mercredi 25 juillet 2012

Respect dû aux personnes âgées et aux ancêtres




onorons dans toutes les personnes âgées l'image de nos parents et de nos aïeux. La vieillesse a droit à la vénération de tous les cœurs bien nés. L'antique Sparte avait une loi qui ordonnait aux jeunes gens de se lever à l'approche d'un vieillard, de se taire dès qu'il parlait, de lui céder le pas quand ils le rencontraient. Ce que chez nous la loi n'ordonne pas, faisons-le spontanément, ce sera mieux encore, au nom de la piété filiale. Il y a dans ce respect une si grande beauté morale, que ceux-là mêmes qui oublient de le mettre en pratique sont forcés de l'admirer dans les autres.

     Un vieil Athénien cherchait une place aux jeux Olympiques, et tous les gradins de l'amphithéâtre étaient occupés. Quelques jeunes étourdis, ses concitoyens, lui firent signe d'approcher, et quand, sur leur invitation, il fut arrivé à grand' peine jusqu'à l'endroit où ils étaient, au lieu d'un accueil respectueux il ne trouva que d'indignes risées. Repoussé d'un lieu à l'autre, le pauvre vieillard s'en vint du côté où étaient assis les Spartiates. Ceux-ci, fidèles à la sainte coutume de leur patrie, se lèvent avec modestie et le placent au milieu d'eux. Ces mêmes Athéniens, qui l'avaient ainsi raillé sans vergogne, furent saisis d'admiration pour leurs généreux émules, et les plus vifs applaudissements éclatèrent de tous les côtés. Des larmes coulaient des yeux du vieillard, et il s'écriait : « Les Athéniens savent ce qui est honnête, mais les Spartiates le font. »

     Alexandre le Grand, à l'époque où les plus éclatants succès conspiraient à l'enorgueillir, savait encore néanmoins s'humilier devant la vieillesse. Arrêté un jour dans ses courses victorieuses par des neiges extraordinaires, il fit brûler quelques morceaux de bois, et, assis sur son banc royal, il se chauffait. Il aperçut parmi ses soldats un homme accablé par l'âge et tout tremblant de froid ; il courut à lui, et, avec ces mains invincibles qui avaient renversé l'empire de Darius, il prit le vieillard engourdi et l'établit sur son propre siège.

     « Il n'y a de méchant que l'homme sans égard pour la vieillesse, pour les femmes et pour le malheur », disait Parini. Et Parini employait tout l'ascendant qu'il avait sur ses élèves à les rendre respectueux envers les vieillards. Un jour il s'était irrité contre un jeune homme dont on venait de lui rapporter quelque faute grave. Il lui arriva de le rencontrer dans une rue au moment où, occupé à relever un vieux capucin, ce jeune homme s'emportait noblement contre des misérables qui avaient heurté ce pauvre homme. Parini se mit à crier à l'unisson ; puis, jetant ses bras au cou de son élève, il lui dit : « Il y a une heure, je te croyais méchant ; mais depuis que j'ai vu ton respect pour les vieillards, je recommence à te croire capable de beaucoup de vertus. »

     La vieillesse est surtout respectable dans ceux qui supportèrent les dégoûts de notre enfance et ceux de notre jeunesse, dans ceux qui contribuèrent de tout leur pouvoir à nous former l'esprit et le cœur. Soyons indulgents pour leurs défauts, et évaluons généreusement les peines que nous leur avons coûtées, l'affection qu'ils placèrent en nous, et la douce récompense qu'ils se sont promise de la persévérance de notre amour. Non, celui qui se consacre par un noble dévouement à l'éducation de la jeunesse n'est pas assez payé par le pain que si justement on lui donne. Ce sont offices de père et de mère, et non de mercenaire. Ils ennoblissent celui qui en fait son habitude. Ils accoutument à aimer, et donne le droit d'être aimé.

     Portons un respect filial à tous nos supérieurs, parce qu'ils sont nos supérieurs. Portons un respect filial à tous les hommes qui ont bien mérité de leur pays ou de l'humanité. Que leurs écrits, leurs images, leurs tombes, nous soient sacrés !

     Et lorsque nous considérons les siècles passés et les maux qui peuvent s'y trouver ; lorsque, déplorant la multitude des malheurs présents, nous les regardons comme la conséquence des passions et des erreurs des âges écoulés, ne cédons pas à la tentation de blâmer nos pères et nos rois. Faisons-nous un devoir de conscience d'être pieux dans nos jugements sur eux. Ils entreprenaient des guerres que nous déplorons maintenant ; mais n'avaient-ils pas leur excuse dans les nécessité ou dans d'innocentes illusions qu'à la distance où nous sommes nous ne pouvons apprécier ? 

     La critique doit se montrer éclairée, mais non cruelle à l'égard des aïeux ; elle ne doit ni calomnier ni refuser dédaigneusement son respect à ceux qui ne peuvent sortir du tombeau et nous dire : « La raison de notre conduite, enfants, la voici. »

     « C'est chose difficile, disait Caton, que de faire comprendre aux hommes d'un autre siècle ce qui justifie notre vie. »

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