'une seule. Il doit se vêtir et se parer de façon raisonnable, être sage, aimable et doux envers tous le monde.


      « Toute dame au monde, sage, courtoise, au cœur fidèle, et sincère en amour, ne posséderait-elle que son manteau, a droit aux soins attentionnés et à l'amour loyal d'un puissant prince ou châtelain. » Le lai d'Équitan.

      Plus loin, André le Chapelain continue de développer les règles et valeurs de la « courtoisie ». Il est aussi question d'avarice, de ce qu'on ne peut aimer une personne qu'on ne pourrait épouser, que celui qui aime doit en garder le secret, qu'un amour facile est méprisable, que la difficulté en augmente le prix...etc. L'auteur ne manque pas d'insister sur une aspect de l'amour courtois : à savoir que la noblesse véritable est celle des mœurs et des manières, et qu'elle vaut infiniment plus en courtoisie que celle de la naissance. L'essentiel, c'est de faire preuve de « probité ». C'est l'un des thèmes fondamentaux de la courtoisie que l'amour vrai affine l'homme et la femme et que les obstacles rencontrés ne font qu'exalter leur noblesse et leur valeur. De tout cela se dégage sur les relations entre l'homme et la femme toute une éthique qui est aussi une esthétique. Un code, dirait-on, si ce terme n'excluait cette sorte de raffinement, et aussi de mouvement, au-delà des règles ; ou encore un idéal qu'on pourrait qualifier de culturel.

      Le Traité de l'amour d'André le Chapelain est un guide très sûr pour connaître la courtoisie, ses exigences, ses préceptes et ses usages. Mais ce n'est pas, tant s'en faut, l'unique source.
      A parcourir les lettres du temps, on trouve, sous les formes les plus variées, de la poésie la plus haute aux simples divertissements, le témoignage de ce qui oriente toute une société, lui donne sa teinte originale, la marque comme un sceau. C'est encore et toujours la courtoisie, ou si l'on préfère la chevalerie



          Il ne fait pas de doute que ce « climat culturel » ait eu une influence sur l'image de la femme au sein de la société médiévale. Qui oserait affirmer, après ce qui a été dit, que de la femme on faisait au Moyen-Âge (cette abominable période réputée barbare par nos contemporains) peu de cas ? C'est bien au contraire l'époque du « culte de la dame ». On peut dire que trois mots au sens nouveau expriment la considération de la femme par la société médiévale :

      – L’hommage, qui renvoie traditionnellement aux rapports du vassal envers son seigneur devient une marque de considération spécifique envers la femme. Car tel est bien le trait essentiel de la courtoisie : née dans la société féodale, elle en est l'émanation. L'essence même du lien féodal, liant seigneur et vassal, était un engagement de fidélité réciproque, l'un offrant son aide, l'autre sa protection. Et c'est une semblable promesse qui unit le chevalier à la dame. Celle-ci est pour lui « le seigneur » ; il lui voue fidélité; toute sa vie, tous ses actes, tous ses poèmes lui seront offerts en hommage. Le terme « hommage » est aussi celui qui désigne le geste du vassal s'agenouillant devant le seigneur pour en recevoir le baiser qui symbolise la paix, et constitue un engagement d'amour mutuel. La dame est donc pour lui la suzeraine ; il s'abandonne à sa volonté et trouvera toute sa joie à l'accomplir, dût-il en souffrir.

      – Celle-ci est désormais appelée une dame (du latin « domina », la maîtresse).

« Dame chère, je me donne à vous. Ne me considérez pas comme votre roi, mais comme votre vassal et votre ami. Je vous assure, je vous jure que j'accomplirai vos volontés. Ne me laissez pas mourir d'amour pour vous. Soyez ma maîtresse, je serai votre serviteur, vous une dame altière et moi votre soupirant. » Ibid.

      – La courtoisie n’est plus un simple code de bonne conduite élémentaire, elle devient une forme de dévouement extrême, mâtiné d’une sentiment amoureux théoriquement platonique, qu’accomplît le chevalier au nom de l’honneur, à l’égard de la dame de ses pensées. Cette dame si haut placée dans l'esprit des poètes et des chevaliers inspire naturellement le respect. Mieux encore : une sorte de crainte révérencielle. Elle est inaccessible ; le poète s'humilie toujours devant elle, soit qu'il s'agisse effectivement d'une dame de haute noblesse, soit que le poète estime infranchissable la distance qui le sépare d'elle, en raison même de l'admiration qu'il lui a vouée.

      Pour conclure : « Il est certain que la passion amoureuse vivant d'une vie immortelle au sein même de la nature n'est restée étrangère à aucune race, à aucune nation. Mais la force mystérieuse qui a élevé la femme au rang d'une reine, qui a connu l'amour comme un art, comme une philosophie, comme une religion enfin, c'est l'élan de l'âme médiévale, c'est l'esprit même de l'Europe romane et chrétienne. »



V — Mariage chrétien et dignité de la femme.


     Après avoir parlé de l'amour au Moyen-Âge, il convient désormais de traiter du mariage dans la société féodale, car l'un ne va naturellement pas sans l'autre.

      C'est au Moyen-Âge, et plus précisément à partir de la restauration carolingienne (742-888), que se forme la doctrine du mariage chrétien, qui garde pour nous le même sens qu'il avait il y a des siècles.



     A trois reprises, l'Évangile proclame : « Que l'homme ne sépare pas ce que Dieu a uni » (Mt V, 31-32 ; XIX,3-9 ; Lc XVI, 18 ; Mc X, 2-12). La foi chrétienne, plus exigeante sur ce point que l'Ancien Testament, établissait donc la permanence de l'union de l'homme et de la femme dans une égalité totale et réciproque.

« Una lex de mulieribus et viris »

     L'Église au cours des temps aura donné, aux innombrables difficultés d'ordre pratique qu'entraîne cette prescription, des réponses qui ont souvent varié selon les circonstances, mais non quant au fond. Comme le remarque Gabriel Le Bras dans la conclusion de sa longue étude : « Depuis les origines du christianisme jusqu'à nos jours, la croyance fondamentale n'a point changé. Le mariage est un sacrement institué par Dieu pour procurer à la famille les grâces nécessaires. » A condition que le terme famille soit entendu dans son sens véritable, c'est-à-dire « que l'on y considère autant le bien de chacune des personnes qui la composent que celui de l'ensemble, cette définition est valable pour toute la chrétienté. C'est en cela que la conception chrétienne du mariage intéresse au premier chef l'histoire de la femme. Cette égalité établie joue en sa faveur. En un  temps où l'on considère la femme comme la chose de l'homme, guère plus que l'esclave dans le monde romain, mieux protégée dans le monde « barbare », mais encore loin de l'égalité des droits, on imagine l'anomalie que peuvent constituer les affirmations évangéliques que reprend saint Paul. Car celui-ci, que l'on présente souvent comme misogyne et « antiféministe » convaincu, a certes multiplié à l'adresse femmes des recommandations quant à la pudeur, au silence dans les églises, à la modestie dans le vêtement ; il y a aussi, abondamment cités, les passages biens connus de la première épître aux Corinthiens. Mais il reste que nous mesurons mal aujourd'hui ce que pouvait avoir de totalement nouveau la symétrie absolue (voir plus haut, chapitre I), l'égalité complète que suppose, tiré de la même épître, le résumé lapidaire qu'il fait des obligations réciproques des deux conjoints dans le mariage : « La femme n'est pas la maîtresse de son corps, il est à son mari. Le mari n'est pas davantage le maître de son corps, il est à la femme » (I Co VII, 4 )
   

      Ce mariage, qui rend leur union indissoluble, on en a vu l'approbation dans la scène des noces de Cana ; c'est très clairement exprimé dans l'œuvre longtemps attribuée à Cyrille d'Alexandrie : « Celui qui est né d'une Vierge, qui par ses paroles et sa vie a exalté la virginité, écrit-il, voulut honorer le mariage de sa présence et lui apporter un riche cadeau afin que l'on ne vît plus dans le mariage une satisfaction donnée aux passions, afin que personne ne déclarât le mariage illicite. » Autrement dit, aux yeux des chrétiens, dès les débuts de l'Église, virginité et mariage sont également honorés. Dès le IIe siècle, saint Irénée de Lyon, face aux gnostiques, montrait que culpabiliser le mariage était faire insulte au Créateur ; plus encore, saint Paul donne au mariage un sens mystique : dans l'union de l'homme et de la femme, il voit le symbole de l'union du Christ et de l'Église. Telle est la conception qu'il développe dans l'épître aux Éphésiens (V, 22-33) : « Que les femmes se soumettent à leur mari comme au Christ... Vous, les hommes, aimez vos femmes comme le Christ a aimé l'Église... »




     Dans la vie quotidienne pourtant, le précepte se heurtait à de dures réalités. Il est vrai qu'on pourrait en dire autant d'à peu près tous les préceptes évangéliques. Il reste que la doctrine chrétienne du mariage s'est édifiée peu à peu sur cette base fondamentale de l'union entre deux êtres sur un pied de parfaite égalité, union indissoluble et comportant pour chacun des devoirs réciproques. On peut déduire aisément les conséquences en ce qui concerne la dignité de la femme : elle n'est plus considérée comme un être inférieur à l'homme, mais son égal, sa « moitié » (« Il n'y a qu'une loi pour la femme et pour l'homme »).

