samedi 9 octobre 2010

« La pitié n'est pas révolutionnaire... »

... disait le général républicain Westermann, fou de massacre et de sang.
Légitimes et glorieux, festifs et fraternels, d'amples fruits d'une « raison » attendue par les siècles: c'est ainsi que sont habituellement présentés les événements de ce qui fut aussi l'une des périodes les plus sanglantes de l'histoire, inaugurant tragiquement une succession de révolutions et de conflits qui marquèrent l'Europe jusqu'au milieu du XXe siècles.

    La pitié... C'est sans doute ce qui a manqué aux auteurs des massacres de septembre, de Lyon, de Marseille, de Bordeaux; aux bourreaux des innombrables Français tués par le « rasoir républicain ».
C'est sans doute ce qui a manqué aux geôliers du petit Louis XVII, mort à l'âge de dix ans, après trois ans de détention dans des conditions effroyables, orphelin de ses deux parents.
C'est sans doute aussi ce qui a fait défaut aux fantassins des colonnes infernales du général Turreau, parcourant la Vendée en sabrant, brûlant, pillant tout ce qui se trouvait sur leur chemin.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes : 550.000 victimes rien que pour l'Ouest.

    « Prononcer le nom de Turreau, nous dit Julien Rousseau, c'est évoquer... quatre ou cinq mois d'atrocités inouïes, le pays traversé en tous sens par ces armés... détruisant tout sur leur passage, incendiant les maisons et les bois, massacrant sans distinction hommes, femmes, enfants, vieillards, sans même s'inquiéter de leurs opinions, ni de leur comportement, aussi bien des « rebelles » que des patriotes, des officiers municipaux et des gardes nationaux; c'est évoquer les massacres de Chemillé, Gonnord, Gesté, Saint-Laurent-des-Autels, Melay, Châtillon, la Gaubretière, Chavagnes, Les Lucs, le Boupère, la Limouzière, Chanzeaux, la Flocellière...; ce sont les pires turpitudes, les orgies, les viols, les femmes enceintes éventrées, les petits enfants fendus par le milieu ou embrochés vivants au bout des baïonnettes. »

    Quand les grands symboles républicains sont brandis avec fierté, comment ne pas entendre les cris déchirants des ces enfants hachés à coups de sabre résonner à nos oreilles, ceux des vieillards jetés dans des fours chauffés à blanc, ceux encore des hommes et des femmes balancés pieds et poings liés dans le fleuve, à Nantes, sous les directives de Jean-Baptiste Carrier...
«Ah ! Quel torrent révolutionnaire que la Loire !» s'exclamera d'ailleurs ce dernier.

    Comment ne pas se souvenir de ces centaines de victimes agonisant dans des champs de cendres ? Des ces Français devenus la proie d'autres Français. Des familles entières, du nourrisson au grand-père, passées par le fil de l'épée, brûlées, fusillées, démembrées, éventrées, dépecées.
«Les soldats, dit un rapport républicain, cassent leurs armes à force de tuer.»

    «On ne voyait, dit un contemporain, que maisons en cendres ou croulant dans les flammes. Les mugissements des animaux dans leurs étables embrasées; les cris lamentables et perçant des malheureux à demi brûlés, criblés de balles, de coups de sabre et de baïonnette; des femmes enceintes, le ventre ouvert et leurs enfants à côté d'elles; des jeunes filles égorgées qui offraient encore les marques de la brutalité des soldats...»

    Cet entêtement dans le génocide, cette férocité obstinée, n'est pas le fruit d'une colère subite et brutale qui lui servirait d'explication, sinon d'excuse. Non, elle a été longuement concertée, mûrie dans les bureaux révolutionnaires, par des chats-fourrés travailleurs et compétents, avant d'être appliquée sur le terrain.
Chaque membre du Comité de Salut public est ainsi responsable de chacune des femmes vendéennes assassinées, de chaque enfant brûlé vif, de chaque paysan mutilé. Car tout cela se poursuit longuement, plusieurs mois, et l'horreur s'accomplit jour après jour dans un effort durable que le régime révolutionnaire veut et soutient, cependant que ses officiers, à l'ombre de ses drapeaux, y consentent.

    Pour établir toutes ces horreurs dans leur vérité saignante, nous n'avons pas besoin de la tradition vendéenne. Les rapports des républicains y suffisent.
« Mes camarades, nous pénétrons dans le pays insurgé. Je vous donne l'ordre de livrer aux flammes tout ce qui sera susceptible d'être brûlé, de passer au fil de la baïonnette tout ce que vous rencontrerez d'habitants sur votre passage » commanda par exemple le général Grignon.

    Voilà donc ce le vrai visage de la Révolution française, celui qu'on ne nous montre pas, bien différent du masque "fraternel" et "jovial" présenté dans les manuels scolaires. Visage d'autant plus hideux que l'on en découvre tous les traits sans maquillage.

    La République a ses mythes fondateurs. L'un des plus remarquables est sans nul doute la Révolution du XVIIIe siècle. Sa chronologie, ses acteurs, ses événements, ses thuriféraires font partie de cette geste grandiose, épique, majestueuse lui offrant de croire qu'elle est née de quelque chose et de quelque part. Il est toujours dans l'intérêt de ceux qui ont pris le pouvoir de masquer le violence et l'arbitraire sur lesquels ils ont assis leur domination. Mais l'histoire ne s'écrit pas comme la mythologie, et son exigence de vérité ne devrait pas s'encombrer des intérêts et des visées utilitaristes.

Pour conclure, quelques vers de Pierre d'Angles :

« Vous avez tout brûlé, chez nous, châteaux, chaumières,
Étables et clochers. Vous traîniez les enfers
Pour faire du bocage un immense désert
Sans une âme qui vive et sans pierre sur pierre…

Aujourd’hui nous pouvons vous juger à vos faits.
Votre révolution a incendié notre terre.
Elle a porté, partout, la misère et la guerre,
Quand le monde a jamais plus désiré la paix…

Je ne peux pas fêter votre révolution.
On ne célèbre pas le vol, le viol, le crime.
Je porterai le deuil de toutes ses victimes.
Elles seules ont droit à ma vénération. »

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