jeudi 7 avril 2011

Religion

III

RELIGION


Saint Augustin et sa mère contemplant les vérités éternelles.


       Une fois établi que l'homme est supérieur à la brute, et qu'il porte en lui quelque chose de divin, nous devons avoir en haute estime tous les sentiments qui contribuent à l'ennoblir; et comme il est évident que ce qui l'ennoblit le plus, c'est d'aspirer, malgré toutes ses misères, à la perfection, à la félicité, à Dieu enfin, force est de reconnaître, sous ce point de vue, l'excellence de la religion, et de la pratiquer.

       Ne vous laissez pas décourager ni par le nombre des hypocrites ni par les railleries de ceux qui vous traiteront d'hypocrite parce que vous serez religieux. Sans force d'âme on n'acquiert aucune vertu, on ne remplit aucun devoir d'un ordre élevé : le piété elle-même n'est pas la conquête d'un cœur pusillanime.

       Vos études et votre raison vous ont amené à reconnaître qu'il n'est pas de religion plus pure que le Christianisme, plus exempte d'erreurs, plus éclatante de sainteté, plus manifestement empreinte du caractère de Dieu. Il n'en est pas qui ait autant contribué à faire avancer et à répandre la civilisation, à détruite l'esclavage, à faire comprendre à tous les mortels leur fraternité devant Dieu, leur fraternité avec Dieu même.

       Appliquez votre esprit à tout ceci et, en particulier, à la solidité des preuves historiques de la religion. Elles sont de nature à résister à tout examen désintéressé.

       Et pour ne pas vous laisser prendre aux sophismes que l'on imagine contre la légitimité de ces preuves, joignez à l'examen que vous en ferez le souvenir de cette foule d'hommes supérieurs qui en reconnurent toute la force, à commencer par quelques penseurs qui appartiennent à notre époque, et en remontant jusqu'à Dante, jusqu'à Saint Thomas, jusqu'à Saint Augustin, jusqu'aux premiers Pères de l'Église.

       Chaque nation vous offre des noms illustres, qu'aucun incrédule n'ose mépriser.

       Le célèbre Bacon, si vanté dans l'école sensualiste, bien loin d'être incrédule comme ses plus chauds panégyristes, fit constamment profession du christianisme. Grotius était chrétien, encore qu'il se soit trompé sur plusieurs points, et il a écrit un traité de la Vérité de la religion. Leibnitz fut un des plus savants apologistes du Christianisme. Newton n'a pas dédaigné de composer un livre sur l'Accord des Évangiles. Locke a traité du Christianisme raisonnable. Volta était un physicien italien de premier ordre, un homme d'un vaste science, et toute sa vie il s'est montré le plus vertueux des catholiques. Ces grandes âmes, et tant d'autres, attestent bien quelque peu que le Christianisme est en harmonie parfaite avec le sens commun, c'est-à-dire avec ce sens qui étend à toutes les questions ses connaissances et ses recherches, qui ne se restreint pas à plaisir, qui ne se borne pas à regarder une seul face des choses, qui ne se laisse pervertir ni par le caprice de la moquerie ni par l'emportement de l'irréligion.

       Considérez, après ces personnages qui possédaient une vaste science, la légion des Saints que l'Église a enfanté depuis deux-milles ans et parmi eux ceux qui ne l'embellissaient pas moins par leur simplicité et leur humble condition. Ils n'étaient ni philosophes ni théologiens, et sont pourtant des amis de Dieu très vénérables. Sainte Jeanne d'Arc ne savait pas lire ; Sainte Thérèse de Lisieux n'a jamais fait de théologie : elle est pourtant reconnue docteur de l'Église ; Saint Jean-Marie Vianney n'était pas à l'aise dans les études, il est un exemple pour les curés du monde entier. Méditez donc ce que le Seigneur, à travers la Sainte Religion Catholique, a fait dans l'âme et le corps de ses fils et filles. Essayez de trouver ailleurs quelle institution a de plus sublimes représentants.