      Aussi bien, le souci des hommes d'Église durant ce que l'on peut appeler la période franque (VIe- VIIe siècles), est non seulement d'adoucir les mœurs, mais aussi et surtout, tout en maintenant la stabilité du mariage, d'assurer aux futurs époux le libre consentement à l'union conjugale. Or, ce qui pouvait s'y opposer, ce n'était plus l'autorité du père, mais le poids du groupe familial. C'est pour cette raison que l'Église a interdit les mariages au sein de ce groupe (entendons le groupe familial au sens large de l'époque : cousins, parents éloignés...etc.) Ces prescriptions obstinément répétées ne se comprennent que si l'on tient compte des circonstances concrètes de la vie durant cette même période. La famille, c'est l'ensemble des personnes vivant à un même foyer ; autrement dit, la famille « coutumière », qui persiste durant les temps féodaux et médiévaux et encore par-delà beaucoup plus tard que nous ne serions portés à le croire, dans nos campagnes. Dans ces conditions, la dignité de la vie de famille exigeait que l'on se montrât sévère envers toute relation entre cousins, même éloignés. Les prohibitions ecclésiastiques ont incité à une certaine rectitude de conduite entre gens qui partageaient la même vie dans ces groupes familiaux souvent isolés. Or, conciles et synodes, tout en contribuant à élargir le cercle familial, opposaient une barrière efficace au pouvoir de la famille.

      Les prescriptions concernant le divorce n'interviennent qu'un peu plus tard, dans la première moitié du XIIe siècle. On commence, en effet, à s'inquiéter à cette époque des conséquences possibles de la sévérité à l'endroit des mariages consanguins : il devient évident, en effet, que bien des mariages se trouvent rompus, dans lesquels l'empêchement de consanguinité n'a été invoqué qu'après coup, comme prétexte à rupture. Il s'agit donc de divorces déguisés.  Aussi, au concile de Latran de 1215, l'empêchement de consanguinité sera ramené au quatrième degré de parenté. Le divorce, lui, restera interdit avec pourtant un palliatif : la séparation à l'amiable, instaurée dès le concile d'Agde (506), et qui demeurera admise par la législation de l'Église jusqu'à nos jours.

      D'une façon générale, on est frappé de voir évêques et prélats se montrer plus indulgents, plus longs à réagir dans les cas de divorces qui peuvent leur être soumis, que dans les cas d'incestes entendus au sens que nous avons précisé (cousins, parents éloignés...etc., avant le septième, puis le quatrième degré de parenté) : visiblement, leurs préoccupations premières visaient à soustraire la personne à une pression trop forte de l'entourage. Dans le cas du mariage des femmes, cette pression est d'autant plus à redouter que c'est par la femme que se transmettent noblesse ou servilité, du moins à l'origine.

      Dès le VIIIe siècle, l'Église a écarté le consentement des parents jusqu'alors considéré comme nécessaire pour la validité du mariage. L'autorisation du père et de la mère ne paraît plus indispensable aux yeux de l'Église, et cela de moins en moins à mesure que se dégage la valeur sacramentelle du mariage : ce sont l'époux et l'épouse qui sont les ministres du sacrement, le prêtre lui-même n'étant là que comme témoin. L'évolution est nette au cours du temps : à mesure qu'est mieux dégagé le sens du sacrement qui fait des époux eux-mêmes les ministres du mariage, on insiste sur l'importance de leur consentement réciproque aux dépens de l'approbation des père et mère, de la famille. C'est aussi à la même période que s'établit le cérémonial du mariage que nous connaissons aujourd'hui : formules, alliances, échange des promesses...etc. On cherche surtout à éviter les mariages clandestins obtenus par la violence ou la tromperie.

       Dans l'ensemble, la doctrine du mariage chrétien, dans sa valeur de sacrement administré et vécu par les époux eux-mêmes, devait beaucoup à certains prélats comme Hincmar de Reims au IXe siècle, Abbon de Fleury au Xe, qui avaient insisté sur la part revenant aux gens mariés, aux laïcs eux-mêmes, en tout ce qui concerne l'aspect juridique du mariage ; pour Abbon en particulier, les laïcs mariés constituent un « ordre » ; il met le mariage presque à égalité avec le sacerdoce, et par la suite, au XIIIe siècle, ces considérations qui se sont affirmées au cours des temps sont admises comme vérité courante ; elles font partie de la valeur du mariage en tant que sacramentum, chose sacrée.


Rachel et Jacob



       On peut dire en résumé que les temps médiévaux eurent ce grand mérite d'établir définitivement la doctrine du mariage canonique ; ils en introduisirent l'usage, élaborèrent une spiritualité conjugale, donnant ainsi son fondement solide à la famille. Le mariage prit alors le sens, la portée qu'il conserve jusqu'à aujourd'hui. Face à une société germanisée qui laissait l'homme libre de ses entreprises « maritales », les évêques de l'Empire carolingien, fortement soutenus par la papauté et le pouvoir temporel, mirent en forme la doctrine du mariage chrétien. A la polygamie de fait, à la répudiation de la femme au gré du mari, ils opposèrent l'égalité de l'homme et de la femme dans le mariage : « Il n'y a qu'une loi pour la femme et pour l'homme », l'union monogamique et indissoluble. Dans un monde rural et compartimenté où l'on pratiquait le mariage endogamique, ils combattirent l'inceste (encore une fois compris au sens large du terme). A l'union officieuse, par simple consentement mutuel, ou au rapt rituel de l'épouse, ils opposèrent le mariage en forme canonique précédé des bans, de l'enquête de parenté, de la bénédiction du prêtre. Par une pratique quotidienne et quelques procès éclatants, comme celui de Lothaire II, Rome et l'épiscopat carolingien éliminèrent toute forme de divorce, sauf en cas d'inceste de l'un des époux ou de l'impuissance attestée du mari. En parallèle, la législation assura la protection et les droits de l'enfant contre les tentatives d'avortement ou les négligences de ses propres parents. Malgré la résistance des mœurs traditionnelles héritées des sociétés barbares, la doctrine du mariage indissoluble prévalait, tandis qu'une législation cléricalisante tendait à assurer le monopole du mariage religieux comme seule forme juridiquement valable d'union entre l'homme et la femme.

« Nec domina, nec ancilla, sed socia »   – Vincent de Beauvais (ni maîtresse, ni servante, mais compagne)


       Cet effort réel ne se borna pas aux domaines juridique et liturgique du mariage, mais il aborda également le problème fondamental de la vie des laïcs mariés. De là une spiritualité conjugale se mit en place, sous l'influence d'auteurs qui s'intéressèrent de près à ces questions. Très imprégnés de spiritualité monastique, les clercs insistèrent paradoxalement beaucoup sur la chasteté. Jonas d'Orléans, dans le livre II du De institutione laicali, offre aux laïcs du temps un véritable traité du mariage chrétien, à la fois plus complet et plus nuancé que les monitions de ses contemporains, s'inspirant de la Génèse, des Épîtres de Paul et des écrits de Saint Augustin. Rejetant la théorie naturaliste du mariage, il le définissait par sa finalité : la procréation. Dans cette perspective, l'union charnelle ne ne pouvait être anarchique. Au Lévitique et à l'Ecclesiaste, il empruntait les interdictions liées au cycle de la femme et il ajoutait celles du temps liturgique. Il voulait tenter à travers elles une éducation de la sensibilité, une discipline des sens. Assez psychologue pour mesurer l'inanité d'une morale conjugale fondée sur la seule contrainte, il tenta aussi une éducation du cœur. Avec des accents magnifiques, il exalta l'amour réciproque des époux. Le mari devait être doux et bienveillant pour sa femme comme envers un être plus fragile, se montrer plein de tendresse à son égard. Il n'avait aucun privilège dans le ménage : « Il n'est pas permis au mari, ce qui est interdit à la femme » (nec viro licet quod mulieri non licet). Jonas le mettait en garde contre le désordre dans sa propre maison, le concubinage ancillaire étant alors très fréquent. Si le mari méprisait ainsi son épouse, l'aboutissement était chez la femme le désir de quitter son mari, d'où l'ultime mise en garde de Jonas : « Ne donnez pas à vos femmes l'occasion de vouloir divorcer » (nec dare hanc occasionem divortii mulieribus), sous-entendu la version positive : Faites en sorte que vos femmes n'aient jamais à se plaindre de vous.


