mercredi 15 juin 2011

De la prière en famille

DE LA PRIÈRE EN FAMILLE¹




une époque où la foi était plus vive et les mœurs plus patriarcales que de nos jours; dans ce bon vieux temps de nos pères, où les maîtres nommaient leurs serviteurs mes enfants, et où ceux-ci disaient naïvement chez nous pour désigner la demeure de leurs maîtres, les familles chrétiennes se réunissaient d'ordinaire pour faire en commun la prière du soir. Dieu bénissait cet antique et religieux usage : pourquoi n'y reviendrait-on pas ? Il est moins difficile à établir qu'on ne pense et il ne faut souvent pour cela, de la part d'une maîtresse de maison, qu'un peu d'initiative et de zèle. Là même où il ne se trouve pas de chapelle, on transforme aisément la plus modeste chambre en une sorte d'oratoire, de sanctuaire, en y plaçant quelques objets bénits : une statue de la Vierge, ce refuge assuré de la tendresse maternelle; la pieuse image à laquelle se rattache le souvenir de la première communion d'un enfant, cette croix saintement embrassée par un père vénéré, à son heure dernière, et qui se conserve dans la famille comme une relique chère et sacrée.

       Devant ces précieux symboles, la mère, entourée de ses enfants, parfois aussi le plus jeune enfant de la famille, choisi comme le plus agréable à Dieu par son innocence, lit tout haut la prière; des voix nombreuses et recueillies lui répondent; et cette action si simple a quelque chose de solennel et de touchant qui ouvre les cœurs à la grâces, et les dispose à en recueillir les fruits. Qui sait si des âmes longtemps éloignées de Dieu et tristement indifférentes à leur salut, lorsqu'elles reprendront la saintes habitude de la prière, n'éprouveront pas le besoin de revenir également à tous les devoirs du chrétien? Qui sait si des cœurs désunis, et nourrissant, peut-être pour des torts plus imaginaires que réels, une de ces rancunes secrètes qui amènent tôt ou tard dans les familles de déplorables divisions, ne reviendront pas plus disposés à se rapprocher, quand ils auront prié les uns après les autres? Non, il ne saurait y avoir de mauvais sentiment durables, quand on répète chaque soir d'une commune voix : Notre Père, pardonnez-moi comme moi-même je pardonne !

       Que d'impressions salutaires laisse dans les âmes cette prière faite ainsi, sous les regards de Dieu, et dans la sainte égalité de ses enfants ! Les supérieurs qui dans la vie ont la charge de diriger s'y rappellent que leurs droits sont bien moins nombreux que leurs devoirs, et leur autorité devient plus douce en devenant plus chrétienne. Les enfants, les serviteurs, regardant le Seigneur lui-même dans la personne de leurs parents et de leurs maîtres, en sont plus respectueux et plus soumis; la charité s'exerce en recommandant à Dieu les pauvres, les affligés, les malades; le souvenir des morts si tendrement aimés porte chaque jour à la prière, les préserve du triste oubli, et perpétue tout à la fois dans les familles leur mémoire et leurs exemples.

       Tous donc ont leur part dans l'heureuse influence que cette union des âmes dont Dieu est le principe saint et fécond. Par elle, les devoirs se perfectionnent, les traditions se conservent, tous les liens se resserrent, une famille est bénie. On le sent; aussi la cloche qui appelle à la prière marque-t-elle une des heures les plus douces de la journée.

       Puisse une heureuse expérience l'apprendre à un grand nombre de familles chrétiennes! Aussi bien Notre-Seigneur semble avoir voulu nous encourager Lui-même à cette pieuse pratique en nous disant : «Lorsque deux ou trois personnes se réuniront en mon nom pour prier, je me trouverai au milieu d'elles.» (Mt XVIII, 20)


¹ texte repris (et modifié) du « Recueil de prières, de méditations et de lectures, tirées des œuvres des saints Pères, des écrivains  et orateurs sacrés » par Mme la Csse de Flavigny.


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