       Ne croyez donc pas ceux qui vous disent que le christianisme est une religion pour les esprits médiocres et que l'athéisme serait la position des gens éclairés, ou qu'à l'inverse ceux qui accusent le catholicisme d'être pratiqué par des riches par tradition familiale ou bourgeoise. L'histoire infirme toutes ces foutaises.

       Joseph de Maistre disait avec raison que « Le christianisme a été prêché par des ignorants et cru par des savants, et c'est en quoi il ne ressemble à rien de connu. »







       Ce même philosophe affirme, toujours dans le cadre des preuves historiques de la religion : « Depuis dix-huit siècles, il [ le Christianisme ] règne sur une grande partie du monde et particulièrement sur la portion la plus éclairée du globe. Cette religion ne s'arrête par même à cette époque antique ; arrivée à sont fondateur, elle se noue à un autre ordre de choses, à une religion typique qui l'a précédée. L'une ne peut être vraie sans que l'autre le soit ; l'une se vante de promettre ce que l'autre se vante de tenir ; en sorte que celle-ci, par une enchaînement qui est une fait visible, remonte à l'origine du monde.

ELLE NAQUIT LE JOUR QUE NAQUIRENT LES JOURS.


       Il n'y a pas d'exemple d'une telle durée; et, à s'en tenir même au christianisme, aucune institution dans l'univers, ne peut lui être opposée. C'est pour chicaner qu'on lui compare d'autres religions : plusieurs caractères frappants excluent toute comparaison ; ce n'est pas ici le lieu de les détailler : un mot seulement, et c'est assez. Qu'on nous montre une autre religion fondée sur des faits miraculeux et révélant des dogmes incompréhensibles, crue pendant dix-huit siècles par une grande partie du genre humain, et défendue d'âge en âge par les premier hommes du temps, depuis Origène jusqu'à Pascal, malgré les derniers efforts d'une secte ennemie, qui n'a cessé de rugir depuis Celse jusqu'à Condorcet.
       Chose admirable ! lorsqu'on réfléchit sur cette grande institution, l'hypothèse la plus naturelle, celle que toutes les vraisemblances environnent, c'est celle d'un établissement divin. Si l'œuvre est humaine, il n'y a plus moyen d'en expliquer le succès : en excluant le prodige, on le ramène.
       Toutes les nations, dit-on, ont pris du cuivre pour de l'or. Fort bien : mais ce cuivre a-t-il été jeté dans le creuset européen, et soumis, pendant dix-huit siècles, à notre chimie observatrice ? ou, s'il a subi cette épreuve, s'en est-il tiré à son honneur ? Newton croyait à l'incarnation ; mais Platon, je pense, croyait peu à la naissance merveilleuse de Bacchus.




[...]


       De plus, il s'est tiré de toutes les épreuves. On dit que la persécution est un vent qui nourrit ou propage la flamme du fanatisme. Soit : Dioclétien favorisa le christianisme ; mais, dans cette supposition, Constantin devait l'étouffer, et c'est ce qui n'est pas arrivé. Il a résisté à tout, à la paix, à la guerre, aux échafauds, aux triomphes, aux poignards, aux délices, à l'orgueil, à l'humiliation, à la pauvreté, à l'opulence, à la nuit du Moyen-Âge et au grand jour des siècles de Léon X et de Louis XIV. Un empereur tout-puissant et maître de la plus grande partie du monde connu épuisa jadis contre lui toutes les ressources de son génie ; il n'oublia rien pour relever les dogmes anciens ; il les associa habilement aux idées platoniques, qui étaient à la mode. Cachant la rage qui l'animait sous le masque d'une tolérance extérieure, il employa contre le culte ennemi les armes auxquelles nul ouvrage humain n'a résisté : il le livra au ridicule ; il appauvrit le sacerdoce pour le faire mépriser ; il le priva de tous les appuis que l'homme peut donner à ses œuvres ; diffamations, cabales, injustices, oppression, ridicule, force et adresse, tout fut inutile ; le Galiléen l'emporta sur Julien le philosophe. »(1)









 (1) Joseph de Maistre in Considérations sur la France, chap. V.