     Jonas d'Orléans se rendait compte de la difficulté de sa tâche d'éducateur du foyer, car autour de lui il voyait persister les désordres et surtout la pratique brutale de la répudiation. Pour se marier, les hommes de son temps se laissaient guider par l'origine sociale, la sagesse, la richesse ou la beauté de la future. Mais Jonas constatait que, du jour où la qualité qui avait déterminé le choix disparaissait, les maris se jugeaient libérés de leur engagement et concluaient une autre union après avoir répudié leur femme. La plupart, d'ailleurs, n'invoquaient d'autre loi que leur désir. Jonas refusait absolument cette prérogative masculine et il invitait les maris à entourer leur femme des mêmes soins qu'ils exigeaient d'elle. Dans le mariage chrétien, la fidélité, le dévouement ne pouvaient pas être à sens unique, mais constituaient un constant échange. Pour cimenter le ménage, il donnait une œuvre commune, exaltante, l'éducation des enfants. Sans concession sur la morale ascétique de son temps, Jonas d'Orléans réussissait le tour de force d'offrir aux laïcs une spiritualité conjugale fondée sur le cœur, le respect de la femme, l'égalité des époux dans l'amour, dont certains accents annonçaient déjà l'idéal chevaleresque et les évolutions futures de la société médiévale.


VI — Les femmes et la vie économique au Moyen-Âge


     Le Moyen-Âge avait tout compris (selon l'expression qu'employait Georges Bernanos) : dans le domaine religieux, dans le domaine social, politique, artistique, mais aussi en ce qui concerne les femmes. Le Moyen-Âge avait compris la valeur irremplaçable de la femme, il avait compris qu'elle n'était pas seulement la compagne de l'homme à un niveau familial, domestique (où elle sera plus tard confinée à cause, entre autres, du renouveau du droit romain en Europe), mais encore dans toutes les sphères de la vie publique, y compris politiques et économiques ; aussi ne sera-t-on pas surpris de voir, au Moyen-Âge, des femmes présentes dans tous les champs de la société et de les voir jouir d'une grande liberté d'action et d'une grande indépendance.

     Dans le domaine agricole (principal secteur d'activité à l'époque), tout d'abord, on constate par l'étude de différentes sources que les femmes occupent une large place : elles travaillent le plus souvent avec leur mari, mais on en trouve parfois qui gèrent seules, avec leurs enfants, une exploitation entière (qui peut être plutôt vaste).

    Témoignages de la vie des campagnes, les donations, ventes, transactions diverses : les femmes y participent, expriment leur volonté au côté de leur époux, mais aussi pour leur propre compte. Ce qui a lieu dès le Xe siècle : ainsi, en 982, des dons faits à Saint-Pierre de La Réole par « Guillaume et sa femme Sancie » , par Amerius « du consentement de sa femme et de ses enfants », par Roger et sa femme Adelaïs... Et ces interventions ne sont pas seulement le fait de la noblesse, comme on pourrait le penser, puisqu'on voit quelques années plus tard, en 1056-1059, une serve nommée Gerberge vendre 30 arpents de terre, dont 29 plantés en vigne, à un frère de Marmoutiers, pour une somme de 4 livres.

     A parcourir ainsi les textes – hors de tout souci statistique, s'entend – on trouve à toute époque et dans toutes les régions, les femmes activement mêlées à la vie économique. En Champagne, au début du XIIIe siècle, la comtesse Blanche, qui est veuve, administre son domaine comme l'aurait fait son époux, et, par exemple, fonde une ville neuve, en s'associant pour cela avec l'abbé de la Sauve.

     En Gironde, à propos du seul péage du port de la Réole, on assiste à trois ventes de droits qui, dans la première moitié du XIVe siècle, sont faites par des femmes, dont deux sont des femmes mariées, Guillelma de Penon et Baudouine Duport, et qui agissent sans mentionner le consentement de leur époux.

     Marguerite de Gironde, mère et tutrice du seigneur Pons de Castillon, mène une série de tractations avec les habitants de Sainte-Hélène et de Listrac en 1318, soit 87 familles ; la châtelaine précise que chacun, par an, donnera une poule, fera à Lamarque les charrois de blé, de vins, de paille et de volailles du seigneur, acquittera en même temps ses redevances sur l'avoine, le froment, le mil, le lin, les moutons ; moyennant quoi, tous auront droit de jouissance sur les bois, landes et pacages. Enfin, ils verseront ensemble la somme de 130 livres par an. Mais le seigneur renonce entièrement aux droits qu'il prétendait lever sur leur héritage. C'est ainsi que Marguerite gère les biens de son fils.

     Des femmes sont mentionnées aussi bien à propos de décisions d'ordre militaire : ainsi le vicomte d'Orthez, Garcias Arnaud de Navailles, lorsqu'il promet au roi d'Angleterre de faire abattre le donjon du château de Sault, est accompagné de Marie Bertrand, sa femme, qui prend l'engagement en même temps que lui ; cela se passe en 1262. Quelques années plus tôt, Mabile de Colomb et son époux Armand de Blanquefort conviennent ensemble des réparations à faire au château de Bourg et de Blanquefort.

     Les enquêtes de justice, quant à elles, nous montrent à plusieurs reprises des femmes de nos campagnes intervenant soit comme témoins, soit comme plaignantes. Aux alentours de Beaucaire, lors de l'enquête royale de 1245-1247, la veuve d'un nommé Étienne expose aux commissaires du roi ses démêlés avec le sénéchal Oudard de Villiers, qui a tenté de l'obliger à épouser un de ses parents. Elle a refusé, ayant fait vœu de rester dans le veuvage « pour honorer Dieu ». Revenant à la charge, le sénéchal a prétendu alors faire marier sa fille, sous prétexte que les orphelins étaient sous la garde spéciale du roi ; sa mère s'y est opposée ; Oudard, qui décidément tient à sa proie, lui réclame alors une somme de 1500 sous raimondins que sont époux, collecteur d'impôts, avait levée à Valabrègue. A quoi la veuve rétorque qu'elle se souvient très bien avoir porté elle-même cette somme au sénéchal. Des affaires comme celle-ci, on en relève énormément à cette époque.

     Ce que l'on peut dire avec certitude, c'est qu'à travers l'extrême variété des sources qui nous sont restées, la place de la femme est infiniment plus importante dans les transactions (au sens large) passées dès les Xe-XIe siècles qu'elle ne le sera au XIXe siècle, quand le code Napoléon aura fixé l'évolution qui s'est dessinée chez nous depuis le XVIe siècle ; évolution qui fut même amorcée un peu plus tôt dans les pays germaniques en raison de la forte influence que le droit romain y exerça dès le milieu du XIIIe siècle, et aussi d'une façon générale dans les pays soumis à l'influence romaine comme l'Italie, ou plus encore à l'influence islamique comme l'Espagne et le Portugal.


     En France, au Moyen-Âge, la population est rurale dans sa très grande majorité. Et, d'ailleurs, la distinction entre ville et campagne n'est pas du tout la nôtre ; si la grande ville n'existe pas, le citadin sans aucun lien avec les champs, fût-ce à propos de son cheval – unique moyen de transport du temps – est aussi une exception. Cela dit, la vie quotidienne, en ville comme à la campagne, nous est parfois restituée sur le vif par des documents judiciaires. On voit donc les femmes exercer divers métiers, comme entre autres coiffeuse, « barbière » (qui ne taillait pas seulement les barbes, mais opérait les saignées, pansait les blessures, remettait en place les fractures...etc.), boulangère, meunière, mercière, aubergiste, miresses (médecin), brodeuse, fileuse, fileuse d'or, paonnière (en fait tous les métiers du textile, industrie de luxe à l'époque)...etc. Remarquons que l'on trouve signalé dans le Livre des Métiers l'existence de « prudes femmes », équivalent des « prud'hommes » désignés dans chaque métier pour le contrôle des usages du travail et de la qualité des marchandises et qui possèdent donc des pouvoirs judiciaires. L'éventail des professions accessibles aux femmes, tout au moins durant la période féodale proprement dite, jusqu'au XIVe siècle, incidemment plus tard encore, serait donc plus ouvert que nous n'aurions tendance à le penser, certainement plus qu'au XIXe siècle en tout cas. Reconnaissons pourtant que l'on trouve des femmes surtout dans ces métiers que nous classons comme « féminins ». Avec quelques restrictions toutefois. Ainsi, dans les métiers du vêtement, le tissage entièrement, et partiellement la couture et la broderie, sont des métiers d'hommes, à cause de la pénibilité des tâches qu'impliquent ces professions.

     L'industrie textile, celle des draps de laine, représente la grande industrie de l'Occident aux temps féodaux ; les draps sont le principal objet d'échange avec l'Orient, sur lequel se fonde le commerce maritime et celui des foires de Champagne et d'Ile-de-France ; or, le métier de la draperie emploie des hommes et des femmes en nombre à peu près égal. Mais non pour les mêmes opérations ; les plus fatigantes : tisser, battre, fouler sont exécutées par les hommes ; on a pourtant relevé à Florence une certaine Donata qui, en 1288, vit des draps qu'elle tisse ; mais les femmes sont surtout occupées à tondre, peigner, carder, « esbourer » (enlever les irrégularités du drap) et à filer – travail dont elles ont à peu près exclusivement la charge. La fileuse est le personnage féminin par excellence : « quand Adam bêchait et qu'Eve filait...» ; quenouille et fuseaux sont de ces objets légers, portatifs, peu encombrants, qu'on prend et qu'on laisse selon les besoins du moment : à la maison en jetant un coup d'œil sur le feu, dehors en surveillant les enfants ou les animaux, et surtout à la veillée.

    Ainsi les admirables draperies restituées par les miniatures ou les tableaux d'un Van Eyck ont été surtout le fruit d'un travail masculin, tissage ou teinture. En revanche, la lingerie, elle, est tout entière aux mains des femmes, et ce sont uniquement des « prudes femmes » qui surveillent la qualité des chainses ou chemises, des guimples ou coiffes, de chanvre ou de lin.

     Beaucoup d'autres activités dans l'industrie du vêtement sont l'apanage des femmes, dont les salaires étaient assez importants pour qu'elles figurent sur les rôles de la taille : brodeuses, pellerières traitant les fourrures, gantières, chapelières, boutonnières...etc.

     Dans l'activité économique, là où l'on est surpris de rencontrer des femmes, c'est dans les métiers du métal. Pourtant, il faut se rendre à l'évidence : constatons que la taille est levée sur des aiguillières, des coutelières, des chaudronnières, une maréchale qui a dû ferrer les chevaux, une forcetière qui fabriquait des ciseaux, une serrurière, une haubergière qui façonna des armures, une potière d'étain, et, ce qui exige des doigts fins et de la délicatesse, une « bouclière » confectionnant des boucles, une joaillière, et plusieurs orfèvres et « tailleresses d'or ». Il peut s'agir évidemment de veuves qui remplacent un époux décédé ; mais, de toute manière, ce sont des « femmes seules », chefs de famille ou non, exerçant une activité personnelle comme l'atteste le montant de leurs impositions. Et n'oublions pas cette femme nommée Agnès, libraire à Paris, ou cette autre, Marguerite, relieuse, au service de Jean, Prince d'Orléans.

     On pourrait continuer la liste des professions où les femmes étaient présentes encore longtemps. Ajoutons toutefois que les femmes sont encore plus nombreuses dans les métiers d'alimentation. D'autres métiers plus inattendus comme les messagères sont signalés à Troyes, où l'on énumère aussi nombre de femmes tenant boutique : oublières (marchandes d'oublies, c'est-à-dire de gaufrettes et petits gâteaux), fruitières, chandelières, sans parler des blanchisseuses, lavandières et chambrières. On trouve même des femmes dans le métier de brocanteur, à Lille, où elles sont même plus nombreuses que les hommes.

     Les femmes sont donc présentes dans le grand comme le petit commerce. Ici encore des exemples sont à citer à une bout comme à l'autre de l'échelle sociale. A Marseille, Marie Valence s'associe par-devant notaire avec Bernard Ambulet pour tenir un étal aux Iles de Marseille, où les navigateurs trouveront viandes, poissons et autres denrées alimentaires ; cela à frais communs, les bénéfices également partagés par moitié. Le contrat date du 6 juillet 1248, ce qui nous ramène en pleine époque de la croisade de Saint-Louis. Quelques années plus tard, toujours à Marseille, une certaine Béatrix Raoline donne quittance au drapier Guillaume Lafont de 100 livres sur les 150 qu'elle lui avait prêtées lors d'un contrat d'association. Plus modestement, c'est la somme de 100 sous que Marie Nasdevaca (sobriquet italien) confie à Marin Barnier, pour les faire valoir « au quart de gain », c'est-à-dire qu'il devra lui restituer la somme plus un quart des bénéfices réalisés. Là encore, il s'agit de « femmes seules ». Dans le livre de Régine Pernoud, l'auteur signale qu'elle n'a jamais rencontré mention d'autorisation maritale dans les actes notariés des XIIIe et XIVe siècle dans ceux qu'elle avait consulté. En revanche, on voit très souvent des femmes agir aux côté de leur époux. Ainsi cette Alamberte, femme de Jacques Vital, marchand de Narbonne, qui entre 1383 et 1387 reçoit les « aveux », c'est-à-dire les redevances, des terres que possède son époux. Et l'on pourrait citer un grand nombre d'actes du même genre.

     Que conclure, sinon que toutes les études faites à Lille, Périgueux, Toulouse, Troyes, etc., aussi bien qu'à Paris, attestent que les femmes prennent, comme à la campagne, la part la plus active à la vie économique dans les villes, qu'on les rencontre à chaque coin de rue, non seulement dans la boutique ou l'atelier – il serait inexact de dire « de leur mari », car l'un et l'autre y sont étroitement associés, encore que la responsabilité principale échoie ordinairement à celui-ci – mais encore en tant que « femme seule », veuve ou célibataire exerçant pour vivre le métier de leur choix. A Francfort, où l'on a pu établir des listes de métiers entre 1320 et 1500 et calculer la répartition de la main-d'œuvre entre hommes et femmes, on constate que 65 métiers emploient uniquement des femmes contre 81 où les hommes sont les plus nombreux et 38 où les uns et les autres sont en nombre égal.

     Pour faire une (petite) parenthèse sur l'administration des biens, précisons que pendant la période médiévale, la majorité était acquise très jeune pour les femmes, ce qui leur apportait une précieuse garantie d'indépendance dont nous sommes aujourd'hui conscients. Le juriste Pierre Petot, qui a spécialement étudié le statut de la femme dans les pays coutumiers français, fait remarquer que les intérêts pécuniaires de la femme même mariée sont au XIIIe siècle solidement protégés ; elle demeure propriétaire de ses biens propres ; le mari en a l'administration, la jouissance, ce qu'on appelle alors la saisine, c'est-à-dire l'usage, mais il ne peut en disposer ; les biens de sa femme sont totalement inaliénables ; en revanche, la femme mariée participe de droit à tout ce que le ménage peut acquérir et, en cas de décès de son époux, elle a la jouissance d'une partie des biens propres de celui-ci : la moitié dans les familles roturières, le tiers chez les nobles dans la plupart des coutumes ; il relève aussi qu'une femme qui exerce un commerce peut témoigner en justice pour tout ce qui se rattache à l'exercice de ce commerce. Elle remplace sans autorisation préalable son mari s'il est absent ou empêché. Jusqu'à la fin du XVe siècle, en effet, elle jouit de ce qu'on appelle la « capacité juridique » ; ce n'est qu'au XVIe siècle qu'elle devient juridiquement incapable, le contrôle du mari sur les actes de son épouse étant de plus en plus rigoureux : les actes de la femme sont nuls si elle n'a pas obtenu l'autorisation de son époux. On suit parfaitement à travers les théories des juristes cette progression du pouvoir marital qui aboutit à faire de la femme mariée une incapable, ce que consacrera au début du XIXe siècle le code Napoléon.


VII — Les femmes et le pouvoir politique au Moyen-Âge


     Pour faire le lien avec le chapitre précédent, il faut préciser qu'il existait une inégalité frappante entre les rurales et les citadines. Il ne s'agit plus alors du domaine économique, mais du pouvoir ou, plus exactement, de l'administration. En examinant le statut de la femme dans sa vie quotidienne, la remarque qui s'impose est liée à ce qui peut différencier son mode d'existence, selon qu'elle se trouve à la campagne ou en ville.

     Dans le premier cas, en effet, elle a de toute évidence l'occasion d'exercer un pouvoir identique à celui du seigneur, et nul dans le monde rural ne conteste l'autorité des suzeraines, que ce soit sur les vastes domaines ou des terroirs parfois très exigus., en l'absence du seigneur ou en tant que châtelaine à part entière. Dans toutes les régions de France on relève cette sorte de parité de fait existant entre hommes et femmes dans l'administration des domaines ; par exemple, à propos des femmes qui rendent ou reçoivent hommage – étant entendu que la cérémonie d'hommage est celle par laquelle on jure fidélité à son seigneur. Ainsi Isabeau de Harcourt reçoit, dans le Roussillon, hommage de ses vassaux. D'ailleurs, Raymond, le sire de Mondragon, au début du XIIIe siècle, choisit pour son sceau la représentation d'une cérémonie d'hommage qui montre un chevalier agenouillé devant une dame. Remarquons encore une fois, en passant, que si le terme de seigneur vient de senior (le plus âgé, l'ancien), son équivalent féminin, la dame, vient de domina, la « maîtresse », celle qui « domine » !

     Pour ce qui est de la ville, on ne rencontre nulle trace de femmes maire, échevin, consul ou recteur. Ces mots, d'ailleurs, n'ont pas d'équivalent féminin ; les fonctions municipales paraissent avoir toujours été aux mains des hommes, même dans les régions où l'on est certain que les femmes aient voté dans les assemblées. Les explications qu'on peut donner ne sont pas toutes entièrement satisfaisantes. Toutefois, Régine Pernoud, dans son ouvrage, note que ceux qui vont prendre l'administration et le pouvoir en ville – et ils ne tarderont pas à l'accaparer – sont surtout les commerçants – entendons : ceux qui achètent pour revendre. Professionnellement, ils sont appelés à se déplacer, car les produits qui rapportent de grands profits sont ceux qu'on trouve outre-mer. Ses voyages procurent au commerçant une opulence qui lui permet de se rendre propriétaire du sol de la cité ; dès la fin du XIIIe siècle, le bourgeois est qualifié généralement de riche, et les deux termes vont ensemble. Dans la cité où il passe l'hiver, c'est un homme qui compte – dans tous les sens du terme, car il ne tarde pas à avoir en main les finances de la ville, en même temps que l'administration et la justice. Dans des cas extrême, comme celui de Jean Bionebroke à Douai, il amorce l'avant-projet du capitalisme sous la forme la plus redoutable.

     C'est dans cette haute bourgeoisie marchande des villes que se dessine le plus nettement l'écart de statut entre l'homme et la femme ; encore une fois, bientôt le décalage se trouvera renforcé par la redécouverte du droit romain, nettement plus favorable aux commerçants que les coutumes féodales issues de milieux ruraux et non urbains.

     Pour en revenir au sujet, nul n'ignore qu'il existait des reines et des souveraines au Moyen-Âge, mais il convient ici d'insister davantage sur le pouvoir qu'elles ont effectivement exercé. D'abord parce que ce pouvoir leur échappa par la suite, en France surtout. Le XVIIIe siècle européen compte une Catherine de Russie, une Marie-Thérèse d'Autriche ; mais que dire du pouvoir de la reine en France à la cour de Louis XV comme à celle de Louis XIV ? Dans l'alcôve ou dans la coulisse, sans doute, comme le fit un peu plus tard, par exemple, Marie-Antoinette, qui eu une influence non négligeable sur son mari. Il est vrai que la dernière reine qui ait exercé un rôle politique, Catherine de Médicis, type parfait de la Renaissance italienne, aura laissé un souvenir peu encourageant ! Mais enfin, la femme est-elle incapable de gouverner ? Ce n'est pas en tout cas, pour citer un auteur de l'époque contemporaine, ce que pensais Joseph de Maistre. Ce dernier affirmait : « … si jamais il y avait des troubles, si l'on venait à redouter quelque grande influence, s'il fallait faire quelque grand effort, je ne balancerais pas un instant à proposer une loi anti-salique  ; et soyez sûre que nous verrions beau jeu » (la loi salique, une des « lois fondamentales du royaume », empêche les femmes, en France, de succéder à un souverain régnant, cela non pas parce que l'on jugeait les femmes incapables de gouverner, mais pour éviter à la couronne d'échoir à un prince étranger par mariage).

     Qui aurait admis en 1715, en attendant la majorité du dauphin, une régente au lieu d'un régent. Pourtant le règne d'une femme avait paru tout naturel, en semblable circonstance, au XIIIe siècle. Et l'on n'en finirait pas d'énumérer, à l'époque féodale et encore aux temps médiévaux, les femmes qui ont dirigé et administré des domaines parfois très étendus. John Gilissen a fait remarquer : « Presque toutes les principautés laïques belges ont été gouvernées par des femmes à l'un ou l'autre moment de leur histoire. Citons la comtesses Jeanne (1205-1244) et Marguerite de Constantinople (1244-1280), en Flandre et Hainaut, la duchesse Jeanne en Brabant (1355-1406), Marguerite de Bavière en Hainaut (1345-1356), Marie de Bourgogne pour l'ensemble des principautés (1477-1482). » De combien de fiefs en France pourrait-on en dire autant !

     Il faut s'y arrêter un peu : ces femmes qui disposent du pouvoir politique, peut-être auraient-elles quelque chose à nous apprendre.
L'exercice du pouvoir suprême ne les empêche pas pour autant d'être pleinement femmes. Elles n'ont aucunement le souci d'imiter ou de copier un modèle masculin. Dans leur comportement, même lorsqu'elles agissent sur le terrain politique ou militaire, elles restent femmes, essentiellement. Elles apportent au sein même de leur action une certaine qualité d'attention aux personnes, voire des solutions proprement féminines qui auraient échappé au seigneur ou au capitaine. Rappelons deux exemples bien frappants : celui de Blanche de Castille arrivant au siège du château de Bellême en 1229 et constatant que l'armée est littéralement paralysée par le froid ; elle fait aussitôt tailler du bois dans les forêts alentour, et réchauffe ses gens qui retrouvent du même coup leur ardeur pour terminer un siège traînant depuis plusieurs semaines. De même chez Sainte Jeanne d'Arc trouve-t-on, en même temps que l'élan au combat, la tendresse de la femme quand elle se penche sur un Anglais blessé, et un bon sens quasi maternel devant une armée qui se bat depuis l'aube : « Reposez-vous, mangez et buvez » ; après quoi, ce 7 mai 1429, ses compagnons enlèvent la bastille des Tourelles, objet de leurs assauts.

     Plus subtilement, c'est toute une atmosphère correspondant à la vie courtoise qui entoure ces comtesses, ces reines dont l'action politique a été si prudente, si tenace parfois. Elles ne sacrifient rien de ce qui fait l'originalité de la femme. Notre époque troublée ferait d'ailleurs bien de méditer sur leurs vies, à bien des égards exemplaires ; sur ces femmes chrétiennes pleinement femmes, qui mirent au service de Dieu et du bien commun leurs qualités naturelles. La personne d'Aliénor d'Aquitaine suffirait à appuyer ce qui a été dit plus haut, mais, comme le souci de concision interdit ici les développements trop longs, il sera peut-être question de cette reine exceptionnelle dans une prochaine publication.


VIII — Les femmes après le Moyen-Âge : les évolutions

     Tout d'abord en matière de mœurs, étudions le Roman de la Rose. Rarement œuvre littéraire aura été plus représentative de deux aspects successifs de la mentalité générale, et aura mieux traduit une évolution qui certes ne s'accomplit que très lentement dans la réalité, mais dont le point de départ est ici bien marqué. Cette œuvre a été écrite pas deux auteurs : Guillaume de Lorris pour la première partie et Jean de Meung pour la seconde. On peut dire qu'un demi-siècle après Guillaume de Lorris, Jean de Meung, dans les lettres, joue en un sens opposé un rôle semblable à celui de Venance Fortunat (le compositeur, en passant, de la magnifique séquence de Pâques) aux début de la tradition courtoise : le veine qu'il inaugure, et qui vise à anéantir toute courtoisie, reflète le début d'un courant nouveau dans le domaine de la pensée et des mœurs, dans la manière de sentir, et même dans l'expression artistique ; mais elle mettre plusieurs siècle à s'imposer.

Au vingtième an de mon (a)age
Au point qu'Amour prend le péage
Des jeunes gens...
Lors vis un songe en mon dormant (sommeil)
Qui moult fut beau et moult me plut...
Or veux mon songe rimoyer
Pour mieux vos cœurs faire égayer,
Qu'Amour ne le prie et commande.
Et si nul ou nulle demande
Comment je veux que ce roman
Soit appelé, que je commen(ce)
Que c'est : le Roman de la Rose
Où l'art d'Amour est toute enclose.

     Guillaume de Lorris écrit vers 1236. L'historienne de la littérature médiévale Rita Lejeune a supposé que son poème était un hommage à la reine de France, la toute jeune Marguerite de Provence, qui avait épousé deux ans plus tôt, en 1234, le roi Louis IX ; cette princesse au nom de fleur résidait souvent dans le petit village de Lorris en Gâtinais, l'une des résidences royales dans la région.

     Quoiqu'il en soit, le Roman de la Rose, œuvre toute de jeunesse et de fraîcheur en cette première partie, semble résumer la tradition courtoise ; dans une atmosphère de rêve est évoqué l'éveil de l'amour dans le cœur du jeune homme ; sous le voile allégorique, avec une extrême finesse, sont personnifiés les sentiments qu'il éprouve, les obstacles auxquels il s'affronte, les espoirs et les angoisses qui l'agitent dans la quête de la Rose, c'est-à-dire de la Femme aimée. Le poème s'achève sans que l'on sache si l'Amant parviendra, grâce à la complicité de Bel Accueil, à cueillir la Rose.

     Tout un univers intérieur s'exprime à travers ces personnages porteurs des sentiments, impulsions, tendances profondes qui se font jour entre deux êtres dont l'un est animé par la quête, l'autre reçoit ou repousse, accueille ou se dérobe. L'échange amoureux est ici mis en scène avec une extrême subtilité . Il ne s'agit plus, comme dans le roman, de créer des types humains, un Perceval, un Lancelot, mais d'extérioriser les sentiments qui les agitent, de les projeter sous une apparence figurée : Honte, Vilenie, Franchise ou Doux Regard ; dans ce jeu, d'une délicatesse poussée très loin, l'histoire, remarquons-le, s'estompe, et aussi la personne : l'amant n'est qu'un songe et la dame, une rose. On atteint la limite extrême du raffinement dans ce « service d'Amour » qui chez les troubadours s'exprimait avec une vigueur souvent abrupte ; le poète se meut dans un monde où l'image elle-même fait allusion à une autre image. Le Moyen-Âge était très à l'aise avec les symboles. C'est, appliqué aux sentiments, le domaine de l'allégorie.

     Mais ce poème de 4000 vers peut-être inachevée n'est pas seulement l'œuvre de Guillaume de Lorris. En effet, une quarantaine d'années après lui, dans la deuxième moitié du XIIIe siècle, un autre poète, Jean Chopinel, originaire, lui, de Meung-sur-Loire, s'avisait de lui donner une suite : près de 18 000 vers – ce qui portait l'ensemble du poème à 21 781 exactement.

     Jean Chopinel (ou Clopinel?) a-t-il eu sérieusement l'idée qu'il continuait l'œuvre de son devancier ? On peut se le demander, car rarement auront été composées l'une à la suite de l'autre deux œuvres d'esprit aussi dissemblable. Le poème de Guillaume de Lorris restait suspendu à une supplique adressée à Bel Accueil en qui l'amant mettait « sa fiance » ; l'un des premiers vers de Jean de Meung est : « Mais de tout ce n'ai-je que faire. » Ce qui dit bien ce qu'il veut dire : désormais a disparu tout souci de courtoisie ; plus de songe, d'amoureux ni de rose. Exit la courtoisie, le spirituel, les nobles aspirations, l'amour platonique et les beaux sentiments ! Nous nous trouvons devant un discours d'allure didactique et scientifique, une dissertation magistrale, aux accents naturalistes et positivistes, émanant d'un clerc (au Moyen-Âge, pour être « étudiant », il fallait presque toujours être « clerc », c'est-à-dire avoir reçu la tonsure.), d'un universitaire. Jean de Meung inaugure en cette fin du XIIIe siècle le règne du professeur, comme le feront en d'autres domaines les légistes ses contemporains. Il fait disserter inlassablement Raison qui instruit l'amant et d'emblée lui démontre qu'il sert un mauvais maître :

Amour ce n'est que paix haineuse,
Amour est haine amoureuse.

     A l'Art d'aimer succède un discours pour lequel deux autres entités se joignent à Raison : Nature et Genius ; l'allégorie, on le voit, ne s'applique plus à des sentiments, mais à des abstractions ; les trois personnages infligent à l'amant, avec force exemple à l'appui, une démonstration circonstanciée de la conduite qu'il doit tenir avec les femmes. Il n'est plus du tout question de courtoisie, encore moins d'amour ; l'un et l'autre semble s'être envolés de nos lettre à la fois. Et avec eux le sens de la quête, qui jusqu'alors caractérisait les relations entre l'homme et la femme. Jean de Meung, faisant preuve d'un cynisme détestable, accable de sarcasmes son prédécesseur Guillaume de Lorris, car lui-même ne conçoit d'autres genres de relations amoureuses que ceux des animaux, d'autres rapports, entre homme et femme, que ceux du chat et de la souris. L'auteur postule qu'il y a, entre les hommes et les femmes, non plus une complémentarité, une harmonie, mais une étrange opposition, une rivalité. De la quête on passe au conflit ; c'est une stratégie que nature enseigne à l'amant, le mettant longuement en garde contre les ruses des femmes et lui démontrant sans ambages qu'une femme en vaut une autre ; l'instinct mène le monde et, disciple avant la lettre de maints « scientifiques » de notre temps, Jean de Meung l'invite à considérer vaches et taureaux, brebis et béliers...

     En très peu de temps nous sommes donc tombés bien bas, et c'est une évidence de dire qu'avec pareil discours, l'image de la femme est considérablement dégradée.

     Au moment où Jean de Meung s'avise ainsi de prendre le contre-pied de celui qu'il prétend continuer, l'Université de Paris, à laquelle il appartient, compte une centaine d'années d'existence. On trouve dans ses vers l'écho des luttes qu'a menées « sa mère » – c'est ainsi qu'il désigne ce corps respectable – entre autre la fameuse querelle contre les ordres mendiants, auxquels le maître parisien, Guillaume de Saint-Amour suivi par la plupart de ses confrères, voulait interdire d'enseigner.

     L'Université parisienne est née d'une revendication de liberté : il s'agissait pour les maîtres et les étudiants de la cité, groupés en association, de se soustraire à la tutelle de l'évêque de Paris pour acquérir leur autonomie, obtenue dès les premières années du XIIIe siècle et reconnue par le pape comme par le roi de France. Mais elle manifeste très tôt aussi la volonté de monopoliser cette liberté pour son usage exclusif. Les clercs séculiers qui enseignent prétendent se réserver leurs chaires et en exclure ces nouveaux venus dont le succès les irrite et les inquiète : les prêcheurs et les mineurs, autrement dit les dominicains et les franciscains. Ce qui revenait à refuser la permission d'enseigner à un Thomas d'Aquin et à un Bonaventure...


     Pour s'en tenir, en un premier temps, à l'activité intellectuelle proprement dite, à la formation dispensée aux scolaires et étudiants, cette tendance au monopole en faisait, d'emblée, un monde rigoureusement masculin. L'Université, en effet, était issue du clergé et entendait dès l'abord supplanter les écoles monastiques ; elle était – la querelle avec les ordres mendiants l'atteste – hostile à ce qui n'appartenait pas aux structures cléricales ; les religieux, soustraits aux autorités locales et ne dépendant que du pape, étaient considérés par elle comme des intrus, et il faudra deux siècles de palabres et de discussions pour qu'ils soient réellement admis à enseigner. Que pouvait-il en être des religieuses ? Moins encore que les moines, elles ne sauraient être admises à bénéficier d'un savoir universitaire, qui est de plus considéré comme seul valable ; ce qui se traduit, entre autres, par des poursuites engagées contre les femmes-médecins, au début du XIVe siècle ; il leur est interdit d'exercer la médecine sans justifier d'un diplôme qu'elles ne peuvent obtenir. On voit assez rapidement, dans ce contexte, décliner le niveau de l'instruction dans les couvents de femmes (pourtant très élevé pendant les siècles précédents).

     Une Gertrude de Helfta peut encore, au XIIIe siècle, dire avec quelle joie, après les études de grammaire, elle a abordé celles de théologie, qui étaient comme un seconde degré dans l'enseignement supérieur ; par la suite, les confidences de ce genre ne seront plus possibles, à de rares exceptions près. Et d'ailleurs, l'idée s'enracine que la formation dispensée par l'université ne convient pas aux femmes. D'autres facteurs interviendront qui contribueront à faire baisser le niveau intellectuel dans les monastères, d'ailleurs aussi bien masculins que féminins : après la grande peste de 1348 en Occident, nombre de couvents n'ont retrouvé que difficilement l'encadrement nécessaire et les personnalités capables de transmettre un savoir suffisant. L'Université a pu reformer ses cadres, mais en dehors d'elle, et en France surtout, avec l'insécurité et les guerres qui se succèdent pendant un siècle ou davantage, il devenait difficile de retrouver le niveau de jadis. Et, d'ailleurs, qui le souhaitait ? Certainement pas, en tout cas, les universitaires eux-mêmes, trop fiers de détenir « la clef » de la science, comme l'écrivait Jean de Meung.

     D'ailleurs, une influence devenait prépondérante dans la pensée universitaire : celle d'Aristote, qu'on peut comparer à l'influence de Hegel sur la philosophie de notre temps. Or Aristote, auguste et vénérable soit sa philosophie, ne partage pas moins, en ce qui concerne la femme, les préjugés communs à l'Antiquité classique, ce qui ne pouvait aucunement gêner les Avicenne, les Averroès et autres penseurs de l'islam, mais provoquait une régression notable en Chrétienté, par rapport à l'évolution générale.

     Très vite une littérature qu'on pourrait qualifier « d'antiféministe » se développe, où l'amour est moqué, le mariage vilipendé et où l'on présente la femme comme un être irascible, insatiable et veule... De là à la croire incapable de quoi que ce soit dans la vie publique, il n'y a qu'un pas, qui sera franchi le 28 juin 1593, date de l'arrêt Lemaître qui interdit à la femme toute fonction dans l'État.

     Et, de même que nous avons tenté de déceler les divers mouvements littéraires ou juridiques qui ont joué pour aboutir à ce résultat, nous pourrions nous livrer ici à un petit jeu de citations qui constituent un florilège éloquent. Bornons-nous à trois d'entre elles, émanant de cerveaux bien représentatifs – encore que fort différents l'un de l'autre – de la pensée classique, puis bourgeoise au XIXe siècle.

     Richelieu d'abord, dans ce qu'on appelle son Testament politique: « Rien n'est plus capable de nuire aux États que [ la femme ]... Les meilleures pensées des femmes étant presque toujours mauvaises, en celles qui se conduisent par leurs passions, qui tiennent d'ordinaire lieu de raison et leur esprit, au lieu que la raison est le seul et le vrai motif qui doit animer et faire agir ceux qui sont dans l'emploi des affaires publiques. » Nous n'allons pas insister sur les insinuations voltairiennes, révélatrices, presque à son insu, de l'échelle de valeurs qui lui est propre : « On a vu des femmes très savantes comme il en fut de guerrières, mais il n'y en a jamais eu d'inventrices » (reproche qui sera repris en cœur au XIXe siècle), et nous nous contenterons d'écouter, pour finir, Restif de la Bretonne : « Les femmes ressemblent aux peuples orientaux dont elles ont à peu près l'imagination vive et facile à épouvanter ; elles préfèrent, sans s'en douter, un gouvernement où il faut obéir sans raisonner à un autre, où elles auraient le choix d'obéir ou non. »

       Comment rassembler, en si peu de mots, davantage de mépris ?

     Pour résumer brièvement les tendances esquissées depuis le premier chapitre, nous pourrions dire que l'ensemble de l'évolution de la place de femme fait penser à ces roues de la Fortune où l'on voit un personnage qui monte, qui triomphe quelque temps, puis amorce sa descente pour retomber au plus bas. Selon cette image si familière à l'iconographie médiévale, l'apogée correspondrait à l'Age féodal : du Xe à la fin du XIIIe siècle. Les faits et les personnages rassemblés dans cet article paraîtront peut-être assez convaincants au lecteur, quoiqu'il y ait encore beaucoup à dire et à écrire et que certaines choses n'ont pu être traitées avec le soin qu'elles méritaient ; les femmes exercent alors, incontestablement, une influence que n'ont pu avoir ni les frondeuses du XVIIe siècle, ni les sévères anarchistes du XIXe.

     Cette influence décroit manifestement durant les deux siècles suivants. Les XIVe et XVe siècle représentent bien en effet un âge « moyen », au cours duquel la mentalité change, spécialement à l'égard de la femme. Et la roue de la Fortune ne tarde pas à l'entraîner vers une éclipse dont elle émerge de nouveau en notre XXe siècle, bien que d'une manière très différente.

     Pour élargir la réflexion, on peut se demander quelles sont les causes d'une telle évolution. Peut-être convient-il de raisonner, ici comme ailleurs, d'un point de vue surnaturel et métaphysique.

     Dom Gérard Calvet, dans son ouvrage « Demain la Chrétienté », désigne (non sans raisons) le naturalisme comme étant le cancer qui ronge la société depuis le Moyen-Âge. On pourrait, pour simplifier, appeler le naturalisme « sécularisation » ou encore « déchristianisation » ; c'est le fait, pour un individu ou une société entière, de ne plus voir le monde avec les yeux de la foi, d'exclure de sa pensée et de sa vie toute dimension sacrée, tout surnaturel, pour ne considérer que les réalités naturelles, matérielles. Hélas, ce naturalisme a pénétré dans l'esprit des hommes bien plus tôt que ce que l'on croit habituellement. Dom Gérard le fait remonter à la fin du Moyen-Âge, voire au péché originel, car le premier naturalisme n'a-t-il pas été celui de nos premiers parents qui voulurent se passer de Dieu et se suffire à eux-mêmes en bravant le commandement formel de leur Créateur ?


     « Mais à partir du XVIe siècle un autre danger menace les sociétés, un mal plus dangereux, plus sournois, une sorte de cancer rongeur qui s'attaque de l'intérieur à l'organisme tout entier : le poison idéologique. L'homme du Moyen-Âge était un pécheur et il le savait. L'homme de la Renaissance est imbu [de lui-même] et il ne le sait pas. » Dom Gérard Calvet.

     Il n'est peut-être pas idiot de rapprocher la lente évolution naturaliste de la Vieille Europe d'avec celle de la place de la femme, car, dans l'autre sens, la conversion de l'Occident au Christianisme coïncide avec la spectaculaire reconnaissance de la dignité de la femme amorcée depuis la venue du Sauveur. Cela peut, en tout cas, constituer un élément de réponse ou une piste de recherche qui dépasse largement les modestes limites du présent article.

Conclusion : des femmes d'avant-hier à celles d'aujourd'hui

     Toute l'humanité peut se retrouver en ces symboles vivants qu'offrent Héloïse et Abélard dans leur face à face, signe de la perpétuelle alternative dont chaque terme est aussi nécessaire à l'autre que deux yeux pour voir, deux membres pour agir et marcher. Est-ce assez curieux, cette vision monoculaire – celle de la perspective classique en peinture – que manifeste la tendance à résoudre l'éternel conflit du couple, du « deux » en éliminant l'un au profit de l'autre ! A l'époque féodale, on avait compris que les « contraires » sont indispensables l'un à l'autre, qu'une voûte ne tient que par la mutuelle pression que deux forces exercent l'une sur l'autre, que son équilibre est fonction de leur égale poussée. Peut-être nous sera-t-il donné de redécouvrir cette bienheureuse nécessité (dans un sens comme dans l'autre) au temps où nous redécouvrons les voûtes romanes, où elles nous redeviennent proches et familières, objets au surplus d'un croissant intérêt
.
     « Les femmes imprégnées de l'esprit de l'Evangile peuvent tant pour aider l'humanité à ne pas déchoir. »

   Peut-être, après les nombreux siècles où l'on a vu conjointement s'effriter l'influence de la femme et du Christianisme (à croire que les deux sont intimement liés), verrons-nous revenir une influence féminine chrétienne dans une société manquant cruellement de Dieu, de ce Dieu qui doit pourtant régner dans les cœurs et dans la Cité. Les femmes n'ont-elles pas un grand rôle à jouer dans cette évangélisation de plus en plus pressante, que ce soit dans le secret des familles, la conduite des affaires publiques ou l'oblation silencieuse d'une vie toute entière consacrée à Dieu ?

    «Dans le christianisme en effet, plus que dans toute autre religion, la femme a dès les origines un statut spécial de dignité, dont des aspects nombreux et marquants sont attestés dans le Nouveau Testament [...]; il apparaît avec évidence que la femme est appelée à faire partie de la structure vivante et opérante du christianisme d'une façon si importante qu'on n'en a peut-être pas encore discerné toutes les virtualités.» Pape Paul VI

    Qu'on ne se trompe pourtant pas sur l'actuel mouvement de « libération  féministe », qui n'a rien de chrétien dans son essence, et qui est en fait l'ennemi insidieux de la femme, car il marque pour elle une tendance suicidaire : se nier elle-même en tant que femme (jusqu'à haïr la maternité), se satisfaire à copier les comportements de l'homme, chercher à le reproduire comme une sorte de modèle idéal et parfait, en se refusant d'emblée toute originalité.

     « De nos jours, la question des «droits de la femme» a pris une portée nouvelle dans le vaste contexte des droits de la personne humaine. Éclairant ce programme constamment déclaré et rappelé de diverses manières, le message biblique et évangélique sauvegarde la vérité sur l'«unité» des «deux», c'est-à-dire sur la dignité et la vocation qui résultent de la différence et de l'originalité personnelles spécifiques de l'homme et de la femme. C'est pourquoi même la juste opposition de la femme face à ce qu'expriment les paroles bibliques «lui dominera sur toi» (Gn 3, 16) ne peut sous aucun prétexte conduire à «masculiniser» les femmes. La femme ne peut – au nom de sa libération de la «domination» de l'homme – tendre à s'approprier les caractéristiques masculines, au détriment de sa propre «originalité» féminine. Il existe une crainte fondée qu'en agissant ainsi la femme ne «s'épanouira» pas mais pourrait au contraire déformer et perdre ce qui constitue sa richesse essentielle. Il s'agit d'une richesse énorme. Dans la description biblique, l'exclamation du premier homme à la vue de la femme créée est une exclamation d'admiration et d'enchantement, qui a traversé toute l'histoire de l'homme sur la terre. Les ressources personnelles de la féminité ne sont certes pas moindres que celles de la masculinité, mais elles sont seulement différentes. La femme – comme l'homme aussi, du reste – doit donc envisager son épanouissement personnel, sa dignité et sa vocation, en fonction de ces ressources, selon la richesse de la féminité qu'elle a reçue le jour de la création et dont elle hérite comme une expression de l'«image et ressemblance de Dieu» qui lui est particulière. Ce n'est que dans ce sens que peut être surmonté aussi l'héritage du péché qui est suggéré par les paroles de la Bible: «Le désir te portera vers ton mari, et lui dominera sur toi». Dépasser ce mauvais héritage est, de génération en génération, un devoir pour tout être humain, homme ou femme. En effet, dans tous les cas où l'homme est responsable de ce qui offense la dignité personnelle et la vocation de la femme, il agit contre sa propre dignité personnelle et contre sa vocation » (Lettre apostolique MULIERIS DIGNITATEM du Bienheureux Pape Jean-Paul II, § 10).

    Joseph de Maistre, grand théoricien de la pensée contre-révolutionnaire, écrivait à ce propos, en 1808, dans une forme plus concise et un style plus piquant : « Les femmes ne sont nullement condamnées à la médiocrité; elles peuvent même prétendre au sublime, mais au sublime féminin. Chaque être doit se tenir à sa place, et ne pas affecter d'autres perfections que celles qui lui appartiennent. [...] L’erreur de certaines femmes est d'imaginer que, pour être distinguées, elles doivent l'être à la manière des hommes, il n’y a rien de plus faux. [...] En un mot, la femme ne peut être supérieure que comme femme mais dès qu'elle veut émuler l'homme, ce n'est qu’un singe. »

    Le Moyen-Âge avait su trouver le point d'équilibre. Nous avons vu dans la présente étude que la femme tenait une grande place au sein de la Chrétienté médiévale, mais qu'elle n'en demeurait pas moins femme, avec toutes ses spécificités et son génie propre, sans chercher à se travestir ou à émuler l'homme, bien plutôt son compagnon, son partenaire, que son concurrent perpétuel. Pour porter la réflexion à notre époque, nous pouvons affirmer que, assurément, «la  Cité » actuelle a tout à gagner du concours actif des femmes, mais le « féminisme égalitaire » tel qu'il existe aujourd'hui, dans son essence aussi matérialiste que le marxisme et ses effets destructeurs tels que la ruine des familles ou le génocide silencieux de millions d'âmes, est-il bon et louable ? Rien n'est moins sûr.

     « Indépendamment de sa mission dans la famille, la femme a aussi à exercer une mission dans l’État et même dans l’Église. » R. P. D. Joachim Ventura de Raulica, ancien général des Théatins, consulteur de la sacrée congrégation des rites et examinateur des évêques et du clergé romain (1856).

     Un autre fruit amer produit par le « féminisme libertaire » de ces dernières décennies que l'on peut relever est le postulat de l'imaginaire « lutte des sexes », à l'image de la légendaire « lutte des classes », qui a installé une hostilité entre l'homme et la femme, une crainte réciproque et une concurrence néfaste, absolument étrangères à la pensée médiévale et contraire à l'Esprit du Créateur qui façonna l'Homme et la Femme dans un état primordial de communion (Cf. CEC n° 371-372). Certes, il y eu la Chute, cette terrible Chute qui brisa notre justice originelle et installa entre l'Homme et la Femme un rapport de force, une tension (Cf. Gn III, 16 et MD § 9), mais le Christ ne nous a-t-Il pas délivré, par son Sacrifice sur le Calvaire, de la malédiction de l'antique péché, quoique ses conséquences demeurent ? N'avons-nous pas été lavés et régénérés dans le Sang Très Précieux de Notre Sauveur ? Alors oui, il faut tendre constamment à restaurer en nous l'Image pleine et entière de la Bienheureuse Trinité avec laquelle nous avons été créés (Cf. CEC n° 356-361), et, dans le domaine des relations hommes-femmes, rechercher l'harmonie et la communion, qui doivent exister dès maintenant, qui existeront dans la Cité Céleste (cf. Saint Augustin, la Cité de Dieu, livre XXII, 17) et qui existèrent dans le Paradis Terrestre, avant que le diable, sous la forme du serpent, vienne corrompre ceux que le Seigneur avait établit dans son amitié (« C’est l’os de mes os et la chair de ma chair » Gn II, 23 ).

     « ...la femme sera ornée d’une beauté nouvelle qui […] glorifiera la sagesse et la bonté de Dieu... »
Saint-Augustin in La Cité de Dieu.

« C'est pour être éternellement
à son image et ressemblance
que la Trinité nous a crées,
et c'est en Elle seule qu'est notre dignité. » Une béguine

     « Homme et femme Il les créa », lit-on dans la Genèse. A nous de porter avec dignité les signes de nos différences, qui sont dans la nature des êtres humains et qui reflètent, à leur façon, quelque chose de l'infinie perfection de Dieu (Cf. CEC n° 370).

Tout ce que contient cet article est soumis au jugement de la Sainte Église Catholique, Apostolique et Romaine.

3 commentaires:

  1. Réponses
    1. Cet article est ahurissant ! Je suis médiéviste et je crois assez bien connaître la condition féminine de cette période (que j'enseigne à l'Université) et je suis atterrée par ce que je viens de lire. C'est un tissu d'erreurs historiques mis au service d'une idéologie chrétienne intolérante et bien loin des idéaux du Christ!
      Quant on connaît bien l'histoire de l'Eglise, on ne dit pas qu'elle a été émancipatrice pour les femmes.

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    2. Chère madame,

      Cette thèse n'est pas de moi, mais d'une de vos illustres consœurs, médiévistes comme vous : Régine Pernoud. Je n'ai fait que reprendre ses idées pour les présenter dans l'article ci-dessus et les inclure dans une réflexion plus large.

      Cordialement.

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